Le design de la visibilité : un essai de typologie du web 2.0

La manière dont est rendue visible l’identité des personnes sur les sites du web 2.0 constitue l’une des variables les plus pertinentes pour apprécier la diversité des plateformes et des activités relationnelles qui y ont cours. Que montre-t-on de soi aux autres ? Comment sont rendus visibles les liens que l’on a tissés sur les plateformes d’interaction ? Comment ces sites permettent-ils aux visiteurs de retrouver les personnes qu’ils connaissent et d’en découvrir d’autres ? Dominique Cardon, sociologue au laboratoire Sense d’Orange Labs, propose ici une typologie des plateformes relationnelles du web 2.0 qui s’organise autour des différentes dimensions de l’identité numérique et du type de visibilité que chaque plateforme confère au profil de ses membres.

La décomposition de l’identité numérique
L’identité numérique est une notion très large. Aussi est-il utile de décomposer les différents traits identitaires que les plateformes relationnelles demandent aux personnes d’enregistrer. On peut décliner ces signes de soi autour de deux tensions qui se trouvent aujourd’hui au cœur des transformations de l’individualisme.

La notion d

  • L’extériorisation de soi caractérise la tension entre les signes qui se réfèrent à ce que la personne est dans son être (sexe, âge, statut matrimonial, etc.), de façon durable et incorporée, et ceux qui renvoient à ce que fait la personne (ses œuvres, ses projets, ses productions). Ce processus d’extériorisation du soi dans les activités et les oeuvres renvoie à ce que la sociologie qualifie de subjectivation.
  • La simulation de soi caractérise la tension entre les traits qui se réfèrent à la personne dans sa vie réelle (quotidienne, professionnelle, amicale) et ceux qui renvoient à une projection ou à une simulation de soi, virtuelle au sens premier du terme, qui permet aux personnes d’exprimer une partie ou une potentialité d’elles-mêmes.

Cinq formats de visibilité
Sur ces deux axes, il est possible de projeter trois modèles de visibilité, auxquels s’ajoutent deux modèles émergents. Ces modèles correspondent aux différentes formes d’éclairage que les plateformes réservent à l’identité des participants et à leur mise en relation.

Les cinq formats de visibilités appliqués à l

logo du paraventLe paravent. Les participants ne sont visibles aux autres qu’à travers un moteur de recherche fonctionnant sur des critères objectifs. Ils restent « cachés » derrière des catégories qui les décrivent et ne se dévoilent réellement qu’au cas par cas dans l’interaction avec la personne de leur choix. Le principe du paravent préside aux appariements sur les sites rencontre (Meetic, Rezog, Ulteem). Les individus se sélectionnent les uns les autres à travers une fiche critérielle découverte à l’aide d’un moteur de recherche, avant de dévoiler progressivement leurs identités et de favoriser une rencontre dans la vie réelle.

logo du clair obscurLe clair-obscur. Les participants rendent visibles leur intimité, leur quotidien et leur vie sociale, mais ils s’adressent principalement à un réseau social de proches et sont difficilement accessibles pour les autres. La visibilité en clair-obscur est au principe de toutes les plateformes relationnelles qui privilégient les échanges entre petits réseaux de proches (Cyworld, Skyblog, Friendster). Si les personnes se dévoilent beaucoup, elles ont l’impression de ne le faire que devant un petit cercle d’amis, souvent connus dans la vie réelle. Les autres n’accèdent que difficilement à leur fiche, soit parce que l’accès est limité, soit parce que l’imperfection des outils de recherche sur la plateforme le rend complexe et difficile. Pour autant, ces plateformes refusent de se fermer complètement dans un entre-soi. Elles restent ouvertes à la nébuleuse des amis d’amis et des réseaux proches qui facilitent la respiration et la circulation dans l’environnement que dessine le simple emboîtement des réseaux de contacts de chacun des membres.

Logo du phareLe phare. Les participants rendent visibles de nombreux traits de leur identité, leurs goûts et leurs productions et sont facilement accessibles à tous. En partageant des contenus, les personnes créent de grands réseaux relationnels qui favorisent des contacts beaucoup plus nombreux, la rencontre avec des inconnus et la recherche d’une audience. La photo (Flickr), la musique (MySpace) ou la vidéo (YouTube) constituent alors autant de moyens de montrer à tous ses centres d’intérêt et ses compétences et de créer des collectifs fondés sur les contenus partagés. La visibilité des personnes s’étend du seul fait que les amis sont aussi considérés comme des bookmarks, puisqu’ils servent parfois de concentrateurs de contenus d’un type particulier. Dans l’univers du phare, la visibilité fait souvent l’objet d’une quête délibérée et s’objective à travers des indicateurs de réputation, des compteurs d’audience et la recherche d’une connectivité maximale.

