Pachube : Des applications pour l’internet des objets

Pachube (prononcez patch bay) peut paraître un projet un peu fou. Il est conçu comme un service web qui vous permet de connecter et partager en temps réel les données d’un capteur, quel qu’il soit. L’idée de Pachube est de faciliter l’interaction entre les environnements physiques et virtuels, les données d’un capteur physique pouvant alimenter un site web ou un objet dans Second Life et inversement. Ainsi, Pachube permet d’encastrer des données dans une page web à la manière d’un widget, que ce soit pour y donner accès ou pour transformer un blog en capteur de données. Pachube peut également être utilisé pour faciliter les connexions multiples à un capteur et permet aussi à ses utilisateurs (et plus encore à leurs objets) de se brancher à n’importe quel autre projet. Une solution qui permet donc de faire dialoguer simplement deux objets entre eux. Comme l’explique avec humour Putting People First, Pachube est un « peu comme YouTube, si ce n’est que plutôt que de partager des vidéos, Pachube permet aux gens de partager et contrôler des données temps réel de capteurs connectés à l’internet ».

Les informations temps réels des capteurs qui habitent les bureaux d'Usman Haque

Comprendre comment l’espace est programmé

Porcelets dans une caisseTish Shute, d’Ugotrade, vient de publier une longue interview de Usman Haque, l’architecte et fondateur de Pachube. Celui-ci insiste sur le fait que Pachube est plus un projet sur les environnements que sur les capteurs. « En tant qu’architecte, je me suis toujours plus intéressé à ce que j’appelle le logiciel de l’espace (les sons, odeurs, lumières, températures, champs électromagnétiques, relations sociales…) plutôt qu’à sa dimension matérielle (plancher, mur, toit, etc.). L’image de porcelets dans une boîte résume bien pourquoi je pense que le logiciel de l’espace est plus important que le matériel. Dans l’image de droite, la température a été augmentée. Ce petit changement de la façon dont l’espace est programmé change radicalement la manière dont les habitants se comportent les uns par rapport aux autres. C’est cette approche de l’architecture qui est devenue mon centre d’intérêt : comment traduire de telles stratégies dans un discours général sur l’architecture et comment matérialiser de telles possibilités pour l’industrie de la construction. »

Pachube n’est pas simplement un projet de réseau social pour les données issues de capteurs, assène son initiateur, mais plutôt un terreau d’applications, pour connecter les objets et les données entre eux. D’où son engagement dans la spécification de l’Extended Environments Markup Language, un protocole de partage de données de capteurs en cours de spécification, qui est développé pour rendre les environnements dynamiques et réactifs plus réels. L’important, rappelle Usman Haque, est de s’assurer que les technologies de « l’extrême connectivité » (pour parler des technologies de l’internet des objets ou de l’Ubicomp c’est-à-dire l’informatique ubiquitaire), qui feront bientôt partie de tous les aspects de notre vie, sont bien entre les mains de ceux qui veulent les utiliser.

Un appareil de surveillance de votre consommation électrique et son application Pachube en ligneAprès qu’on ait construit les moyens de connecter des entités physiques ou virtuelles au web, Pachube permet de construire des applications qui rendraient les connexions vraiment utiles, un peu comme Yahoo!Pipes permet de construire des applications en mixant des flux RSS et des commandes. Il fait le pari que c’est dans la multitude des services, puis dans leur interconnexion, que résidera la valeur. Une sorte de « web 2.0 des objets ».

Sur Pachube, vous trouverez par exemple une application de calcul d’empreinte carbone qui se branche sur des appareils de mesure de votre consommation d’électricité domestique (en utilisant par exemple la plateforme Amee, un service web qui permet de calculer ses dépenses énergétiques). Si vous disposez d’un appareil de surveillance de votre consommation énergétique, il existe une application Pachube qui vous permet de l’afficher sur votre blog ou de la suivre à distance via l’internet et de créer graphes et rapports sur votre consommation quotidienne.

Ouvrir le processus de production de l’internet des objets

La maison reconfigurable d'Usman HaquePachube promeut au fond une vision bricolée de l’Ubicomp, contre une vision trop fonctionnelle ou trop lisse. Comme certains penseurs de l’internet des objet, tel Adam Greenfield ou Bruce Sterling auxquels il se réfère, Usman se dit préoccupé par l’évolution de l’informatique ubiquitaire qui tend à vouloir rendre la technologie invisible, ce qui reviendrait à « confier notre avenir à des gens dont nous ne savons rien et dont nous ne connaissons pas les intentions ». Pour lui, Pachube répond à tout le contraire : il a pour but d’ouvrir le processus de production de l’internet des objets ou de la domotique des « maisons intelligentes », de ne pas l’enfermer dans sa complexité technique pour que les gens puissent « négocier » leur avenir technologique.
Enfin, insiste-t-il, Pachube met l’accent sur l' »environnement », le milieu dans lequel s’insèrent les objets communicants : « Je crois que l’une des principales lacune de l’approche habituelle de l’Ubicomp consiste à examiner la connectivité et la technologie au niveau de l’objet, plutôt qu’à niveau de l’environnement », ou du contexte.

