Gen Kanai : pourquoi l’open source se développe lentement en Asie ?

A l’occasion de la conférence Lift08, Gen Kanai, directeur du développement du business de Mozilla en Asie, a fait le point sur les difficultés de développement de l’open source au Japon (vidéo). Un exemple qui permet de très bien illustrer les différences culturelles par rapport à l’appropriation des technologies. Décidemment, les usages de l’internet ne sont pas homogènes sur le globe.

Gen Kanai a concentré sa présentation sur les différences d’adoption de l’open source dans le monde, en s’intéressant plus particulièrement à l’Asie. En Chine, Mozilla ne concentre que 3,5 millions d’utilisateurs (soit 1 % du marché), mais le bureau de Mozilla n’y a été ouvert que l’année dernière. Au Japon, le taux de pénétration de Mozilla est meilleure : 10 à 12 % des navigateurs, et Mozilla y a un bureau depuis 2004. En Corée, le marché est encore très réduit du fait d’une utilisation massive d’Internet Explorer et de Windows longtemps favorisée par le gouvernement lui-même… Au final, la pénétration du navigateur Firefox est de 16,5 % en Asie et aux Etats-Unis, contre 28 % en Europe.

Mais c’est sur la production en open source que le retard asiatique est plus marqué, comme le relèvent The Register ou Cnet. La contribution de l’Asie à l’open source est faible. Si les sociétés asiatiques utilisent l’open source, l’Asie n’a pas pour habitude de livrer ses développements à la communauté. Gen Kanai nous explique longuement les raisons. Il y a d’incontestables barrières à la participation :

  • le langage (les systèmes d’exploitation Open source sont en anglais),
  • la culture et notamment le fait que l’acceptation de la confrontation (ici autour du développement du code), la critique, n’est pas forcément un comportement répandu en Asie,
  • l’éducation (notamment en Inde et en Chine, habitués à être les ouvriers de l’industrie logiciel soumis aux donneurs d’ordres occidentaux) et le temps libre (contrairement en Occident, les programmeurs asiatiques manquent de temps libres pour contribuer au développement des logiciels libres).

Cette différence s’explique aussi par le fait que le développement des logiciels libres s’est institutionnalisé, ce qui n’est pas encore le cas en Asie. Pourtant, au Bhoutan par exemple, petit pays essentiellement agricole enclavé entre l’Inde et la Chine, la communauté opensource Dzongkha linux est plutôt active. Faute d’avoir une version de Windows disponible dans leur langage, ils ont développé une version de Linux adaptée à leurs besoins.

« Y aura-t-il des systèmes open source qui ne soient pas occidentaux ? » La méritocratie est un concept important dans le développement de logiciels libres, mais il n’est pas forcément bien admis ou compris en Asie, a expliqué Gen Kanai. Les concepts de libre, de gratuité sont les idéaux clefs de l’open source, mais ce sont des notions géopolitiquement connotées. La notion de partage ou de bien public a un timbre particulier en Chine. Peut-être faut-il y voir une raison supplémentaire pour comprendre pourquoi l’open source ne se développe pas de la même manière en Asie qu’en Occident.

En tout cas, une intervention qui souligne combien, pour s’adapter à la mondialisation à laquelle elle est confrontée, la culture du « libre » doit aussi interroger les valeurs qu’elle porte. Comment créer de meilleurs environnements de collaboration, plus respectueux et plus protecteurs de la diversité de ses contributeurs, afin qu’il ne représente pas seulement le stéréotype du jeune geek blanc occidental et célibataire qu’on connaît trop ?

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  1. Attention à la première explication: les OS libres sont traduits dans les langues du monde entier (et même dans des langues ignorées par Windows).
    Par contre les outils, les docs et les forums centraux pour les développeurs sont eux, effectivement, souvent en anglais, par soucis d’ « universalité ».