Le télétravail est bon pour le moral

Selon une étude commise par deux psychologues, chercheurs en management de la Penn State University, le télétravail est bon pour l’employé comme pour l’employeur. Les chercheurs ont accompli une méta-étude sur 20 ans de recherches sur ce secteur, compulsant les données de plus de 46 études impliquant plus de 12 000 employés au total pour en conclure que le télétravail augmentait le moral et la satisfaction des employés et diminuait le stress et le turn over.

Selon l’étude, l’un des facteurs le plus important pour la satisfaction des employés est l’autonomie, que le télétravail apporte à un niveau individuel. « Nos résultats montrent que le télétravail a un effet largement bénéfique parce que le réaménagement qu’il implique apporte à l’employé plus de contrôle sur la manière dont il accomplit son travail », explique Ravi Gajendran, l’un des co-auteur de l’étude. « L’autonomie est un facteur majeur de la satisfaction du travailleur et cela résonne vraiment dans notre analyse. Nous avons trouvé que les télétravailleurs rapportent qu’ils ont une meilleure satisfaction, qu’ils sont moins enclins à quitter leur société, ont moins de stress, améliorent l’équilibre entre le travail et la vie privée et améliorent leurs performances. » Contrairement à la croyance populaire selon laquelle le temps en face à face au bureau est essentiel pour de bonnes relations de travail, la relation de travail entre un employé et son responsable ne souffre pas de la distance, à une exception près : les employés qui travaillent plus de trois jours par semaine loin de leur bureau, constatent une dégradation de leur relation avec leurs collègues. Cependant, les employeurs constatent que le télétravail n’affecte pas négativement les performances des télétravailleurs, au contraire. Quant aux employés qui télétravaillent, ils ne pensent pas que leur carrière puisse souffrir de leur passage au télétravail.

Leur étude (.pdf) baptisée : « Le bon, le mauvais et l’inconnu à propos du télétravail : une méta-analyse sur les médiateurs psychologiques et les conséquences individuelles  » (The Good, the Bad, and the Unknown About Telecommuting : Meta-Analysis of Psychological Mediators and Individual Consequences) est publiée par le Journal de psychologie appliquée de l’Association de psychologie américaine. Via Roland Piquepaille.

En attendant, le télétravail progresse lentement. Le Miroir Social rapporte que chez Renault, le premier bilan de l’accord de télétravail mis en place depuis un an, bénéficie déjà à 126 télétravailleurs, dont 82 % télétravaillent 2 jours par semaine (15 % trois jours et 4 % quatre jours, la durée plafond afin de préserver un jour de présence hebdomadaire). Sur ces 126 expérimentateurs, la durée tend à s’allonger. La motivation principale, rapporte la CFDT, réside à 70 % dans les difficultés de trajet domicile-travail. L’objectif de Renault est d’atteindre 1000 télétravailleurs d’ici 2009. Via Adverbe.

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  1. Extrait de « Dieu sera Web » chez Atlantica..

    Le « cold caller » appelle des prospects ne le connaissant pas.. Il chasse l’information stratégique et le rendez vous fruiteux.

    Ne se faisant jamais voir lui-même, il peut travailler depuis chez lui. Tel est mon cas. Ma ligne de téléphone relie donc notre ferme Gasconne à des directions de la communication ou marketing de « grands comptes » en région parisienne. Après avoir descendu la colline grâce à trente poteaux de bois au haut desquels cette ligne téléphonique s’alvéole, se couvre de givre et étincelle lorsqu’il a neigé et que le ciel est bleu.

    Je dispose d’un avantage extraordinaire : la paix de l’esprit. A quoi porte un environnement proche de l’idée que beaucoup de franciliens se font du Paradis.

    Mes amis Pied de Vigne et Fond de fût voient très bien la chose. Ils sont tous deux allés pour le concours Lépine à la Foire de Paris. Ils en sont revenus ahuris comme deux hirondelles à qui on aurait piqué leur sens de l’orientation..

    En attendant, ils voudraient des précisions :

    — Tu peux nous en dire plus sur ton nouveau boulot ? Parce que depuis qu’on ne te voit plus guère à l’atelier..
    — J’entends des voix !!
    — Tu entends des voix ? – Le pouce de Pied de Vigne cherche sa mèche.. La lourde main de Fond de fût descend de son habituelle position haute et son soufflet pousse un flou prout perplexe..

    Oui, des voix, mes amis.. Le métier de la parole est d’abord une question d’oreille !