La maison est évidemment l’un de ces « environnements ». Pour Hague, la maison est désormais une idée construite à partir d’une multitude d’endroits, à l’image de la maison reconfigurable qu’Usman Haque a imaginé ou de la maison distante de Tobi Schneidler qui permet de connecter deux appartements à distance et à leurs propriétaires de rester connecter avec eux via par exemple le sac à dos qu’ils emmènent avec eux.

Usman Haque participera à l’exposition Vers la ville sensible, organisée par la Ligue d’architecture de New York en septembre 2009 et qui se prépare via une série de colloques et de publications sur les technologies ubiquitaires (comme L’informatique urbaine et ses désillusions, par Adam Greenfield et Mark Shepard ; Playdoyer pour la situation de Benjamin Bratton et Natalie Jeremijenko ; et Urban Versioning System 1.0 de Matthew Fuller et Usman Haque).

Dans le cadre de cette exposition, Usman Haque et son équipe présenteront le projet Natural Fuse, dont l’un des buts est aussi de montrer le potentiel de Pachube. Natural Fuse s’appuie sur des plantes en réseau pour aider les gens à coopérer localement pour faire des économies d’énergie. Si les gens coopèrent pour réduire leurs dépenses énergétiques, les plantes qui les représentent se développent et chacun peut alors utiliser plus d’énergie. Mais si les membres du réseau ne coopèrent pas (par exemple pour réduire leur consommation en heure de pointe), le réseau tue les plantes (en coupant leur alimentation en eau par exemple) et réduit la capacité énergétique disponible pour le groupe. Un projet qui s’inspire du projet « d’environnement personnel bien tempéré » de Dan Hill dont nous avions parlé.

Illustration du fonctionnement de NaturalFuse

Interconnecter les applications pour démultiplier le potentiel des objets

Usman Haque évoque un autre exemple pour mieux nous permettre de comprendre le fonctionnement de Pachube : imaginons qu’un utilisateur développe une application qui permette de mesurer sa consommation électrique sur Pachube. Imaginons qu’un second utilisateur développe une application pour consulter les données de Pachube sur un téléphone mobile. En mariant ces deux applications, on pourra donc consulter sa consommation électrique depuis un téléphone mobile. Maintenant, imaginons qu’un troisième utilisateur développe un produit comme une lampe connectée, il lui sera très facile d’écrire une petite application pour éteindre ou faire varier la luminosité de sa lampe selon le niveau de consommation électrique de sa maison. « Plus il y a d’applications d’entrées et de sorties ajoutées à Pachube, plus chacune d’entre elles prend de la valeur », s’enthousiasme son fondateur. Toujours comme avec YahooPipes, les applications des uns sont disponibles à la réutilisation par les autres.

Bien sûr, il n’est pas si simple de programmer, utiliser et croiser les applications sur Pachube, tout comme il n’est pas si évident que cela parfois d’utiliser YahooPipes pour le web. Mais les perspectives ouvertes par Pachube proposent une direction intéressante pour l’internet des objets, qui n’est pas celle d’un système qui nous échappe, dont chaque objet à des fonctions mystérieuses et définies hors de notre contrôle, mais bien celle d’un internet des objets malléable, plastique, qui puise sa richesse dans les interconnexions que chacun imaginera.

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0 commentaires

  1. Merci pour cet article passionnant!
    Nous entrons dans l’ère de la sociabilité des objets…

  2. Oui, sociabilité des objets et paradigme de la déportalisation ou widgetisation des services et contenu, paradigme qui n’en finit pas de se déployer, hier avec le web 2.0, aujourd’hui avec l’internet des objets .Chacun pourra widgetiser son environnement social online comme son environnement social offline… ( sa maison, sa voiture, sa station de RER ou bus préférée, etc…), et de surcroit l’emporter avec soi dans sa poche avec son mobile comme interagir avec lui où qu’on soit… C’est l’ère de l’ubimedia qui pointe à porter de doigt 🙂

  3. C’est très positif dans le but de controler et suivre nos consommations d’énergie, plusieurs start up Francaise ce sont lancé dans le secteur, et une application pareil a celle de Pashube existe en France sur http://dev.chifco.com/