Ecologie : le numérique fait partie de la solution, pas du problème

La révolution numérique est-elle soutenable ? Pour Jean Zin, chantre de l’écologie révolutionnaire, « le bilan énergétique du numérique reste positif et il est illusoire de penser s’en passer désormais ni même de croire qu’on puisse y être contraints (…) Non seulement le numérique ne pose pas un problème aussi important qu’on le dit, devenant de moins en moins polluant, mais surtout il fait plutôt partie de la solution« .

La convergence entre ordinateurs et téléphones, le fait que 60 % de l’humanité utilise d’ores et déjà un téléphone portable, et que les pays pauvres, bien que dépourvus d’infrastructures, connaissent une croissance exponentielle en ce domaine, constituent, pour Jean Zin, « un événement considérable, véritable basculement anthropologique vers un homo numericus devenu une part de notre humanité (…) ce qui ne veut pas dire que cette universalisation du numérique ne poserait pas de problèmes écologiques mais qu’il faut les résoudre« .

La conjonction des crises rend difficile de sortir de la confusion entre crises économique, écologique, anthropologique qui n’ont pas la même temporalité pourtant et devraient se découpler au moment de la reprise. Il n’empêche qu’on a affaire simultanément à toutes ces crises et qu’il y a de quoi paniquer.

(…) Il est à peu près certain que la bataille climatique est déjà perdue, il faudrait arriver très rapidement à des émissions zéro, ce qui semble hors de portée. On ne sait encore comment on pourra y faire face mais ce ne sera pas en renonçant à l’informatique en tout cas, comme peuvent l’imaginer certains et comme si cela pouvait supprimer magiquement les excès passés !

La consommation énergétique des appareils numériques représenterait 2 % des émissions de CO2, « soit autant de gaz à effet de serre que l’ensemble des compagnies aériennes du monde« , d’après une étude Gartner de 2007, « certes contestable mais qu’on peut prendre comme une estimation haute« .

Or, d’une part, ce sont les téléviseurs qui consomment l’essentiel de l’énergie attribuée aux TIC, « au détriment d’autres consommations, ce qui fait que cela ne participe pas vraiment à l’augmentation de la consommation, voire la diminue dans certains cas« . D’autre part, les évolutions technologiques iront dans le sens d’une réduction drastique de la consommation électrique et du bilan carbone du numérique, « mais on devra exploiter beaucoup mieux sa capacité à réduire les consommations par régulations et optimisations, tout comme à se substituer aux transports matériels et autres processus consommateurs d’énergie » :

Non seulement le numérique ne pose pas un problème aussi important qu’on le dit, devenant de moins en moins polluant, mais surtout il fait plutôt partie de la solution (…) le fait que plus de la moitié de l’humanité utilise un téléphone portable désormais suffirait à montrer qu’on ne pourra plus s’en passer. C’est encore plus vrai dans la production, le numérique étant loin de se réduire à la simple distraction ni aux échanges entre adolescents !

(…) en admettant, ce qui est probable, qu’il y ait des périodes de pénurie énergétique, la question se pose de ce qu’il faudrait privilégier dans ce cas et si le numérique consomme encore à l’époque la même chose que l’aviation, ne vaudrait-il pas mieux se passer d’aviation ? Le numérique vaut-il si peu qu’il devrait être le premier sacrifié et de s’en passer suffirait-il à nous ramener à la situation passée ? Je crois au contraire qu’il fait partie de notre humanité désormais et mérite d’être cultivé plus que tout car c’est un élément essentiel des solutions aux problèmes que nous avons créé par notre industrie.

(…) On ne sortira plus de l’ère de l’information à l’ère de l’écologie et du développement humain, c’est dans ce cadre qu’il faut penser une écologie de l’avenir avec une relocalisation des productions (y compris grâce à des imprimantes 3D, téléconférences, etc.). On n’a pas besoin pour cela d’une écologie de l’imaginaire mais d’une écologie matérialiste qui n’a rien d’un monde idéal mais devra tenir compte de toutes nos limites pour garder un monde vivable où se continue l’aventure humaine avec ses questions irrésolues, ses ombres et ses lumières.

NB : A noter que le thème du « Green design » sera l’un des grands sujets abordés lors de Lift France, with Fing (Marseille, 18-20 juin), dans des directions proches de celles dont parle Jean Zin. Des intervenants mondiaux tels que Gunter Pauli (Zeri), John Thackara (Doors of Perception), Dennis Pamlin (WWF) ou Elisabeth Goodman (Université de Californie à Berkeley), exploreront le potentiel des technologies pour repenser en profondeur la conception, la production et l’usage des produits et des services à l’ère numérique.