Logo du post-itLe post-it. Les participants rendent visibles leur disponibilité et leur présence en multipliant les indices contextuels, mais ils réservent cet accès à un cercle relationnel restreint (Twitter, Dodgeball). Les plateformes fonctionnant sur le modèle du post-it se caractérisent par un couplage très fort du territoire (notamment à travers les services de géolocalisation) et du temps (notamment, afin de planifier de façon souple des rencontres dans la vie réelle). Ainsi, les plateformes de voisinage (Peuplade) se développent-elles dans une logique mêlant territorialisation du réseau social et exploration curieuse de son environnement relationnel.

Logo lanterna magicaLa lanterna magica. Les participants prennent la forme d’avatars qu’ils personnalisent en découplant leur identité réelle de celle qu’ils endossent dans le monde virtuel (Second Life). Venant de l’univers des jeux en ligne (World of Warcraft), les avatars se libèrent des contraintes des scénarios de jeu pour faire des participants les concepteurs de leur identité, de l’environnement, des actions et des événements auxquels ils prennent part. Dans ces univers, l’opération de transformation, voire de métamorphose, identitaire facilite et désinhibe la circulation et les nouvelles rencontres à l’intérieur du monde de la plateforme, tout en rendant encore rare l’articulation avec l’identité et la vie réelles des personnes.

De cette typologie, on peut suggérer quatre lectures :

1. L’enjeu de la visibilité
Une première lecture éclaire la diversité des formes de visibilité que rendent possibles ces plateformes et leur compatibilité limitée. Certaines plateformes invitent à se cacher pour mieux se rencontrer dans la vie réelle (se cacher, se voir), alors que d’autres cachent ou métamorphosent les identités par le truchement d’avatars pour éviter ou se substituer à la rencontre réelle (se voir caché). Mais surtout, se dévoiler prend un sens différent dans un espace en clair obscur, où il est possible de « flouter » partiellement son identité pour se rendre peu reconnaissable ou retrouvable (comme le font les jeunes sur Skyblog) (montrer caché), et dans la zone d’hyper-visibilité des plateformes développées sur le modèle du phare qui visent à assurer le plus de notoriété possible aux personnes et aux contenus qu’elles publient (tout montrer, tout voir).

Les enjeux de la visibilité appliquée aux différents modes de visibilité

C’est le premier enseignement de cette typologie : chaque plateforme propose une politique de la visibilité spécifique et cette diversité permet aux utilisateurs de jouer leur identité sur des registres différents. Si l’utilisateur peut avoir un intérêt pratique à fédérer ses multiples facettes, en revanche il est peu probable qu’il souhaite partager avec d’autres son puzzle identitaire recomposé. Par ailleurs, à trop vouloir garantir, certifier et assurer la confiance dans le « réalisme » de l’identité, on néglige le fait que, dans beaucoup de contextes et souvent dans les plus dynamiques d’entre eux, les personnes n’aient pas envie d’être elles-mêmes. Cette typologie s’appuie sur l’idée que dans la présentation qu’ils sont amenés à faire sur Internet, les individus, différemment selon les plateformes, contrôlent la distance à soi qu’ils exhibent à travers leur identité numérique. Dans la partie haute de notre carte, ils sont amenés à être le plus réalistes possible et à transporter dans leur identité numérique les caractéristiques qui les décrivent le mieux dans leur vie réelle, amicale ou professionnelle. En revanche, dans la partie basse, il leur est loisible de prendre beaucoup plus de liberté en dissimulant certains traits de leur identité sociale ordinaire et en accusant ou projetant d’autres traits avec une coloration particulièrement accentuée. Ce constat invite à ne pas considérer la question de l’identité sur Internet sous le seul angle de la multiplicité des facettes de l’individu, celui-ci disposant d’un portefeuille de rôles au sein duquel il aurait à arbitrer selon les contextes. En fait, ces diverses identités n’ont rien de comparable et de substituable. Elles témoignent de profondeurs différentes dans le rapport à soi que les individus souhaitent exhiber sur le web. De sorte que la question de la distance au réel peut se révéler être un critère d’arbitrage beaucoup plus important pour les personnes que le choix d’une facette identitaire.

