Le pouvoir (et les difficultés) de la cocréation

En entrant dans l’atelier sur « la puissance de la cocréation », organisé par le Centre européen pour l’économie de l’expérience et le « cabinet de cocréation » Favela Fabric à Picnic, on découvre 12 tables carrées, chacune entourée de quatre chaises et équipée d’un ordinateur. Le message est clair : l’atelier lui-même sera coproduit.

Il le sera notamment autour de la question de base : qu’est-ce que la co-création ? Que n’est-elle pas ?

D’abord, la cocréation, ça sert à quoi ?
Pourquoi au juste se préoccuper de bien définir cette forme de création et d’innovation ? Parce qu’à l’époque des marchés ouverts et mondiaux, et des clients en réseaux, les marques sont déjà « cocréées », explique Albert Boswijk, directeur du Centre européen pour l’économie de la connaissance. Quand des amateurs ont détourné les logiciels des produits Mindstorm de Lego, quelques semaines à peine après le lancement de cette gamme, les juristes de l’entreprise ont eu comme premier réflexe de vouloir faire donner l’huissier. Mais l’entreprise a choisi de s’appuyer sur la dynamique de cette communauté, ce qui lui a en définitive considérablement bénéficié.

La cocréation – entendue dans le contexte de la cocréation de produits et services, entre une entreprise et ses clients – n’est pas une forme magique d’innovation au service des entreprises. Mais c’est une manière très efficace pour une entreprise de dialoguer avec ses clients, d’accéder à des idées nouvelles, de tester les idées en même temps qu’elles s’émettent, de modifier la relation à son marché.

Qu’est-ce qui est et n’est pas « cocréation » ?
On reconnaît la cocréation à partir d’une série de critères qui ont émergé de l’atelier (mais que les animateurs avaient aussi un peu en tête au démarrage…) :

  • Un but partagé : le projet, la question, les bénéfices attendus, sont clairement affichés et peuvent être partagés par les « cocréateurs ».
  • Un résultat en général ouvert : le but n’est pas étroitement fixé à l’avance, le résultat peut être inattendu.
  • Un processus collaboratif, collectif : il ne s’agit pas seulement d’obtenir des informations ou des idées des clients, que l’entreprise traite à sa guise – le « crowdsourcing » n’est pas de la cocréation.
  • Une structure pour favoriser la connectivité : on ne cocrée pas sans appuis, sans espaces communs, moyens d’interagir, mémoire collective, etc.
  • Un degré minimal de diversité : des personnes trop semblables les unes aux autres peuvent cocréer, mais elles ne produiront pas un résultat différent de celui qu’aurait produit un seul membre du groupe.
  • Une « gouvernance », des règles, des dispositifs d’arbitrage, mais qui portent sur le processus plutôt que sur le résultat, et qui laissent de larges degrés de liberté aux participants.
  • Une réelle possibilité de décision, ou a minima d’influence sur les décisions, de la part de tous les participants, et un retour clair sur la manière dont les choix des participants sont pris en compte.
  • Une forme de retour pour tous les participants (ne serait-ce que l’« altruisme réciproque » de Clay Shirky).
  • Une transparence du processus, condition de la confiance réciproque entre l’entreprise et ses « cocréateurs ».

Un marketeur « positionne » la cocréation
Raul Lansink, associé du cabinet Favela Fabric, a ensuite rendu compte de quelques expériences telles que celle du « BlueLab » de KLM, un projet d’amélioration du service de la compagnie aérienne en direction de ses petits clients d’affaires. Son expérience, relatée avec distance, tranche avec les discours enflammés que l’on entend trop souvent sur le sujet.

Pour lui, la cocréation consiste à orchestrer un échange collectif autour de l’amélioration ou de la production d’idées et de concepts. Elle fournira rarement l’idée nouvelle qui changera tout,mais plus souvent de l’innovation incrémentale.

On pense souvent qu’il suffit d’une plate-forme pour qu’émergent des formes de cocréation. Or cette vision ne marche que sur de très grands marchés, ou bien pour le petit nombre de marques ou de produits qui disposent d’une communauté de fans. « Dans la plupart des cas, les consommateurs d’une marque ne rêvent pas du tout de cocréer ses produits ! », rappelle-t-il avec bon sens. En général, une plate-forme, un protocole, une procédure ne suffisent pas : il faut un projet, un programme, un but, un retour. « La plupart des entreprises et des produits qu’elles développent ne sont pas au centre de la vie des gens ! » Il faut aussi se garder de trop vite considérer ses consommateurs, voire même des clients engagés dans un processus de cocréation, comme une « communauté » : les gens ne sont en général pas en demande de faire partie de nouvelles « communautés » ; la communauté peut être le résultat d’un processus, mais elle ne se décrète pas au démarrage.

Il faut partir d’un contrat, d’un accord : « collaborons autour d’un certain objectif, pendant une certaine période, et nous écouterons et mettrons des choses en oeuvre qui répondront à vos attentes. »

Reste à comprendre comment créer le contexte d’un processus de cocréation ? Il faut un focus clair, explique encore Raul Lansink : « voici ce que je vous propose, voici la raison pour laquelle je le fais, voici pourquoi je m’adresse à vous, ce que j’espère et ce que vous en tirerez ». Le retour pour les participants n’a pas besoin d’être tangible, le sentiment d’être vraiment écouté peut suffire. Il faut prendre soin du dialogue qui s’établit. Il faut par exemple que la direction soit vraiment, personnellement et visiblement impliquée.

Mais quand le dispositif est mis en place de cette manière, il faut ensuite franchir un autre obstacle, qui est la motivation et l’ambivalence des entreprises elles-mêmes : ouverture ou contrôle, s’intéresser aux gens ou aux cibles qu’on connaît déjà, changer ou améliorer, discuter ou affirmer, respecter ou se taire de peur de laisser filer des informations stratégiques…

La masse critique peut permettre de franchir ces obstacles. Plus il y a de monde, plus il y aura d’idées et plus les idées seront élaborées – et plus l’entreprise se sentira contrainte d’agir. Le nombre produit de la diversité, de la vitesse, de la transparence et un mouvement difficile à arrêter… Attention à ce qu’il ne s’emballe pas pour autant ou ne tourne pas à vide !

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0 commentaires

  1. La cocréation est obligatoire dans les etudes de marchés (de niche) qui n’existent pas encore car il faut éduquer les clients a la manipulation et à la compréhension du benefice apportée par l’innovation technologique
    rien de nouveau donc … la cocréation est juste une phase de focalisation