    — Alors, ces voix ? »

    Il y en a qui appellent : « Je suis perdu.. ». Ce sont des voix de vieux chiens. Avec des sanglots longs comme leurs oreilles traînant à terre.
    Il y a aussi des voix murs. Des voix dures. Des au dessus des lois. Des « Qui me parle d’en bas ? ». Des voix d’à la suite de l’envoi je touche. Des voix qui vous mouchent. Et paf ! Elles ont raccroché.

    Il y a des voix de bouche comme il y a des bains. Des parfums. Des buées. Des voix de devins. Des voix de bonneteau : « Elle est passée où la Dame de cœur ? ». Des voix de bon aloi, force à laquelle doit rester la Loi. Des voix d’« Et moi ? Et moi ?». De désarroi. Des voix de vous à moi. Des voix de « Halte là ! ». De « Qui va là ? ». Des voix de mitraille au mot de passe oublié : « C’est de la part de qui ? Elle vous connaît ? »

    Il y a la voix de Jacques Fouroux qui percute le sens. Le fait rebondir. Le renverse. L’invente. Nous fait lever le poing. Insulter la petitesse des mots s’ils ne tremblent pas d’amour..

    Cela fait drôle et peine, n’est-ce pas, mes amis ? Et sel de la terre que perd l’outre de l’âne à traverser le gué de la fable, que des voix comme celles là ne soient plus là pour lancer, depuis leurs résonateurs naturels d’acier, le sens des choses, tant l’argentique est rare à aimanter nos existences !

    Qui n’aurait attelé sa mule. Avec barda. Epées. Trophées à venir ? En entendant Jacques prêcher sa croisade à lui, mes amis ? Celle du rugby de l’amitié et de la rage ? Nous sommes morts de ne pas être impatients comme lui et c’est lui qui gît !

    — Sanglot long du soufflet de la forge..

    Il y a, bien sûr, des voix délayant la chose dans du : « Je vais voir ce que je peux faire pour vous.. ». D’autres qui brandissent des rebuffades. Ou des voix enjouées d’anges. Ou des voix prêtes à se briser. Des aux anfractuosités mystérieuses. Des à la superbe blessante. Des « Laissez moi vous dire une chose.. ». Des « Tout est fini entre nous avant de commencer.. ». Des voix « Je n’ai rien compris. Recommencez. ». Des voix « Je suis en réunion, rappelez.. ». Des « Enfin, c’est vous ! ». Des qui « Ouiiiii… ». Comme le fruit.

    Des « Que nenni ! ». Des de hennins hautains. Des de mitaines qui ont froid au bout de la langue, des d’engelure. Des repues. Des de gestes vains de souverains épuisés.

    — Et, si tu nous décomposais tout ça ? Demande Pied de Vigne.. Alors que Fond de fût se grattait la fesse.

    Pendant ma tirade, il avait attendu de savoir quand il aurait à tirer sur la corde de sa forge pour ponctuer un passage particulièrement remarquable.. N’en percevant pas il hésitait, sentant la crampe venir.. Sa main avait tressauté au passage : « voix de bouche comme il y a des bains, des parfums, des buées ». Mais la suite s’était emballée. Il n’avait pas eu le temps de laisser s’exprimer son soufflet.

    Fond de fût abhorre interrompre.. Il avait donc maintenu son bras levé. Mais levé dans le genre crispé. Pour ne pas rater l’occasion de ponctuer..
    Au passage « Tout est fini entre nous avant de commencer.. », il allait à l’anneau. Mais j’étais reparti.. Au bout du compte, entre spasme et détente, il sentait venir la crampe..

    En fin de tirade, je lui fais un signe. Il affale enfin sa poigne. Ce qui donne un grand et long « Pffouuuuut ! » de dégonfle. Pendant que le soufflet qui n’en peut plus relâche son air sur des braises à la limite de l’endormissement. Et moi, je reprends..

    Il y a les voix de la fraîcheur, mes amis. Des BTS en alternance qui découvrent le double rythme (élevé) des métiers de la Com. On y dort peu. Et des exigences (soutenues) de l’examen. En plus des élans d’un âge où l’on aimerait faire la fête plutôt que dire : « Non, Gaétan, pas ce soir, je révise ».

    Transports en commun, vieux vélo. Elles les montent à l’étage. Elles feraient comment si on les leur volait ? Vous voyez ? Mes amis voyaient très bien. Sucres lents. Fêtes aux pâtes. Coutures perso. Un ciné par mois.

