Et si l’on autorisait les bacheliers à se connecter à l’internet ?

L’internet à l’école, c’est bien. Mais au bac, et lors des examens ? Le Danemark a décidé d’autoriser, à titre expérimental, les lycéens à accéder au Net pendant leurs examens. Une mesure qui, si les tests sont concluants, pourrait être généralisée en 2011.

« Quand vous faites un devoir à la maison vous avez accès à Internet. Donc, pourquoi en priver les candidats au bac ?« , s’interroge Le Café Pédagogique. Le constat dressé par les autorités danoises est simple, souligne pour sa part le Guardian : la collecte des informations étant désormais, en grande partie, confiée aux ordinateurs, pourquoi demander aux élèves de mémoriser par coeur des données que l’on peut relativement facilement retrouver sur l’internet ?

How many non-Mac are there

Le risque de plagiat ? Il existe des outils pour le repérer, précisent les promoteurs de la méthode. Et pour éviter les risques de tricherie, les élèves n’auront pas le droit d’utiliser de messagerie instantanée, pas plus que les traducteurs automatiques, et leurs écrans seront de toute façon contrôlés, de manière aléatoire, par des surveillants.

Il existera de toute façon des moyens détournés de tricher, mais, et comme le souligne Emmanuel Davidenkoff, directeur de la rédaction de l’Etudiant, l’accent sera mis sur la dissuasion, à la manière des contrôles antidopage, « l’autre condition étant évidemment d’imaginer des sujets qui ne se prêtent pas au copier-coller… Donc des épreuves qui font appel à la réflexion, aux capacités de synthèse (afin de) vérifier que les élèves n’ont pas seulement appris mais compris ».

Et c’est le point le plus important : en autorisant les élèves à aller sur le Net pendant leurs examens, le Danemark parie sur leur capacité d’analyse, et de synthèse, et donc sur leur intelligence, plutôt que de continuer à reposer l’évaluation sur leurs capacités à régurgiter, ou « copier/coller » de mémoire, ce qu’ils ont appris par coeur. Certes, l’un n’empêche pas l’autre, et le pari est osé, mais il a le mérite de s’adapter à la réalité quotidienne des élèves, plutôt que de continuer à faire comme s’ils vivaient encore au temps où l’accès à l’information était une ressource rare.

Une question d’usages

Pour François Jarraud, rédacteur en chef du Café Pédagogique, « l’initiative danoise a aussi l’intérêt d’accéder à un espace que l’Ecole a bien du mal à investir : celui des pratiques sociales des adolescents. Intégrer Internet c’est aussi faire un lien entre l’Ecole et la vie réelle des adolescents, tous « digital natives »« . Sur Politiken.dk, la présidente d’une association de lycéens s’en réjouit : « les examens doivent être le miroir de la vie réelle et quand vous écrivez des rapports au travail, vous utilisez internet« .

C’était d’ailleurs tout l’intérêt de School 2.0, initiative du bureau des technologies éducatives du Département de l’éducation américain qui, plutôt que de se focaliser sur le matériel et les logiciels, tablait sur la mise en réseau de tout l’écosystème scolaire (élèves, enseignants, parents, personnels administratifs, politiques et techniques), au motif qu' »il n’y a pas un chemin unique pour aller vers l’école de demain« , et que l’intégration des technologies à l’école est de la responsabilité de tous.

School 2.0

Comparant l’expérimentation danoise à l’autorisation d’utiliser les calculatrices aux examens, Davidenkoff remarque également qu’il avait alors « fallu modifier les épreuves, déplacer les enjeux, se dire que la maîtrise de certains procédés purement techniques – comme le calcul mental par exemple – comptaient moins à ce niveau que la capacité à bâtir un raisonnement et à le démontrer ».

Skolanet, une association de promotion et de développement du e-learning, note que si la calculatrice a « supplanté le calcul mental y compris pour des opérations basiques, (et que) l’utilisation d’un ordinateur relié à Internet pourrait aisément remplacer une partie de notre mémoire, (…) les opérations basiques ont été mémorisées en amont et c’est grâce à cette assimilation de connaissances basiques que l’apprenant peut utiliser la calculatrice« .