2. Monde réel et monde virtuel
Une deuxième lecture invite à marquer les différences de nature entre les réseaux sociaux selon leur origine et leur trajectoire. Dans le monde du paravent, les personnes sont appariées dans le monde numérique et vérifient leur affinité dans le monde réel. Dans le modèle du clair-obscur, ceux qui se connaissaient déjà dans le monde réel enrichissent, renforcent et perpétuent leur relation par des échanges virtuels qui leur permettent aussi d’entrer en contact avec la nébuleuse des amis d’amis (principe du bonding dans les théories du capital social). Dans l’espace de forte visibilité du phare, les personnes élargissent le réseau de contacts d’amis réels à un large répertoire de personnes rencontrées sur la toile (qui peuvent occasionnellement devenir des amis dans la vraie vie). C’est le partage de goûts, de contenus et d’affinités qui se trouve au principe de cet élargissement du cercle social. Dans le monde du post-it, l’imbrication du monde réel et du monde virtuel est si fortement entremêlée et couplée que les deux univers n’ont guère de raison d’être isolés. Dans l’univers de la lanterna magica, en revanche, les relations sont d’abord et avant tout virtuelles, et ne se prolongent que rarement dans la vie réelle (même si ce type d’usage tend à se développer avec la tendance au réalisme qui s’exprime aujourd’hui dans les mondes 3D).

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C’est le deuxième enseignement de cette typologie : si l’identité se décompose en facettes plus ou moins étrangères les unes aux autres, les réseaux de relations associés à chacune de ces facettes sont peu miscibles. Il est donc assez incertain de faire l’hypothèse d’une unicité du « graphe social », projet visant à ajouter à la liste des personnes (l’annuaire) la carte de leurs liens (le réseau social). Cependant, les nouvelles pratiques sociales qui se développent sur les plateformes relationnelles font aussi apparaître des zones de l’espace relationnel dans lesquelles l’articulation entre des réseaux relationnels autrefois isolés les uns des autres se réalise avec plus d’évidence. D’une certaine manière, Facebook est au cœur de cette recomposition puisque les utilisateurs, derrière leur nom propre, mêlent de plus en plus amis, collègues et inconnus, tout en pressentant aussi de plus en plus fortement les risques identitaires qu’ils prennent à susciter ce mélange. En effet, il ne fait guère de doute que ce déplacement dans les pratiques de sociabilité qui donne aux proches, amis, famille et collègues, une visibilité nouvelle sur les engagements de l’individu avec chacune de ces sphères reste limité et progressif. Surtout, cette capacité à s’exposer tout en contrôlant son exposition réclame des compétences sociales et relationnelles spécifiques et très inégalement distribuées.

3. La forme des réseaux sociaux
Une troisième lecture invite à différencier la taille et la forme des réseaux sociaux selon les différentes plateformes. Alors que les sites du modèle du paravent refusent l’affichage du réseau relationnel pour préserver la discrétion d’une rencontre que l’on espère unique (significativement, seuls les sites gay et libertins se risquent à un affichage du réseau relationnel de leurs membres), les plateformes en clair obscur se signalent par de petits réseaux de contacts très fortement connectés entre eux. En revanche, les sites du modèle du phare se caractérisent par l’importance du nombre de contacts et par des réseaux beaucoup plus divers, inattendus, longs et distendus que ceux qui s’observent dans la vie réelle. L’extension de la zone de visibilité des individus profite de l’hybridation du réseau social (les amis) et du réseau thématique (les groupes, les tags, les amis-bookmarks, etc.) qui donne à ces systèmes relationnels un caractère profondément hétérogène et ouvre à des modes de navigation et de rencontres beaucoup plus diversifiés.

La forme des réseaux sociaux appliqué à cette grille de lecture

C’est le troisième enseignement de cette typologie : La dynamique même de constitution des réseaux diffère fortement selon la visibilité qui est donnée au profil et cette visibilité est, en grande partie produite par la manière dont les utilisateurs font de leur réseau de contacts un public fermé et limité ou une audience beaucoup plus large. Les plateformes en clair-obscur favorisent un entre-soi qui, à la manière d’un système de communication interpersonnelle, ancre les individus dans un univers de référence souvent très homogène socialement, ne serait parce que la plupart des contacts se connaissent entre eux dans la vraie vie. En revanche, pour élargir leur visibilité dans les plateformes du phare, les utilisateurs doivent, à la manière de micro-médias, produire des contenus susceptibles d’attirer à eux une population plus hétérogène socialement et culturellement. La dynamique d’extension des connexions qui préside actuellement au développement des sites de réseaux sociaux (SNS pour Social networked sites) mêle donc de façon toujours plus forte les « vrais » amis aux amis « utiles ». Elle installe ainsi une logique opportuniste et calculatrice sur les plateformes en prescrivant des comportements qui peuvent être en décalage avec les attentes initiales des participants. Aussi apparaît-il de plus en nécessaire de permettre aux utilisateurs de « trier » leurs contacts et d’organiser des zones de visibilité contrastée en fonction des cercles qu’ils auront constitués.