    On devine des regards concentrés, durs. On perçoit combien elles sont conscientes. On voit des lignes de chance qu’elles auraient pu elles mêmes buriner. On sent leur propreté scrupuleuse. On comprend leur conscience crue de ce que chaque jour leur apporte. En terme d’avoir tout à apprendre.

    Je les entends, ces voix de la fraîche. Comme celles d’apprentis levés tôt. L’énergie est là. La faculté incroyable de renouveler ses forces malgré des horaires impossibles. On respire quand on a le temps. On sommeille les cheveux en bataille. Mais l’éclatement de la joie rappelle celle des champs. Vous vous rappelez nos journées de quinze heures ? Après quoi on se défatiguait en allant au bal ? Mes amis s’en souvenaient très bien.

    Curieuse médecine de l’épuisement chez les jeunes, n’est-ce pas ? Vaccination d’une peine par une autre. Et hop ! Au petit matin nous repartions chez notre maître charpentier ou boulanger pain d’épice..

    Elles ont des traces, et de cette fatigue presque enfantine, et de cette force là, mes petites interlocutrices dures au mal. Quand par extraordinaire, en l’absence d’une titulaire, elles décrochent..

    Il n’y a pas beaucoup de moelleux dans leur ouverture à la confidence par téléphone. Elles n’ont pas le temps. N’osent renvoyer la balle. Poser des questions. Tout est trop inquiétant autour d’elles.

    Mais il y a aussi les voix de fins d’études supérieures. De stagiaires proches d’intégrer, elles. Par différence avec les précédentes, elles sont bien nées, ces demoiselles. Un jour elle règneront. Elles croient ce qu’on leur a dit : que leur Ecole est la meilleure. Qu’elles en sortiront avec des salaires enthousiasmants. Déjà elles sont « à poste ».

    Il y a surtout, mes amis, des voix qui respirent bien, des élastiques. Je perçois des seins qui tremblent sans soutient pendant les pas que fait la jolie qui me répond. Son mobile à la main.

    — Fond de fût ne se retient pas..

    J’entends parfois la fraternité de la douche. Je la vois nue. Je ressens le crédit qu’elle porte à ses copines pour le match de hand ball demain. La notion de projet immédiatement là.

    Puis voici les voix d’oblates, hélas, mes pauvres amis. Les voix de blattes. De femmes aux yeux baissés tôt dans leur vie. Aux pieds tournés vers l’intérieur. Et qui marchent dedans. A qui cela ne porte pas bonheur. On imagine leurs petits corps vidés par l’interdit de croire en soi. Voix de pousse balais. De craintes tannées. De reproches à venir. De ne rien espérer, ça fait trop mal..

    Ah ! Ah ! Mais voici des voix d’avaleuses à l’oralité sèche aussi. Des voix à la séduction glacée. « A servir frappé ». Des voix au regard de Kah, le serpent du Livre de la jungle. Des voix qui ne supportent pas de ne pas séduire. Des voix miroirs qui renvoient des éclats de rêves amoureux sibériens.

    J’allais les oublier les trop drôles du « ça ne se fait pas ». Celles d’implacables revêches. Qui puisent leur venin à la paille dans les crachoirs.

    — Tu sais à qui je pense ? Demandait Fond de fût..
    — Dis toujours..
    — A Madame Piquependre..

    Ah ! Madame Piquependre.. Nous la croisions sur le chemin de l’église, le chignon haut au sommet de son crâne d’obus pur.. Sous lequel nous imaginions des rêveries échevelées de rapt et d’ignominies.

    Sortant de la vision de Fond de fût, je fermais les yeux pour entendre les voix douces de jeunes filles arabes. Elles ne livrent pas leur nom. Il faut les convaincre que vous ne les mépriserez pas parce qu’elles s’appellent Leila. Elles ont peur qu’on les croie de citées où la tournante ronronne depuis la cave. Oui, Fond de fût. Avec un pote musclé à l’entrée.

    Ces voix là sont mélodieuses, Pied de Vigne, si tu savais.. Elles sont, comment te dire ? Des voix transfuges. Elles savent le prix du billet pour passer d’une civilisation à une autre, atterrir dans un pays où la femme sera respectée.

