Ines, Libertys, du canular à l’inquiétude

Alors que le Forum des droits sur l’internet s’apprête, le 16 juin, à rendre publique la synthèse du « débat national » sur le projet de Carte nationale d’identité électronique (projet Ines), il semble que dans l’opinion, la controverse commence tout juste à émerger.

Le canular Libertys, initialement révélé par Le Monde, l’y aidera sans doute. Le 6 juin au matin, 20 000 Grenoblois trouvaient dans leur boîte aux lettres un dépliant de quatre pages, à l’aspect très officiel, intitulé « Libertys, votre nouvelle carte de vie – L’Isère, département pilote de la nouvelle carte unique d’identité et de services ». Cette carte sans contact ferait à la fois office de carte d’identité, de passeport, de moyen de paiement, de carte de vie quotidienne, de carte de sécu – mais aussi de porte-clés personnel, de forfait ski, etc. Elle est bien sûr biométrique (empreintes digitales et iris de l’oeil), sans contact, prochainement géolocalisée, (sans doute) laïque et obligatoire dès le 1er juillet… et bien sûr, à la fois vraisemblable et totalement inventée par des militants opposés au projet Ines. On soupçonne la très active association grenobloise Pièces et Main d’Oeuvre, qui ne confirme pas pour l’instant…

Se saisissant de l’occasion, Indymedia Paris fournit une citation du « Livre bleu » que publiait en juillet 2004 le Groupement des industries de l’interconnexion des composants et des sous-ensembles électroniques (Gixel), pour le moins inquiétante :

« La sécurité est très souvent vécue dans nos sociétés démocratiques comme une atteinte aux libertés individuelles. Il faut donc faire accepter par la population les technologies utilisées et parmi celles-ci la biométrie, la vidéosurveillance et les contrôles. Plusieurs méthodes devront être développées par les pouvoirs publics et les industriels pour faire accepter la biométrie. Elles devront être accompagnées d’un effort de convivialité par une reconnaissance de la personne et par l’apport de fonctionnalités attrayantes :

. Éducation dès l’école maternelle, les enfants utilisent cette technologie pour rentrer dans l’école, en sortir, déjeuner à la cantine, et les parents ou leurs représentants s’identifieront pour aller chercher les enfants.

. Introduction dans des biens de consommation, de confort ou des jeux : téléphone portable, ordinateur, voiture, domotique, jeux vidéo

(…) »

Avec de tels amis (le « Livre Bleu » a été nominé aux Big Brother Awards 2004), le programme Ines a-t-il encore besoin d’ennemis ?

Mais à côté des critiques radicales du projet Ines, qui s’organisent mais demeurent pour l’instant peu audibles, on voit aussi mûrir des interrogations d’une nature différente, qui portent plutôt sur l’impact du projet Ines sur les relations sociales « de terrain ». Intervenant à Marseille à la demande du Forum des droits sur l’internet, le philosophe Xavier Guchet indiquait ainsi que l’apparente « atonie sociale » qui caractérise aujourd’hui le débat public sur la biométrie, ne doit pas être prise pour une acceptation et ne signale pas non plus que tous les problèmes sont résolus :

« La relativement bonne « acceptabilité sociale » de ces techniques dans les processus de contrôle ne signifie pas que la requalification biométrique de l’identité est sans problème. (…) La question est plutôt la suivante : la biométrie est-elle compatible avec les modalités traditionnelles de la construction de l’identité. Ne faut-il pas plutôt reconnaître qu’elle introduit une notion inédite de l’identité dans laquelle les usagers, tout en se conformant aux prescriptions techniques, risquent de ne pas se reconnaître ? (…)

En définitive, la biométrie n’est pas un outil au service de préoccupations purement techniques. Elle est un instrument de pouvoir ; cela veut dire qu’il faut étudier la biométrie en la restituant dans les relations de pouvoir qu’elle contribue à modifier ou à créer. »

Contribution (p. 46) (.pdf) de Xavier Guchet au Forum des droits de l’internet – Lire aussi « La Biometrie : usages et représentations (.pdf)« , Sylvie Craipeau, Gérard Dubey et Xavier Guchet, Février 2004.

De l’eau au moulin de ceux qui, comme nous, admettent sans enthousiasme la probable inéluctabilité de la carte d’identité électronique mais demandent que son usage ne puisse pas s’étendre au-delà de l’identification formelle et officielle.

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0 commentaires

  1. Non aux systeme liberticides precurseurs de l’implant humains !

  2. Une fois toutes ces cartes fusionnees, on va reussir pour l’homme ce que l’on a jamais reussi pour le boeuf: la traçabilite parfaite…

  3. Je ne suis pas daccord d’archiver des informations personnels… exemple un medecin fait une erreur et tout le processus futur sera erronne !