4. Les modes de navigation
Une quatrième lecture permet d’insister sur la diversité des outils et des ressources permettant de naviguer sur les plateformes du web 2.0. En effet, le traditionnel moteur de recherche critériel n’est réellement opérant que dans le modèle du paravent qui se propose d’apparier les personnes à partir d’une objectivation catégorielle. La rupture introduite par le web 2.0 s’appuie sur un changement de paradigme dans les systèmes de recherche d’informations. Un premier déplacement est apparu avec la navigation relationnelle qui voit les personnes circuler sur les plateformes à partir de leurs amis et des amis de leurs amis. Cependant, lorsqu’elle s’étend, cette navigation relationnelle s’accroche de plus en plus aux traces, explicites ou implicites, laissées par la navigation des autres. Ce second déplacement dans les systèmes de navigation ouvre alors l’espace à une navigation « hasardeuse » (appelée sérendipité) qui permet d’explorer la plateforme en circulant à travers les agrégats que les autres participants ont constitués à travers les tags, les groupes thématiques ou les playlists. Ces agrégats d’un nouveau type ne sont pas édités par la plateforme, mais sont produits par la composition des comportements des autres utilisateurs. Cette navigation hasardeuse peut aussi être guidée par des systèmes des recommandations basés sur le filtrage collaboratif, ou s’appuyer sur des repères externes comme l’audience ou la réputation. Dans l’univers du post-it, les formes de navigation se caractérisent, en revanche, par une articulation très étroite d’indicateurs de proximité territoriale et d’identification des activités des autres. C’est le signalement des activités de ceux qui sont les plus accrochés au quotidien des personnes – les vrais amis pouvant être géographiquement distants – qui sert de repère à la navigation. De façon étrangement similaire, les outils de navigation dans le monde virtuel mêlent aussi très étroitement la carte au calendrier, mais en donnant une dimension plus pressante au temps rapproché et au présent, puisqu’il faut toujours retrouver ses amis, là où il se passe quelque chose.

Les modes de navigation selon les types de réseaux sociaux et les modes de visibilité de l

C’est le quatrième enseignement de cette typologie : les plateformes du web 2.0 ont développé une palette très innovante de fonctionnalités (blogroll, liste de contacts, folksonomy, flux rss, indice de réputation, etc.) destinées à tenir compte du fait que, dans la majorité des cas, les utilisateurs sont incapables d’expliciter ce qu’ils cherchent et n’ont pas formé d’intentions préalables, de buts ou de destinations à leur quête. Les plateformes du web 2.0 ont généralisé le principe du filtrage par le réseau social et par la proximité de goût, en aidant les utilisateurs à se constituer eux-mêmes un univers d’informations qui les détourne légèrement de leurs chemins habituels, les surprennent sans les désorienter, les aident à explorer et à préciser leurs centres d’intérêt. Les activités individuelles des utilisateurs produisent un bien collectif, une zone de pertinence des informations disponibles à chacun, sans avoir jamais fait l’objet d’un plan concerté – ce qui interdit une approche éditoriale a priori par les concepteurs des plateformes. Ce modèle d’action collective articulant de façon originale individualisme et bien commun constitue la principale caractéristique de la force des coopérations faibles.

Dominique Cardon

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Ce travail doit beaucoup aux nombreuses discussions avec mes collègues d’Orange Labs, Nicolas Pissard, qui est à l’origine de cette typologie, Jean-Samuel Beuscart, Maxime Crepel, Bertil Hatt, Christophe Prieur, ainsi qu’aux remarques de Christophe Aguiton, Jean-Sébastien Bedo, Sébastien Bertrand et Alban Martin.

Mise à jour du 28/04/2008 : En prolongement de ce texte, Dominique Cardon répond aux questions de son complice Christophe Cardon, autour du design de la visibilité dans le web 2.0 (vidéo, 10′), pour mieux comprendre le fonctionnement des sites relationnels.

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0 commentaires

  1. Ouaou…. j’ai pas tout compris, mais c’est brillant. Concernant Second Life, « se voir caché » est-ce se cacher ou montrer ce qui est caché ?