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0 commentaires

  1. Il me semble que cette étude en prend pas en compte la production des équipements électroniques ni la consommation des consommateur.
    Cela reprend seulement les rejets en CO2 corespondant aux équipements électroniques (seulement informatique et téléphone) des industries technologiques.

    A mon avis, ça n’a que peut d’intérêt de comparer ça avec l’aviation en général. il aurait peut-être été préférable de calculer le bilan carbone total des équipements électroniques, plutôt que seulement le cout de FONCTIONNEMENT en CO2 des entreprises technologiques.
    Surtout que le plus dommageable pour l’environnement, ce n’est pas la consommation des produits technologiques, c’est la production.
    J’ai vue une étude il n’y a pas très longtemps sur Internet qui montrait que la production d’un ordinateur équivaut à son utilisation sur 3 ans en terme de bilan carbone. Sans parler bien sûr des produits chimiques, métaux lourds et de toute l’eau dont on a besoin pour fabriquer un ordinateur.
    En tout cas la conclusion de cette étude était qu’il valait mieux garder un équipement jusqu’au bout que de le changer pour un moins gourmand en énergie.

    En tout cas j’adore vos articles habituellement, mais je ne suis pas du tout d’accord avec ce que sous entend celui-ci.

  2. Cet article est une courte synthèse de toute une série d’études, les extraits repris ici sont bien sûr insuffisants pour couvrir l’ensemble de la question. Le point de départ était d’abord de réfuter les exagérations qu’on voit reprises ici ou là, il ne s’agit pas de prétendre que le numérique ne poserait aucun problème mais que ce n’est certainement pas ce qui produit le plus d’effet de serre (par rapport aux cimenteries notamment) et ce qu’il sous entend, c’est simplement qu’on ne se passera plus du numérique et qu’on ne reviendra pas en arrière, ceux qui pensent le contraire me semblent en dehors de la réalité, c’est donc dans ce cadre qu’il faut penser l’écologie du futur, en particulier en réduisant drastiquement les pollutions et consommations des appareils numériques, y compris leur production bien sûr.

    Il est exact qu’une étude a établi qu’il valait mieux ne pas remplacer son matériel sous prétexte que les nouveaux produits consomment moins car le bilan est alors globalement négatif. C’est tout de même relatif. Laisser un gros ordinateur pour un netbook aurait sans doute un bilan positif mais c’est rarement le cas, on remplace le plus souvent un appareil par un appareil équivalent et là le bilan n’est pas bon surtout si on le fait trop rapidement. On n’en est pas encore au téléphone se substituant au PC mais la différence sera ici considérable en consommation comme en production. Il est exact aussi que les composants actuels sont trop polluants et trop rares pour certains mais les choses s’améliorent, on trouve d’autres composants et la miniaturisation économise la matière première. Encore une fois, il y a de vrais problèmes qu’il faut régler, il faut en prendre conscience pour s’attaquer sérieusement à la question, mais malgré tout le numérique fait partie de la solution plus que du problème et il ne suffira pas de rêver à leur disparition.

    – Le rapport du ministère de l’écologie sur les TIC (pdf) :
    http://www.telecom.gouv.fr/fonds_documentaire/rapports/09/090311rapport-ticdd.pdf

    – Un article sur les progrès à faire :
    http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/informatique/d/ordinateurs-et-televiseurs-des-energivores-qui-pourraient-faire-mieux_18597/

    – Le rapport de l’ONU sur le développement des TIC :
    http://www.itu.int/newsroom/press_releases/2009/07-fr.html

    – Sur l’utilisation par les pays pauvres :
    https://www.internetactu.net/2008/07/03/comprendre-notre-besoin-de-technologie/