    Oui, mes amis, j’entends des voix de bouts du monde insoupçonnés. Des voix du Laos, de Croatie, d’Iran. D’Amérique latine délicieusement romantiques. Des voix de Mer Rouge et de Kat. Des voix de cuir de Russie. Des Lettonnes à la mamelle pâle. Des caparaçonnées d’or pour défier un taureau à cheval. Des voix qui sautent les frontières, les siècles. Les deux à la fois, les mains accrochées à leurs épaisses robes jusqu’au genoux pour que les barbelés ne les déchirent. Des voix aux ondes comme des chansons. Comme des limons. Ou comme des tisons. Lorsqu’un œil noir te regarde. Des voix de toisons de rousses. Des d’oraisons. Des qui crollent.

    J’entends des voix que l’on surprend avant qu’elles ne zippent leur sac de couchage à la belle étoile, puis des immatérielles, des métalliques, des irréelles. Par exemple celle que j’ai entendue en appelant à l’heure exact où le Web relayait les attentats du 11 septembre en temps réel.

    Elle éclatait d’un rire zombie, cette voix d’homme. Elle était excitée. Shootée. Joyeuse, cette voix de fou. Elle sortait d’une console à prodiges qui n’avait pas fermé les yeux depuis quand ?

    A l’instant même où mon interlocuteur décrochait, son écran lui montrait les boules de feu. Il en jouissait depuis une partie de sa cervelle avide en spasmes.

    Il est vrai que les images étaient tellement graphiques : avions dans le ciel pur, tours immenses, bénédiction de la flamme jaune sur fond de métal, de verre et d’air..

    J’ai perçu, ce jour là, le ricanement exalté d’un homme abandonné dans un cosmos où l’avait lancé la ville. Vous comprenez ça ? Il y avait poussé pourri d’ego d’égout. N’y croissait aucune plante, n’y respirait aucun arbre ; aucune montagne ne chicotait le ciel bleu.

    — Coups de la forge du forgeron du village.

    Il me vient, des voix que j’entends, des énergies, des sincérités et des mensonges. Lorsque j’en écoute une il me semble que je la « sonne » comme une cloche de petite église au fond du soir.

    L’une parcourre les collines et je perçois ses nostalgies fraîches. Ses hyménées fragiles. Une autre bronze comme un bourdon las de la guerre. Une troisième explose dans ma chair. J’en sors éperdu ou vibrant de vie. Une autre encore me dit parcimonie. Scrupule. Humilité de quelqu’un qui fait les choses plus qu’il ne les dit.

    Une dernière trahit l’attente d’une bonne compagnie qui n’est pas moi. Mais son bonheur, elle me le donne avec sa voix..

    Ah ! Les voix.. Voix d’anathème. Voix qui houspille. Voix qui gaspille la facilité de vivre. Voix de poisson avec des arrêtes qui font dire « arrête ». Le temps que l’on sorte par le bout de sa langue leurs épines de bête. Voix qui roupillent. Voix qui vous pillent. Ou vous épient comme des oreilles. Voix hérissées de rares poils de cul sur la tête. Rondes comme des billes. Voix d’anthracite parties en poussière jusqu’à votre narine où elles se plantent et piquent : vous en avez encore l’odeur une heure après.

    Voix de Sabbat. De balais. De sorcières. Voix d’odeurs sous les bras. Voix d’emphase. Voix d’arbrisseau. Voix de ruisseau. Voix de puceaux. Voix de fonte des neiges. Voix d’aigle dans le ciel très pur. De statuette d’agile argile. De milan le bec sur un serpent. Voix en pente vers les galères avec leurs boulets. Voix d’arpète, de surin, de fouine. Voix d’arrimage à des pontons peu sûrs. Voix de mage. Voix d’irrespect. De pète sec. Voix d’immondice. Voix d’« On m’a dit.. ». Voix d’« On ne me l’avait encore jamais faite, celle là ! » Voix d’à midi pétante. Voix d’arquebuse. Voix de buse. Voix d’hypogée jusqu’où s’élèvent nos yeux alors que notre nez coule parce que la cathédrale n’est pas chauffée.

    Voix d’hier pas frais. D’avant-hier au papier jauni. Voix de journal plié en quatre dans les waters au fond du jardin d’une ferme. Voix d’hystérique retenue par les bretelles de son string à la hampe d’un drapeau en berne. Voix d’Eric Bern aux boucles artificielles qui rendent compte pourtant parfaitement de sa souriante aventure. Voix d’armature. De littérature. D’atrabilaire. Voix légère comme une plume. Voix volant comme deux ailes. Voix entre deux gendarmes..

