Interview : Philippe Tintignac, I-Sat

I-sat a lancé une des premières offres d’accès à l’internet par satellite bidirectionnel en France (voir : http://www.fing.org/index.php?num=3218,2). Rencontre avec Philippe Tintignac, cofondateur d’i-sat, qui nous explique les avantages et inconvénients de cette technologie.

Cette interview a été réalisée quelques mois avant sa publication. Nous nous excusons des changements qui ont pu avoir lieu depuis.

http://www.i-sat.fr

Fing : I-Point est fournisseur d’accès internet depuis 1996. Qu’est-ce qui vous a poussé à lancer une des premières offres d’accès à l’internet par satellite bidirectionnel ?

Philippe Tintignac, I-Sat : Nous avons un certain nombre de clients en zone rurale et aujourd’hui lorsqu’ils veulent se connecter ils ont le choix entre un routeur Numéris avec un branchement quasi-permanent, s’ils ont un réseau local ou une ligne spécialisée : c’est hors de prix. Donc cela faisait très longtemps que nous cherchions des solutions alternatives. Nous avions beaucoup espéré de la boucle locale radio ; mais finalement rien n’est venu et on s’aperçoit que là où elle se développe, c’est dans les grandes villes… Donc pour couvrir les zones qui n’ont pas accès à l’ADSL, la seule solution c’est le satellite car c’est la seule disponible partout.
Alors nous avons fait une étude du marché européen pour voir qui proposait des solutions et notre choix s’est arrêté sur la filiale allemande de Hughes Network (http://www.hns.com). Cette offre nous l’avons ensuite packagée pour qu’elle devienne compréhensible  ! Nous avons agi comme catalyseur et vulgarisé une offre qui existait déjà sur le marché mais dont la présentation manquait de clarté.

Quels sont les avantages d’une connexion satellite ?

Une chose est claire : si vous avez l’ADSL il ne faut pas prendre le satellite. L’ADSL est mieux et moins cher. En revanche, si vous n’avez pas l’ADSL, avec Numéris vous êtes limité à 64 ou 128 kb/s si vous multipliez les canaux ; mais alors vous multipliez aussi les coûts de communication. Le problème numéro 1 du Numéris c’est le coût. Aujourd’hui les clients qui appellent pour avoir du satellite ont une facture de communication téléphonique pour leur ligne Numéris qui oscille entre 457 et 1220 euros par mois. Chez nous, l’offre satellite est illimitée en terme de volume de données, fonctionne 24h/24 et avec un budget connu à l’avance : 155 euros pour la première offre.

Vous indiquez sur votre offre que les débits vont  » jusqu’à 128 kb/s  » en émission, donc 128 et moins ?

Oui, et jusqu’à 512 kb/s en réception. C’est comme de l’ADSL  : il s’agit de débit partagé, pas de débit garantit. Si on veut du débit garanti sur satellite, c’est beaucoup, beaucoup plus cher…

Vous précisez également, pour l’offre I-Sat 5 par exemple, qu’elle correspond à « un usage classique de type email plus navigation web occasionnelle ». Pourquoi « occasionnelle » ?

Nous essayons de minimaliser le service que nous pouvons rendre. Sur Isat 5, qui est le service de base, si vous mettez cinq stations sur lesquelles les utilisateurs surfent toute la journée, ces derniers ne seront pas contents  ! On ne surfe pas aussi bien à cinq sur ce type d’offre que sur de l’ADSL. Si vous voulez vraiment faire beaucoup de navigation à partir de plusieurs postes, mieux vaut passer à une offre supérieure. Nous ne voulons pas faire croire aux gens que c’est la panacée et qu’avec ça ils ont du haut débit sur tous les postes. Par ailleurs, j’ai un prospect qui veut du satellite et héberger un site web. Je lui réponds  : « Ne le faites pas. Ce n’est pas fait pour ça. »

On parle aussi des problèmes de temps de latence avec le satellite  ?

Oui, il y a un phénomène de latence : lorsque vous émettez une requête, elle monte vers le satellite géostationnaire à 36 000 km, puis redescend du satellite vers le hub, en Allemagne pour ce qui nous concerne, puis va sur l’internet. Au retour : même trajet. Donc 4 fois 36 000 km ! D’où un petit temps d’attente entre le moment où vous faites votre demande et le retour de cette demande. Ca n’est pas gênant quand vous faite du mail ou de la navigation web car c’est tout à fait supportable. En revanche, pour prendre un service basique, du Telnet (utilisation en mode console informatique distante) sur un serveur distant devient très vite insupportable car chaque caractère que vous tapez met une demie-seconde à s’afficher. Pour ce type d’application très interactive, ou encore le jeu en réseau par exemple, il faut oublier le satellite : ce n’est pas du tout adapté.

Qui sont les utilisateurs du satellite bidirectionnel ?

Notre cible se sont les entreprises. Elles ont besoin de naviguer, de faire du mail, de télécharger parfois, d’échanger avec leurs clients et leurs fournisseurs d’une manière générale. Très souvent on nous demande également des applications de type VPN (réseau privé virtuel) parce qu’on a affaire, par exemple, à un siège social qui a des agences au Maroc ou au fin fond de la Lozère – où l’espoir d’avoir de l’ADSL est à l’horizon 2035 :o) – et souhaite que ceux de l’usine de Lozère puissent avoir accès au site central via une connexion VPN. Nous avons un client qui a une ligne spécialisée entre Brest et le sud de la France qui lui coûte plusieurs milliers d’euros par mois et pour qui nous étudions une solution VPN satellite.
Puis, ce sont les travailleurs indépendants et les petites structures, ceux qui travaillent dans les NTIC mais dans des zones rurales ; des chefs d’entreprises qui ont une maison à la campagne… Enfin, les collectivités territoriales, les communautés de communes nous contactent beaucoup dans l’objectif de désenclaver les zones rurales et d’attirer les entreprises.
Nous avons également installé, pour Hewlett Packard, une antenne mobile sur un 38 tonnes, un camion de démos qui va circuler dans toute l’Europe. Lorsque le camion est garé, l’antenne va chercher le satellite et s’oriente pour avoir la connexion.

Et les particuliers ?

Non. Nous sommes trop chers. Ce n’est pas adapté.

Quel est l’avenir de ce type de connexion ?

La réponse « numérique » à la question de l’avenir c’est qu’aujourd’hui il y a 36 000 communes en France dont 30 000 qui n’ont pas l’ADSL. Et avant qu’elles soient toutes reliées, il va se passer du temps. De plus, je ne vois pas très bien quelle autre solution peut permettre de proposer des accès internet de bonne qualité.

Et c’est rentable ?

En ce qui nous concerne nous sommes importateurs d’une solution. Ce n’est pas nous qui avons fait les investissements. Donc je gagne ma vie à chaque fois que je vends un service I-Sat. Ce n’est pas comme si j’étais allé voir Eutelsat pour leur dire : je vous achète un segment 38 Mb/s sur votre satellite à 100 000 euros par mois et donc il me faut 10 000 clients pour rentabiliser. Hugues Network en revanche est dans ce type de situation, mais je ne suis pas très inquiet sur leur capacité d’investissement.

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