Apprendre à « lire » et décrypter le Net

A contrario, il faut aussi être capable d’identifier les informations les plus pertinentes : une chose est de savoir lire, une autre est de savoir chercher des informations sur le Net, et une troisième est de les vérifier, et de s’assurer de leur validité. Toutes choses qui, à ce jour, ne sont précisément pas enseignées à l’école, et dépendent en bonne partie des usages et de la pratique qu’ont les élèves de l’internet, ce qui pose aussi le problème de la fracture numérique.

François Jarraud relève ainsi qu’il y a trois semaines, l’Angleterre annonçait sa propre révolution pédagogique.  :

« Les nouveaux programmes de l’école primaire font des TIC un élément aussi central que les maths et l’anglais. En fait la littératie, la numératie (*), les TIC et le développement personnel sont les 4 points importants de ces nouveaux programmes. On attend des enfants un certain niveau de maitrise des TIC, par exemple de Facebook, du tableur, de Twitter, et on considère cette exigence comme aussi importante qu’apprendre à compter.

L’autre innovation c’est qu’avec ces cours, avec le retour des langues vivantes, avec l’enseignement obligatoire des arts, de l’histoire, de la géographie, ces programmes rompent sans le dire avec la domination du lire – écrire – compter imposée par le système de tests nationaux. Les programmes renouent avec la prise en compte de la totalité de la personnalité de l’enfant et visent un épanouissement qu’il sera plus difficile d’évaluer.

Ainsi est en train de se dessiner un espace européen qui fait délibérément le choix d’accorder à la culture numérique et à ses usages une place essentielle. Peut-être parce que la culture de ce siècle est numérique et que l’ignorer c’est fabriquer des analphabètes. »

* ensemble des connaissances en lecture et en écriture d’une part, en mathématiques d’autre part, permettant à une personne d’être « fonctionnelle en société« , selon l’Office québécois de la langue française.

À lire aussi sur internetactu.net

0 commentaires

  1. Je suis totalement d’accord avec la possibilité de connexion contrôlée à l’internet pour les examens et bien évidemment avec l’accent mis sur la litératie numérique.

    Mais j’ai deux problèmes avec cet article : 1) la photo montre des étudiants et non des élèves qui ne sont à l’évidence pas en situation d’examen, mais de cours et là il y a un vrai problème de concurrence d’attention ; 2) il ne faut pas pour autant oublier que le lire-écrire-compter est la formation de base prioritaire. Ces compétences sont indispensables dans toutes les situations de la vie, pas seulement quand on a accès à un réseau.

  2. Merci pour cet article auquel j’adhère.. presque tout à fait. Voilà tout de même une information donnée de manière un peu rapide et qui aurait mérité d’être vérifiée :

    « …une chose est de savoir lire, une autre est de savoir chercher des informations sur le Net, et une troisième est de les vérifier, et de s’assurer de leur validité. Toutes choses qui, à ce jour, ne sont précisément pas enseignées à l’école… »

    Mais si, l’école a un peu évolué. On enseigne même ça, maintenant. Les comptes rendus de ce type de cours sont légion sur les sites académiques et sur Educnet. Je vous laisse vérifier cela dans votre moteur favori !

  3. « le Danemark parie sur leur capacité d’analyse, et de synthèse, et donc sur leur intelligence »

    Hum! Si c’est vraiment leur objectif ils s’exposent à des « difficultés » : aux USA le SAT a été modifié justement pour qu’il corresponde moins à une mesure de l’intelligence donnant des résultats trop politiquement incorrects !

  4. @jmm : pour votre moteur favori, je propose de commencer par :
    « recherche documentaire »+ »tice » ;
    « recherche documentaire »+ »classe » ;

    Mais le mieux est d’aller directement dans le moteur idoine :
    http://www.educnet.education.fr/bd/urtic/documentation/index.php

    Voir plus généralement le moteur « Edubase » de chaque discipline (pas seulement celui de la documentation comme ci-dessus), qui recense des activités menées en classe avec les TICE (Dans le champ « Domaine ou compétence du B2i », sélectionner « s’informer, se documenter ») :
    http://www.educnet.education.fr/secondaire/edubases

    Bonne balade !

  5. @douance :

    Le SAT n’est pas un test de QI, et il a été révisé parce que certaines questions comportaient un biais culturel évident (références à des pratiques culturelles des classes supérieures blanches, la plus fameuse étant dans la « oarsman–regatta analogy question »). De façon plus général rechercher et décrypter de l’info c’est très différent des tests papiers-crayons de culture général ou de QI.