  2. Vous nous aviez mis l’eau à la bouche avec vos notes de fin d’années sur Facebook, ça valait le coup d’attendre. Merci donc.
    À chaud, ce qui me frappe, c’est l’importance de comprendre l’appariement des facettes plus que des individus et la mise en perspective des modèles et intentions de certains services cités au regard de ces cartographiques. Ainsi, je m’interroge sur le cas de Linkedin qui, dans vos cartes, est à l’écart du bonding, pourtant phénomène pilier du domaine sur lequel ce service est positionné. En même temps, Linkedin fait face à un affaiblissement marqué du banding, notamment aux US.
    Sinon, je m’interroge aussi sur le positionnement au centre de Facebook. Est-ce le signe d’un modèle « à la croisée des chemin ? ou qui arrive à conjuguer des postures exhogènes et se montre aors complexe et fédérateur à la fois.
    Votre travail appelle beaucoups de réflexions. Ça ne le rend que plus pertinent.

  3. Bonne remarque Alexis.

    Ce positionnement central de Facebook m’interroge également et rejoint pour ma part quelques-unes des questions que je me pose sur le réseau social des réseaux sociaux. Contrairement aux sites sociaux de rencontres ou aux réseaux sociaux professionnels, qui ont des raisons d’être, claires, même pour ceux qui ne vivent pas toute la journée devant un écran, qui arrivent à conquérir des profils sociaux plus variés, Facebook n’a pas cet avantage. Il n’est à ce jour ni l’un, ni l’autre. Puis-je y trouver un emploi ? Puis-je y rencontrer une compagne d’un soir ? Pour l’instant, force est de constater qu’il n’est optimisé ni pour l’un ni pour l’autre (même si les 2 sont possibles ;-)).

    Bien sûr, cela peut changer très vite. L’ouverture des profils de ceux qui ne sont pas vos amis depuis l’été 2007 permet enfin de surveiller l’activité de gens qu’on ne connaît pas et cette petite révolution, qui a longtemps semblé impossible, peut libérer beaucoup de nouvelles pratiques dans ces 2 champs. La force d’innovation de Facebook peut aussi lui permettre de rebondir et de s’adapter très vite au changement.

    Reste à savoir quelle orientation Facebook va prendre ? Va-t-il devenir un lieu de drague ou un lieu pour faire connaissance avec son futur employeur ? Peut-il être les 2 à la fois, contrairement à ce que nous racontent depuis un moment Meetic ou LinkedIn ? Peut-il rester au centre de cette cartographie au risque de n’être définit par rien, au risque de n’être qu’un jeu ? Si on peut imaginer qu’il y ait de la drague sur les réseaux sociaux professionnels comme Viadeo ou des affaires qui finissent par se conclurent via les réseaux sociaux de rencontre comme Match.com, est-il possible de mélanger les 2 ? Peut-on « poker » les jolies filles comme on « poke » ses relations de travail ? Facebook détrônera-t-il Meetic ou détrônera-t-il Viadeo ?

    Il y a beaucoup d’applications sur Facebook, mais pas vraiment d’applications dédiées au travail ou pour la drague (voire tout de même les applications dédiées à la rencontre et celles dédiées aux affaires les plus populaires ). On en promet. Mais seront-elles simples ? Accessibles ? Pourra-t-on y circuler facilement quand on sait combien il est difficile de retrouver des informations dans la plupart de ces réseaux, de matcher des données, dans ces univers où les applications ne se parlent pas les unes les autres ?…

  4. Merci, voici une carto essentielle!
    => Louisa, je pense que tu pourrais apprécier cet article
    http://www.kzero.co.uk/blog/?p=1906#more-1906
    44% des slifers semblent ne pas avoir besoin de se projeter différents dans le virtuel; et cela, à mon sens, valide le fait que virtuel signifie « en devenir », comme une graine contient virtuellement un arbre et ne signifie pas le contraire de réél.
    Merci M. Cardon d’avoir d’ailleurs pris garde à cette définition sur votre axe réel/projeté.

  5. Tres interessant, mais il est surprenant de ne pas trouver pointscommuns.com sur les graphs, le site est largement precurseur dans la déclaration de centre d’interets comme moyen de se definir…

  6. Pour réagir sur les propos de Hubert, d’après ce que je vois autour de moi, Facebook est déjà utilisé à la fois pour faire des rencontres de façon gratuite, et pour efffectuer du networking professionnel.
    La grosse différence par rapport aux autres sites de rencontre ou professionnel est bien évidemment la cible !
    On y retrouve ceux qui sont lassés des meetic et compagnie, et ceux qui recherche (notamment comme moi) des profils différents qu’on atteint pas via des sites classiques comme Viadeo ou LinkedIn.
    C’est vraiment ce qui fait la particularité de Facebook ! Et il n’est même pas encore traduit en français.

    Que va devenir son niveau de fréquentation après traduction??