  3. D’accord avec l’ensemble de votre analyse. Sauf que je trouve que comme l’auteur de l’article, vous n’osez peut-être pas regarder en face l’impact écologique des produits électroniques.
    Attention je ne parle pas du bilan carbone, mais de l’impact écologique global : Si l’on considère que les téléphones portables se changent tous les 6 mois, les ordinateurs portables tous les 3 ans, les PC classiques tous les 5 ans, et les nouveaux écrans plats de salon tous les 6 ans.
    Imaginez la consommation en matières premières et en énergie que ça demande !
    Si tout le monde consommait comme les européens, je pense qu’on aurait pas assez de matières premières sur la planète pour tenir une décennie.
    Si à ces problèmes écologiques, vous rajoutez les problèmes humains provoqués par les besoins en matières premières comme le coltan par exemple C.F. l’article du Monde : http://fr.wrs.yahoo.com/_ylt=A1f4cfOPNuxJIxYBg5ljAQx.;_ylu=X3oDMTBybWpoN25zBHNlYwNzcgRwb3MDMgRjb2xvA2lyZAR2dGlkAw–/SIG=13mrjl8p0/EXP=1240303631/**http%3a//www.next-up.org/pdf/LeMondeDuSangDansLesTelephonesPortablesparDominiqueDhombres15122007.pdf

    Bref je suis d’accord pour dire que de toute façon, on ne pourra plus se passer de ces produits technologiques. Mais je pense qu’il faut regarder la vérité en face. Malgrès le fait que leur consommation va surement baisser, on sait aussi qu’on en utilisera de plus en plus et qu’on les changera de plus en plus souvent. Car comme dans beaucoup de secteurs, ces produits sont de plus en plus « jetable » et sont beaucoup moins solide que les générations précédentes. D »ou un bilan écologique global de plus en plus lourd.

  4. Il serait bien sûr absurde de nier l’impact écologique du numérique comme de prétendre qu’il serait soutenable quoiqu’on fasse, il s’agit plutôt de prendre en compte la nécessité de le rendre soutenable, ce qui n’a rien d’impossible sans que cela ne signifie qu’on y arrivera ! Heureusement que tout le monde ne change pas son téléphone tous les 6 mois, ce qu’il faut éviter bien évidemment. Il faut espérer aussi que les écrans plasma disparaissent rapidement, remplacés par des écrans oled bien moins polluants. Il n’est pas du tout certain que les produits actuels soient toujours plus fragiles qu’avant mais il est certain qu’il faut améliorer leur recyclage et leur durée. Il y a des mesures à prendre et des évolutions à accélérer de même que l’utilisation du numérique pour optimiser l’énergie (l’énergie intelligente) ne se fera pas tout seul. Cet article est fait pour prendre conscience de ces enjeux plutôt que se voiler la face en rêvant vainement à la disparition du numérique.

    Contrairement d’autres domaines, le numérique n’a pas de véritable limite matérielle car ses composants peuvent être constitués de toutes sortes de matériaux. Les métaux rares sont liées à des technologies particulières et on peut leur trouver des substituts (comme pour l’indium), le seul risque éventuel, c’est de perdre en performance mais pas toujours, loin de là. On peut même se passer du silicium puisqu’on peut faire une électronique à base de nanotubes de carbone consommant très peu de matières. Bien sûr, on se heurte à de nouveaux problèmes ici du fait que les nanotubes d’une certaine taille sont aussi dangereux que l’amiante (ne pouvant être phagocytés par les globules blancs), risque qu’on ne peut prendre mais qui peut être résolu à condition de ne pas se précipiter et prendre toutes les précautions indispensables.

    Le numérique pose donc toute une série de problèmes à résoudre, pas à nier, problèmes qu’il faut résoudre car on ne se passera plus du numérique, mais qui ne sont pas faciles pour autant et dépendent de la prise de conscience des populations et de leurs gouvernements.

  5. Je suis tout à fait d’accord avec toi. Sauf sur un point, qui est qu’on puisse rendre soutenable l’impact écologique du numérique.
    Pour ça, il faudrait obliger les IT à produire des appareils qui durent, à baisser le coût en matières premières de leur assemblage, et à ne pas encourager les gens à renouveler leur « parc numérique » à chaque nouveauté.
    Le premier et le deuxième point demande une réelle volonter politique qui ne se base plus sur la consommation de produit (différente de la consommation de services à mon sens) pour relancer l’économie. Et à droite comme à gauche ce ne sera jamais le cas ni en France ni ailleurs tant qu’on ne sera pas au pied du mur.
    Ensuite concernant la baisse de coût de production, il est peut-être possible d’y arriver, mais l’histoire nous montre quand même que c’est l’inverse qui se produit.
    La seule chose qui reste possible et qui est fait, c’est effectivement la baisse de la consommation énergétique de ses produits.

    Sinon je rejoint tout à fait votre analyse mais je suis peut-être un peut plus pessimiste que vous.