    Voix solidaires comme les trois mousquetaires. Voix va savoir pourquoi ? Voix qui va vite. Voix comme je te pousse. Voix inaudible derrière la vitre. Voix décillée de ne plus croire. Voix de l’avoir. Voix de l’être. Voix du hêtre, du bambou, de la flûte. Voix qui « flûte ! », Voix du traître idéal. Voix qui « zut ! », voix qui « Merde ! ». Voix qui « Je t’aime ! Viens plus près..». Voix qui « infiniment ». Voix qui « passionnément ». Voix qui « à la folie ».

    Voix qui « allez en prison, et si vous passez par la case Départ ne touchez pas Francs vingt mille ». Voix qui « en veux-tu ? ». Vois qui « en voilà ». Voix qui « Revenez à nous dans quelques mois ». Voix qui d’oie. Voix qui de jarre. Voix qui d’outre. Voix qui de loutre.

    Mais surtout voix émouvantes parce qu’en route, et vous me pardonnerez si j’y insiste, mes amis, voix de magrébines, d’asiatiques, de croates, énigmatiques et émigrées de tous pays où la bombe tombe. Où le frère jaloux tonne. Où le dieu de passage (et qui n’est pas reparti – ce con ! Il avait pourtant son billet pour l’oubli.) « voit tout »..

    Rafraîchissant vent de liberté de la femme par le numérique. « By by tyrannie ! Vive la France et les nouvelles technologies !» Heureuse colère des orages qui font remettre en poche les pattes des incestueux.

    Les canons des violents s’abaissent un instant. Juste le moment pour elles de prendre le bas de leur jellabah et de courir.

    Fuir. Pour éviter que la « Mamma » n’ait à brandir le drap du mariage taché de sang. Faute, ailleurs, d’avoir enseveli dans la neige l’enfant fille à sa naissance. Après quoi, retour à la maison en baissant les yeux devant qui de droit. Devant roi mec, roi dieu. Une main sur la bouche des autres enfants…

    Voilà ! Elles nous arrivent de probables enfers. Elles occupent des postes stratégiques. Dont, pour commencer, celui d’assistantes de direction.

    Leurs noms font rêver, mes amis, à commencer par cet extraordinaire là : Alexandra Atamaniouk ! Ce qui veut dire « petit canoë » en Inuit ! Elle est venue jusqu’à nous, la petite Alexandra, parce que la glace fondait là bas ? Si bien que les phoques aussi s’enfuyaient ? Ils lui auraient fait traîneau vers le Sud ? Jusqu’à ce qu’il fasse beau pour elle ?

    Depuis pas mal d’années je me demande pourquoi l’homme apparu dans un monde sans ennemis de son espèce a choisi de s’enfoncer dans des fonds de vallées de montagne. Pour y planter. A quarante cinq degré de pente. Les mêmes graines qu’en plaines.

    Connaissez vous, mes amis, le nombre d’homo sapiens sapiens en Europe, il y a trente mille ans ?

    — Tu vas nous le dire..
    — Quatre mille quatre cent !
    — Non !

    Mes amis levaient un sourcil. Je voyais leurs yeux qui allaient en bas à gauche. Ils vidaient le passé de ses habitants ; voyaient des espaces sans hommes. Des toundras ? Si tu veux ! Des forêts ? Pourquoi pas ? D’un sommet, aucune fumée ne trahira ton frère. Tu n’en as pas ! Tu retournes à ta yourte, grotte, cahute. Les bras en bas. Tu es bien seul, n’est-ce pas ? Tu te serres contre les tiens..
    Au fait combien ? Quelques uns ? Trois ? Ou
    quatre ? Ou huit ? La dizaine n’a pas été inventée.. Après, pourquoi veux-tu partir ? Tu as l’idée de « l’autre » ? Tu en ressens le besoin ? Tu es pris par la frénésie du frai ? Comme les poissons ?
    Mais il ne suffit pas que tu sèmes. Il faut que tu copules. C’est pour ça que tu fais tes bagages ? Avec ta semence dans les couilles ?

    Avec ta pieuse ? Qui, comme toi, pue sa rage d’être nombreuse ? A deux, on sera beaucoup, n’est-ce pas ? Et si on n’arrivait pas au bout, au moins que l’enfant prolonge la harde. C’est ça ? Pourvu que ce soit un homme ! J’y suis ? Et qu’il darde ! Ou que gravide elle gémisse…

    Mais enfin, tu vas où ? Puisque l’espèce n’existe pas !

    — Hé bé..
    — Dix mille ans avant JC, le chiffre n’a que peu changé, mes amis : dix mille homme, en vingt mille ans.. !!
    — Hé bé..

