Un soutien public à la création citoyenne ?

Le Royaume-Uni l’a rêvé, le Canada le tente : alors qu’un passionnant travail du régulateur britannique, l’Ofcom, décrit par le menu ce que pourrait être un « réseau des médias ouverts » (open media network) soutenu par les pouvoirs publics, l’Office national du film (ONF) canadien soutient depuis 2003 la production et la mise en ligne de petits films produits par des citoyens et des communautés.

L’Open media network

Dans la lignée d’une réflexion engagée depuis 2005 sur le rôle et la place du service public de radiodiffusion, l’Ofcom propose en effet de faire une place spécifique aux « contenus produits par les utilisateurs » parmi les formes de production culturelle. Il s’agirait de créer, à part du service public de radiodiffusion (BBC), un « éditeur de service public » (Public Service Publisher, PSP) qui soutiendrait, voire commanditerait des initiatives et des productions fondées sur le modèle du Web participatif : « L’Editeur de service public poursuivrait des objectifs de service public en utilisant les outils, les technologies, les visions et la culture des médias numériques, tant dans la production que la distribution. Alors que les comportements de consommation changement rapidement et que les contenus en ligne font de plus en plus partie du paysage des médias, il devient essentiel de considérer avec un œil neuf le style, la forme et la substance des contenus qui informeront, éduqueront et divertiront les générations numériques. »

Citons le chercheur Serge Proulx dans une intervention récente, « Web participatif : vers un engagement citoyen de l’usager ? » :

« L’Ofcom entrevoit le PSP comme une instance commanditaire assurant la promotion des contenus générés (User-generated content, UGC) par l’utilisateur plutôt que comme un producteur de première ligne. (…) Les contenus présentés par le PSP devraient être régis par des licences de type share-aware ou des licences libres, afin de susciter la création et permettre la réutilisation des contenus mis en ligne par les utilisateurs. Le PSP fonctionnerait selon un modèle non lucratif bien qu’il permette aux utilisateurs d’utiliser les contenus mis en ligne à des fins commerciales. (…) Enfin, les contenus créés pour le PSP pourraient être distribués sur différentes plateformes incluant les diffuseurs traditionnels (télévision). C’est un aspect important du mandat du PSP : celui d’un promoteur et distributeur de contenus UGC à travers les relations que l’organisation aura progressivement développées avec les diffuseurs, les fournisseurs d’accès à l’internet et autres intervenants de l’industrie des contenus. »

« Parole citoyenne »

Caméra VerteDe son côté, l’ONF présente l’originalité d’être depuis l’origine un producteur et un diffuseur, plutôt qu’un dispositif d’aide financière comme le Centre national du cinéma (CNC) français. L’objectif de « donner la parole aux groupes sous-représentés » fait partie intégrante de sa mission. Dans les années 1960 et 1970, l’ONF produisait ainsi des petites vidéos « avec, par et pour les gens », que des animateurs sociaux projetaient dans des salles municipales de tout le pays, avec débat public à la clé.

Il s’agissait déjà de donner la parole aux gens, ceux qui filmaient, ceux qui étaient filmés et ceux qui discutaient du film. A l’ère internet, les sites « Parole citoyenne » (version française) et « CitizenShift » (version anglaise) poursuivent le même objectif avec des moyens différents.

Ces deux sites hébergent ainsi plusieurs dizaines de vidéos « citoyennes », produites par des citoyens ou des communautés, sélectionnées et diffusées (de manière non exclusive) par les deux plates-formes. Gérées par deux « productrices » salariées de l’ONF, ces plates-formes reçoivent également des projets qu’elles peuvent financer, soit en argent, soit en fournissant du matériel ou l’accès à des prestations professionnelles. Les vidéos mises en ligne, très diverses, engagées, souvent de grande qualité, peuvent naturellement être commentées. Cependant, à parcourir le site, on constate que c’est hélas encore fort rarement le cas.


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  1. Juste une petite correction; l’adresse pour CitizenShift, le site version anglais de Parole citoyenne, est : http://citizen.nfb.ca
    (le lien que vous avez donné ici va vers notre serveur de développement, pas pour des yeux publique! ;o)

    Merci encore pour la rencontre ici à Montréal, c’était très intéressante !

  2. Je ne suis vraiment pas pour reproduire dans l’espace public ce que nous avons experimenté dans un contexte d’interactions privées, cf. overcrowded.anoptique.org . Il faudrait à l’avenir, avant de mener ce genre d’initiative, que tous les acteurs intègrent en préalable quelques notions de metadesign.