  7. Oui Sébastien. Mais il n’est pas évident de poster des mots doux sur les FunWall des jolies filles à la vue de vos collègues de bureaux qui suivent votre fil. Ou inversement.

  8. Il me semble que le l’on peut limiter certains profils :
    Ne pas permettre à vos contacts pros de suivre votre activité…
    …et pour les messages doux, mieux vaut les faire sur la « inbox » privée, non? 🙂

  9. N’essayez pas de caser Facebook, il est au centre 😉

    Un point peut-être à rajouter dans cette affaire qui mériterait une précision de Dominique Cardon s’il le veux bien.
    La position sur la carte résulte apparemment de l’analyse de la proposition d’usages, ce qui expliquerai alors celle de Facebook. Il serait encore plus intéressant, mais ô combien difficile, de placer en fonction de ce que font vraiment les usagers (d’où mes interrogations sur LinkedIn) et je ne parle même pas de tendre vers du profilage.
    Je serai ainsi curieux de connaître le poid du bonding dans Facebook, car mon petit doigt me dit qu’il s’y passe beaucoup plus de partage. J’aurai l’idée de le faire glisser vers le nord-est.

  10. Merci pour tout ces commentaires. Proposer une carto, c’est aussi inviter chacun à la déformer et à projeter dessus ses propres idées et à y ajouter des sites. Pour Ziki, je ne sais trop où le mettre dans la carte, mais sans doute dans le cadran nord-est au milieu d’une ligne entre Facebook et Linkedin. Mais tout cela, bien évidement, est un jeu très arbitraire qui sert juste à se poser des questions…
    Je crois aussi, Louisa, que la métamorphose identitaire sur Second Life est un moyen de révéler (sans conséquence) ce qui est caché et je dois dire que je suis plus interrogatif sur le chiffre de 44% d’utilisateurs qui pensent se projeter tel qu’ils sont dans Second Life. L’enquête a l’air sérieuse : 3500 réponses, mais s’il s’agit d’une enquête en ligne non échantillonnée, le risque est grand que ceux qui répondent à ce genre de questions soient justement les « réaliste » et pas les « immersionnistes ». A vrai dire, je n’en sais rien, mais je n’ai pas cette impression des usages actuels de Second Life.
    Facebook est un mutant. Et il faut dire qu’avec le succès actuel et vu la diversification des usages et des pratiques, il devient de plus en plus rebelle à toute tentative de typologie (ou alors pour dire que Facebook est partout). Ce qui me semble cependant, c’est que Facebook vient clairement du monde du clair obscur (notamment du fait de la cloture universitaire et de la fermeture des profils) mais qu’il évolue vers l’univers du phare (avec le développement de fonctionnalités de partage de contenus et les groupes) et vers celui du post-it (nom propre des personnes et événement). Bref, Facebook est au centre de la carte (avec une tendance vers le nord-est, je suis d’accord avec Alexis) parce que la plateforme a su très intelligement faire ce que faisaient le phare tout en préservant une accessibilité limitée et une définition relativement « réaliste » des amis… Alors, comme Hubert, j’ai l’impression (mais il faudrait lancer des enquêtes plus représentatives que nos propres pratiques) que pour l’instant FB est un peu Meetic, un peu Linkedin, un peu beaucoup d’autres choses… (et du coup, peut-être pas grand chose d’autre qu’un jeu), mais je suis moins sûr qu’il soit un concurrent venant se substituer aux plateformes qui ont spécialisé leur usages. Disons plutôt que le pari, serait de voir si à l’épreuve du temps et des usages, FB n’apporterait pas une autre façon de draguer, de networker, de promouvoir ses photos ou ses textes qui passerait pas une hybridation plus « audacieuse » de ces différents réseaux sociaux.

  11. dominique,
    une bibliographie ne ferait pas de mal à la fin de ton article
    quand on connait la littérature sur le sujet c’est un véritable mashup de différents travaux de différent/e/s chercheur/es qui eux ne sont pas payés avec les stock options d’Orange

  12. Salut Dominique, brillant encore une fois, je reviendrai surement par ici pour poster quelques remarques qui je l’espère auront par capillarité un peu de l’intelligence de ton papier, quoi qu’il en soit je commence par, tout comme Laurence, te réclamer à corps et à cris une bibliographie complétant le papier !