    Mais bon Dieu, pourquoi avoir choisi le transi ? Où il fallait tuer à la lance l’ours blanc pour se vêtir et manger. Ours qui vous fend d’une griffe, après quoi il dévore vos deux moitiés fumantes..

    — Bienvenue Alexandra Atamaniouk en pays tempéré ! Concluait Pied de Vigne.

    Les prénoms des jeunes femmes d’Afrique du nord sont souvent empesés d’un double sens terrible. Elles sont des enfants, mais voilà que le fardeau de la sagesse les accable au virage de leur innocence. Celui de la gloire à Dieu au plus haut des cieux. Là d’où tombe aussi le feu de pères austères. De frères suspicieux de leur vertu comme le sont les parents adultères. De maris rois de leur culs.

    — Ce qui ne mène pas loin ! Commentaient mes amis. Inventeurs, on le sait, de ritournelles à tire d’ailes.

    Elles sont à la fois honorées, de s’appeler sagesse de l’Islam. Comme nos moniales s’enivraient de s’entendre dire « Préférées du Seigneur ». Elles sont aussi un peu épouvantées. Elles avaient choisi la liberté. Et voilà qu’au détour d’un baiser. Quelqu’un leur demande : « Il veut dire quoi, le joli prénom que tu as ? »

    Elles ne peuvent que répondre : Sagesse de l’Islam.. Mon Dieu, qu’elle est lourde à porter, cette Sagesse de l’Islam – un mot qui veut dire soumission !! Pour une petite fille qui n’en demandait pas tant..

    Retour aux sources de la puissance. Celle d’un inconnu que l’on fuyait. Mais il vous rattrape. Il vous élève au rang de défenseur de sa foi folle.

    — Tu seras reine, ma fille. Et la dernière de mes vestales !

    *

    Même le merveilleux prénom de Shéhérazade s’associe à un conte des mille et une nuits où seule l’offrande du rêve à un tyran vous assure la vie..

    Ne pas fauter. Ne pas mourir. Raconter. Promettre. Ah ! La gloire ambiguë de s’appeler Shéhérazade ! D’ensoleiller chaque petite étoile dans un œil qui frétille de vous consommer. Et en même temps de vous maudire si vous succombez.

    Ah ! Porter le nom de Shéhérazade ! Comme un diadème de votive reniée ! D’agenouillée. D’enchanteresse en camisole. De ravinée de femme..

    Ah ! S’appeler Shéhérazade ! Et fuir les talents que l’on vous prête. A condition de les jeter aux pieds de l’homme tout puissant qui vous susurre la voussure. Alors que dans la rue où il ambule, il tient par son petit doigt son ami mâle.. Mais vous trancherait la gorge si vous le traitiez de « Pédé ».

    Ah ! S’appeler Shéhérazade ! Dans la cité d’où l’on vous a charriée. Jusqu’au charter du mariage de là bas dis ! Et vous y êtes allée, Shéhérazade. Et vous vous êtes enfuie. Et vous êtes revenue haïe par votre communauté qui avait conté partout la légende de la fille « qui reviendrait bien mariée à quelqu’un de là bas dis ! »

    Ah ! S’appeler Shéhérazade ! Dans la famille des maudits de la tour. Où les garçons vous traitent de pute si seule. Si seule ! A condition que seule et tellement seule.. Sauf si, Shéhérazade, sauf si la cave. Parce qu’un matin vous aviez porté la jupe !

    Au bout de quoi vous n’avez pas épousé le mari de là bas dis ! Sans doute il a voulu voir ça. Votre virginité, Shéhérazade. Alors, nous aussi dans le HLM on va voir ! Allonge toi, Shéhérazade ! Déshabille toi, Shéhérazade. Ou je te déchire.

    Ah ! S’appeler Shéhérazade et travailler dans les nouvelles technologies, enfin ! Partir au bras du soir à celui d’un homme sans souci de Dieu. Sans cave à renier. Un homme impie au pieu. Sceptique ailleurs. Et délicieux.

    Ah ! S’appeler Shéhérazade et s’entendre demander :

    — Tu me lis les Contes des mille et une nuits ?
    — Tu ne m’égorgeras pas si je m’endors ?
    — Quelle drôle d’idée ma chérie..

    Ah ! S’appeler Shéhérazade et être chérie !

    Shéhérazade a fait du nord, elle, pour échapper au moucharabieh des caravansérails. Aux muezzins zinzins. La petite Atamaniouk a fait du sud pour retrouver un climat sans blizzards. Elles se sont retrouvées au médian des tyrannies du climat et de la foi : en France..

    *