Une pluie de prédictions

Décidément les 50 prochaines années sont à la mode en cette période de fêtes. Après le New Scientist, qui a recueilli les prophéties de quelques-uns des scientifiques les plus en vue, c’est le gouvernement britannique qui a récemment reçu deux rapports tentant de prédire l’avenir sur ce même laps de temps. Ces deux documents, baptisés Delta Scan et Sigma Scan, ont été réalisés par des organismes différents. Delta Scan est le produit des cogitations d’un institut privé californien, l’Institut pour le futur (IFTF), en collaboration avec le bureau pour la Science et l’Innovation du Royaume Uni. Sigma Scan, de son côté, est le résultat des recherches des sociétés britanniques Ipsos Mori et Outsight.

Il est loin le temps où seuls les auteurs de science fiction se permettaient de l’audace dans leurs spéculations, tandis que les futurologues se contentaient d’extrapoler mollement sur des tendances déjà bien établies. Ces deux rapports ne reculent pas, à plusieurs reprises, devant les débordements d’imagination.
Les auteurs essaient cependant de raison garder en affectant un quotient de probabilité à leur prédictions. On va donc de prévisions très plausibles à d’autres beaucoup plus délirantes.

On a ainsi la quasi-certitude de voir l’épidémie de Sida s’accentuer, le crime organisé s’étendre sur l’internet, mais on nous annonce heureusement aussi quelques nouvelles positives, comme le développement de la démocratie virtuelle….

Les choses deviennent plus étonnantes lorsqu’on s’intéresse aux prévisions possédant l’indice de probabilité le plus bas. On surprend alors nos sages futurologues en train de se lâcher. Par exemple, ils n’hésitent pas à soulever la question des droits des robots… Les auteurs du Sigma Scan proposent un scénario digne d’Asimov. »Un changement monumental pourrait se produire, expliquent-ils, si les robots continuent à se développer au point d’acquérir une intelligence artificielle. Cela générerait de nombreux problèmes complexes dans différents domaines. Si l’on donne des droits aux robots, il est naturel aussi d’étendre à ceux-ci les devoirs du citoyen. […] ils devront s’acquitter de certaines responsabilités envers la société, comme voter, payer des impôts, effectuer un service militaire obligatoire« .

D’autres textes nous renvoient aux années 60. Selon leurs auteurs, la multiplication des objets intelligents et connectés de « l’informatique ambiante », va créer un nouvel univers de perceptions très riche dans lequel nous devrons apprendre à naviguer. La prolifération des sources d’information dans l’environnement risque en effet de saturer notre cerveau et lui faire atteindre trop vite ses limites. Les auteurs du rapport envisagent donc que l’ingestion de certaines substances pourraient nous aider à gérer ce flux accéléré de données, des produits susceptibles d' »augmenter la mémoire, aider à concentrer l’attention, rendre une expérience particulière plus vivante ou mémorable ». Une idée très « futuriste », si l’on se rappelle qu’il y a déjà quarante ans, Marshall McLuhan et ses disciples disaient du LSD qu’il permettait de s’adapter au bombardement sensoriel généré par les mass média de l’époque !

Dans un autre registre, on pourrait bien voir la fin de l’état laïque, la religion regagnant « le premier rôle dans les affaires humaines ». Une idée qui rejoint celles de l’IFTF dans ses « Prédictions à 10 ans (.pdf)« , version 2006.

Evidemment, tous ces futurs ne sont pas nécessairement compatibles entre eux. Entre un monde peuplé de robots syndicalistes et de cyborgs
plus ou moins immortels et un autre dans lequel les doctrines religieuses déterminent les lois et les comportements, un choix devra probablement être fait !

Malgré la hiérarchisation des probabilités soigneusement mise en place, on peut s’interroger sur la ressemblance croissante entre futurologie et science-fiction. Une convergence pas forcément négative. Après tout, les spécialistes ont souvent échoué par excès de timidité (« Le phonographe n’a aucune valeur commerciale » disait Thomas Edison, etc.), tandis que les écrivains d’anticipation ont la réputation d’être fréquemment tombés juste, au point que certains auteurs comme William Gibson ou Neal Stephenson ont pu influer directement sur l’élaboration de nouvelles technologies ou standards. Mark Pesce, l’inventeur du format 3D VRML, lui même fortement inspiré par Gibson, a ainsi pu écrire que le roman de science fiction était une « plateforme de développement logiciel« .

On ne s’étonnera donc pas que les prospectivistes s’adonnent maintenant, non sans s’entourer de toutes les précautions méthodologiques possibles, à des spéculations beaucoup plus échevelées.

Pour reprendre la célèbre formule du fameux physicien Niels Bohr, leurs hypothèses sont folles, mais le seront-elles assez pour s’avérer vraies ?

Via le New Scientist.

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0 commentaires

  1. Augmenter la crédibilité de l’Intelligence Artificielle en évoquant des scénarii totalement délirants

    cela fait des années que cela ne marche pas
    et ça fonctionnera de moins en moins au fur et à mesure que les promesses de l’IA ne sont pas tenues

    je pense que les auteurs ont oublié de faire les bilans importants
    comme par exemple celui des NTIC appliquées à l’enseignement
    et en particulier l’échec total de ce qui était promis pour les années 90
    à savoir les « Tuteurs … Intelligents »

    Il serait naturel d’exiger de la part d’un site comme le votre un minimum d’esprit critique
    et qui ne peut se résoudre à la remarque en bas de page.

    Pour finir
    l’univers de perception annoncé n’est riche que si l’on suppose que l’écrasement des perceptions naturelles de l’homme se poursuivra au point que le code numérique puisse se substituer à la richesse de la perception analogique
    c’est à dire précisément la substitution du compliqué (« flux accéléré de donné ») au complexe. Ou comment remplacer la profondeur et la continuité par la quantité et la vitesse.