    A bientôt

  13. Laurence, Ghilhem

    Difficile de mettre une bibliographie sur ce genre de texte qui ne fait que commenter des cartes. Un article académique présentant l’ensemble des procédures de construction de cette typologie est en cours avec toute la biblio qu’il faut. Alors, dans la masse de travaux disponible, disons que, parmi beaucoup d’autres, le texte qui a le plus inspiré cette typo est celui-ci : Donath (Judith), boyd (danah), “Public displays of connection”, BT Technology Journal, volume 22, number 4 (October 2004), p. 71-82 : http://smg.media.mit.edu/papers/Donath/PublicDisplays.pdf
    Et que l’on trouve une bonne synthèse récente des principaux travaux sur le web 2 dans l’article d’Ellison et boyd : boyd, (danah), Ellison (Nicole B.), 2007, “Social network sites: Definition, history, and scholarship”, Journal of Computer-Mediated Communication, 13(1), article 11. http://jcmc.indiana.edu/vol13/issue1/boyd.ellison.html
    Amitiés à vous deux
    dominique

  14. Ca veut dire que notre papier que toutes les conférences trouve pas beau, il va être accepté ? Que je vais pouvoir le compter dans ma biblio de thèse ? Chouette !
    Et peut-être même qu’il y a des gens qui vont s’intéresser à mon blog ?

    Bertil,
    doctorant Cifre à Orange,
    exploité par D.C,
    maintenu dans un état de matière première par Christophe,
    malheureux parce que son directeur de thèse est en colloque,
    et co-auteur du Schtroumph plus haut
    – Ah bon ? J’ai écrit ça, moi ?
    Bon je vais continuer à tourmenter danah boyd, c’est plus rigolo. –

  15. Sinon, plus sérieusement : au vu des commentaires, ça aurait été plus clair « Se voir masqué » en bas à droite, même si c’était pas aussi poêtique.

  16. J’ai rêvé ou des commentaires de L.Allard et C.Prieur ont disparu dans l’après- midi ?

  17. @y : oui, à la demande de leurs auteurs.
    Enfin je crois 🙂

  18. le commmentaire de bertil, doctorant CIFRE a Orange Labs, que remercie dominique dans son papier, illustre a mon avis l ambiguite vis a vis de la recherche universitaire notamment en regard des formats de publication, des regles de citation
    mais tout cela demanderait un plus long debat sur l economie de la recherche sur Internet aujourd hui sans arrogance ni mepris de la part des acteurs concernes
    un commentaire de commentaires n est pas vraiment approprie c est pourquoi j ai demande son retrait
    c est donc clos pour le moment et j ai des copies a corriger aujourd hui c est pas mal aussi comme activite

  19. Merci Dominique pour cet excellent article complémentaire de celui sur la force des coopérations faibles, et fondateur grâce au partage de cetet typologie et de vos conclusions.

    Mais ne sommes nous pas tous à la fois un peu post-it, lanterna magica, phare et clair-obscur ?

    Ce serait rigolo de se situer soi-même dans les abscisses et ordonnées des schémas, par exemple sur une sorte de carto conceptuelle collaborative ou l’on poserait un point via un clic de souris 😉

    Cordialement,
    Hugobiwan Zolnir

  20. Bonjour Monsieur Cardon Mon msg n’a aucun rapport avc ce site aussi je vs prie de m’excuser. En fait par le plus grand des hasards j’y suis venue pensant pouvoir contacter un ancien excellent copain de lycée de Metz (70-74). Si vs êtes bien cette personne, je vs serais très reconnaissante de bien vouloir m’envoyer un mail à l’adresse indiquée. Il y a bien longtemps que je recherche ce Dominique Cardon qui « grattait » la guitare lors de nos pauses bien sympathiques… En cas d’homonymie pardonnez moi s’il vous plaît. Merci d’avance pr votre compréhension ! Cordialement

  21. Bonjour

    Je suis passionée par ce sujet, j’avoue que l’on manque de ce genre de shema.

    je souhaiterais savoir si cet article peut être trouvé sous forme d’article présenté à une confererence ou dans un journal scientifique?

    Merci

  22. Cette cartographie est réellement intéressante. Félicitations. J’ai un peu de diificulté à voir la différence entre « être » et « faire ». Ne produisons-nous pas du contenu lorsque nous écrivons un blog par exemple ? Merci de m’éclairer 🙂 Cordialement.

  23. Comme tous les graphiques et analyses du genre…on en fait un beau tableau qui ne sert à rien car seuls les comportements instantanés qui ne se jugent que sur le moment comptent et seuls les résultats obtenus témoignent d’un savoir faire et d’une compétence. S’il suffisait d’un graphique pour définir une personne ce serait GRAVE et depuis le temps on le saurait. Dans les cas les plus importants on ne trouve jamais deux psy d’accords sur un profil – alors RAB de cet outil. Rien ne vaut un contact direct.

