Nos avatars sont-ils aussi racistes que nous ?

avatar de There.com, utilisé dans le travail de Eastwick et GardnerLes recherches en psychologie des mondes virtuels ne cessent de le montrer : les gens sont bien plus conservateurs qu’on ne le pense, et leurs comportements dans les environnements numériques sont à bien des égards semblables à ceux qu’ils adoptent dans la réalité. On savait déjà qu’un avatar de grande taille était plus influent qu’un petit ; que les avatars trop androgynes suscitaient la méfiance… Les travaux menés récemment à l’université de Northwestern par Paul Eastwick et Wendi Gardner confirment également cette tendance.

Les chercheurs ont exploré pour cela deux situations typiques. Dans la première, l’expérimentateur demande au sujet un gros service, et devant un refus quasi systématique, effectue une requête plus modérée. La seconde proposition est alors souvent acceptée, la personne sollicitée trouvant qu’il s’agit d’un bon compromis. Dans l’expérience, on demandait à un avatar s’il était possible de prendre 50 captures d’écrans de lui dans divers lieux où il devait se téléporter, ce qui prenait environ deux heures. Ensuite, après refus, on lui demandait de se téléporter en un seul endroit pour le photographier, ce qui était évidemment beaucoup plus rapide à réaliser. Dans la seconde situation, c’est à peu près le contraire. On requiert d’abord un service modeste :« puis je faire une photo de vous ? » ; puis, après acceptation, on émet un autre souhait, un peu plus exigeant (« pouvons-nous nous téléporter en tel lieu pour faire une photo ? »).

Mais ce n’est pas notre capacité à rendre des services qu’ont étudié les chercheurs. Ils ont cherché à comprendre les préjugés raciaux inconscients, en faisant poser les questions par des avatars à la peau claire, puis à la peau sombre.

Dans le cas de la première expérience, les avatars « blancs » avaient 20 % de chances de voir accepter leur seconde requête, tandis que les avatars « noirs » devaient se contenter d’un maigre 8 %. Curieusement, cette disparité n’apparaissait pas dans la seconde expérience. Pourquoi ? Parce que, du moins selon les concepteurs de l’expérience, les deux tests ne concernent pas les mêmes tendances psychologiques.

Dans le premier cas, en effet, la personne réagirait essentiellement en fonction de son interlocuteur, dont l’apparence joue alors bien évidemment un rôle. Dans la seconde expérience, ce serait la façon dont le sujet se voit lui même qui compte. Du coup, l’apparence de son vis-à-vis devient moins importante. « Si la première petite requête permet au sujet de se considérer comme serviable, il n’en aura que plus tendance à adopter ce comportement lors de la seconde requête », expliquent les auteurs dans leur étude (.pdf).

L’expérience a été effectuée dans There.com, un monde de type Second Life. Les personnes testées ignoraient qu’elles prenaient part à une expérience psychologique. Malheureusement, ce processus implique qu’aucune information démographique n’a été recueillie sur les participants. On aurait bien sûr été intéressé de savoir si ce racisme virtuel était caractéristique de la société américaine, où la notion de race joue un rôle si important, ou si ce défaut touche diverses nationalités. En tout cas, les préjugés racistes inconscients sont plus fréquents qu’on ne le l’imagine. L’université de Harvard propose un test (avec une version française) sur cette question et sur plusieurs autres types « d’associations implicites » : origine, orientation sexuelle, genre, âge, poids, etc.

Dans son livre « La force de l’intuition » (ne vous fiez pas au côté New Age du titre français, c’est un livre sur la cognition) Malcolm Gladwell, journaliste au New Yorker et au Washington Post, raconte comment il s’est soumis au test et a découvert qu’il possédait une « préférence automatique modérée pour les blancs », alors qu’il est lui même un métis de mère jamaïquaine !

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0 commentaires

  1. Les expérimentateurs sur second life qui s’adonnent à ce genre de pratiques d’enquêtes psychologiques à l’insu des avatars ne sont pas beaucoup plus « nets » et éthiques que leurs sujets d’étude ! Ils ont gonflés de donner des leçons aux autres !

  2. C’est quoi l’avatar idéal ? Un grand blond aux yeux bleu ? Comme quoi, le monde se numérise, mais les idées restent à l’âge de pierre 🙂