  24. Bonjour,
    J’ai assisté hier soir à la conférence que vous avez présentez hier.

    Très bonne présentation qui permet d’avoir une meilleur visibilité du Web2.0

  25. Il ne manque peut-être plus qu’à intégrer pour de bon la notion d’identité sociale numérique _multiple_ au sein des travaux de dataportability.org. Je n’ai pas encore vu apparaître clairement cette notion qui doit se transposer sur le plan de la technique à un moment ou à un autre.
    Si facebook me permets de gérer à partir d’un seul espace mes diverses identités numériques, en me permettant de rapprocher certaines parties de l’une avec une ou plusieurs autres j’aurais la possibilité de cultiver plusieurs cercles d’amis, qu’ils soient issus de la sphère privée ou professionnelle, voire d’afficher un nom ou un pseudonyme différent dans certaines conditions.

    Cette notion qui seraient alors comprise et partagée par l’ensemble des services web2.0 et notament par les réseaux sociaux permettra de réellement distinguer toutes les composantes de mon existence numérique me laissant le choix du partage, de la gestion des collisions et des rapprochements sélectifs. Il y a la portabilité des données, la visibilité des données et la multiplicité d’instanciation des données en somme.

  26. Je me suis permis une petite expérience en fusionnant la carte et le nuage de points de sociogeek : nuage+carte=?
    Y a-t-il une correspondance entre les 2 : l’essai et le jeu ?
    J’ai bien noté que les axes ne coïncidaient pas, néanmoins, avez-vous prévu d’associer les 2, et si oui comment ? Et surtout, est-ce pertinent 😉 ?
    PS : je fais le même commentaire sur « pourquoi somme-nous si impudiques ? ». Au besoin, n’hésitez pas à en supprimer un !

  27. Une troisième dimension serait intéressante : taille et élasticité du graphe social.. Qu’en pensez-vous ?

    Il y a un risque de complexification c’est évident..

  28. Il existe désormais une version longue en mode « recherche » de la typologie. On peut la trouver ici : http://reseaux.revuesonline.com/article.jsp?articleId=12720 … mais l’édition scientifique n’a pas encore compris l’intérêt de la publication ouverte. En revanche, en échange d’un mel, je distribue le texte a qui le souhaite… (dominique.cardon arobase gmail.com )
    dc

  29. Ça n’est pas qu’ils n’ont pas compris l’intérêt de la publication ouverte, c’est qu’ils n’ont pas de modèle d’affaire associé — en dehors du mécénat — pour l’instant. Si leur seul service, c’est d’héberger un .pdf, beaucoup d’autre le font gracieusement, et avec souvent un meilleur référencement.

  30. L’identité des personnes sur internet, ou se situe la limite entre vie public et vie privée.

    Les forums sociaux outils extraordinaires de recherche peuvent avoir leurs bons et mauvais côtés.

    Tout dépend qui vous recherche.

    Moralité n’affichez que les informations strictement nécessaires, ni trop ni trop peu.

  31. « je m’interroge aussi sur le positionnement au centre de Facebook

    Reste à savoir quelle orientation Facebook va prendre ? Va-t-il devenir un lieu de drague ou un lieu pour faire connaissance avec son futur employeur ?

    Et il n’est même pas encore traduit en français.
    Que va devenir son niveau de fréquentation après traduction??

    le pari, serait de voir si à l’épreuve du temps et des usages, FB n’apporterait pas une autre façon de draguer, de networker, de promouvoir ses photos ou ses textes qui passerait pas une hybridation plus “audacieuse” de ces différents réseaux sociaux.  »

    Pari gagnant !

  32. En attendant l’article académique présentant l’ensemble des procédures de construction de cette typologie avec toute la biblio qu’il faut, nous vous adressons nos encouragements

  33. Merci beaucoup pour cet article très intéressant. Pourriez-vous me dire si il a été mis à jour?
    Il existe énormément de contenu et de données sur les réseaux sociaux et leurs usages à travers le web. Par contre, je trouve très peu d’information au sujet de la perception qu’ont les utilisateurs de ces réseaux. Mon hypothèse est que notre comportement et notre activité « cognitive » est très différente d’un réseau à l’autre. De ce fait, j’ai le sentiment que notre interaction avec les marques est également différente en fonction du réseau sur lequel nous nous trouvons. Par exemple, je ne m’attends pas à trouver le même type de contenu sur Facebook que sur linkedin ou tout du moins, je ne m’attends pas à ce que ce contenu soit traité de la même manière. Pourriez-vous me dire si il existe des études, articles ou statistiques à ce sujet?
    Merci beaucoup!