Soyons sérieux, jouons ! (5/5) : Le jeu est l’arme de la subversion

Agon, le conflit : c’est l’une des quatre catégories employées par l’écrivain Roger Caillois (en compagnie de Alea, le hasard ; Mimicry, le faire semblant ; Ilinx, le vertige) dans sa classification des jeux pour spécifier leur nature. Mais l’Agon possède aujourd’hui une résonance particulière dans le jeu car il devient lui même une dimension du combat. On joue pour se préparer à la guerre, pour gagner un avantage dans le débat d’idées, pour convaincre des clients. Désormais, le jeu est utilisé par l’armée, les publicitaires et bien sûr les militants pour établir un pouvoir sur le monde réel.

Le jeu sert à faire la guerre

Le jeu sérieux n’est pas né dans les écoles ou les entreprises, mais au sein de l’armée américaine. Selon une étude de la société IDATE sur le serious game le premier jeu sérieux officiel se nommait America’s Army : « Ben Sawyer, président de la société américaine de développement informatique Digitalmill et co-directeur du Serious Games Initiative déclare qu’America’s Army « fut le premier serious game bien réalisé et ayant rencontré du succès auprès du grand public »« . Ce jeu, sorti en 2002, n’était un jeu militaire de plus, mais avec une différence : « America Army est lancé le 4 juillet 2002, jour de fête nationale aux Etats-Unis. Développée pour le compte de l’armée américaine et distribuée gratuitement sur Internet, cette application basée sur le moteur du jeu vidéo Unreal Tournament (UT) propose de simuler des exercices d’entraînements militaires et des missions de combat. Cependant, America Army se distingue des autres « military games » par le fait que les meilleurs joueurs reçoivent un courrier officiel proposant d’intégrer l’armée américaine (…).

L’armée américaine a donc constaté que, parmi leur panel, ce moyen de recrutement était le plus efficace auprès des jeunes de 16 à 24 ans. »

Aujourd’hui encore, l’armée US garde un oeil sur le monde du jeu, en faisant de nombreuses recherches proches du sujet, comme au Moves institute, où l’on étudie la modélisation et la visualisation à des fins militaires. Quant aux recherches sur la cognition augmentée de la DARPA, elles ne sont pas si éloignées du monde ludique.

americas-army-true-soldiers-20070611044949632Les rapports intimes entre l’armée et le jeu ont poussé certains analystes à aller encore plus loin et parler du « complexe militaro-ludique » (military entertainment complex) : « La montée du complexe militaro-ludique n’est pas sans une certaine ironie », notent Tim Lenoir and Henry Lowood, qui étudient les jeux à l’université de Stanford dans un article (.pdf) consacré au sujet. « Les jeux sponsorisés par l’armée s’avèrent en fait beaucoup moins violents que leurs concurrents. America’s Army : Operations par exemple, n’affiche que quelques gouttes de sang lorsque le joueur est touché ». Et pour cause ! Pas la peine d’effrayer trop les éventuelles recrues en leur rappelant ce qui peut leur arriver…

« Conscientiser » le joueur

Si les militaires ont été les premiers à être convaincus des bienfaits du jeu « sérieux », ils ne sont pas les seuls. Aujourd’hui, le combat des esprits compte autant, sinon plus, que le combat des corps. Les activistes, militants de toutes les causes (même les plus inattendus, comme les évangélistes), se sont également emparés du jeu pour convaincre l’opinion publique de la valeur de leurs idées. On ne compte plus aujourd’hui les jeux destinés à « conscientiser » le joueur, par exemple en lui apprenant l’importance de l’écologie. On utilise pour ce genre de démarche le terme consacré de « jeu persuasif ».

D’ailleurs, il est intéressant de noter que si American Army est considéré comme un « jeu sérieux », ce n’est pas seulement parce que son gameplay couvre de manière réaliste son sujet, mais aussi parce qu’il se termine sur une offre de recrutement. Son but est donc de convaincre, de conquérir une opinion, bref, il s’agit d’un jeu persuasif.

Ian Bogost, auteur du livre Persuasive games, explique (.pdf) que le jeu persuasif peut agir selon trois modes distincts.

Le premier, « le renforcement », s’assimile à la propagande pure et simple : il s’agit de conforter le système de pensée et de valeurs du joueur par une série de métaphores simples. Bogost cite en exemple Tax invaders, un jeu créé par les républicains en 2004 sur le modèle du vieux Space invaders dans lequel le joueur, représenté sur l’écran par Georges W. Bush lui-même, lutte contre l’invasion des impôts en leur tirant dessus.

Le second mode, la contestation, remet au contraire en question un système de valeurs. Bogost cite une création de l’artiste français Martin le Chevalier, Vigilance, dans lequel le joueur doit surveiller et censurer toutes les possibilités de déviance. « Alors que le jeu semble à première vue renforcer l’idée de la surveillance comme outil de protection. (…) Avec le temps, le joueur en vient à réaliser que son rôle de surveillant n’est ni plus ni moins pervers que les représentations abstraites de la déchéance morale données par le jeu : prostitution, vagabondage ou zoophilie. »

Le dernier mode d’action est l’implication : par sa structure, ses graphismes ou son scénario, le jeu émet (parfois involontairement) un commentaire d’ordre social ou politique. Bogost mentionne Grand Theft Auto : San Andreas, dans lequel le joueur est un gangster obligé de se nourrir pour maintenir sa forme. Mais s’il mange trop de graisse, il grossit et perd de sa vitesse. Or la nourriture n’y est disponible que dans des fast foods, ou les nourritures les plus grasses coutent moins cher que les plus saines, et les fonds du joueur sont limités. Le jeu, selon Bogost, montre ainsi la corrélation existant entre pauvreté et consommation de junk food.

Le jeu en guerre contre le réel

Sur ce nouvel échiquier idéologique, le jeu à réalité alternée (ARG) se révèle une pièce stratégique.

Si l’ARG semble concentrer une bonne part des jeux militants, ce n’est pas uniquement parce que sa structure permet la création de produits « indé » pas trop onéreux (cela peut d’ailleurs être contesté lorsqu’on voit les moyens mis en oeuvre pour The Beast, I Love Bees ou Evoke que nous mentionnions dans la 3e partie de ce dossier). C’est parce que sa nature elle-même consiste à questionner la réalité et les limites de notre compréhension, et donc de provoquer le changement à un niveau radical.

Sur ce point, le lien archaïque entre le jeu et la magie se poursuit aujourd’hui. Le jeu à réalité alternée apparait comme une arme fondamentale dans l’arsenal d’une contre-culture qui n’hésite pas à mélanger marketing, cybernétique, et un occultisme postmoderne qui doit plus à Buffy et Philip K.Dick qu’à Paracelse (certains parlent de Génération Hex : génération sortilèges). Le jeu serait une attaque concertée de la réalité consensuelle très bien décrite par l’auteur de comics et magicien Alan Moore : « Pour moi la magie est une chose très politique, c’est la politique ultime. Vous ne vous demandez pas seulement comment l’Etat est gouverné, vous questionnez la réalité, les fondations sur lesquelles il est bâti ».

De fait, l’attaque sur la réalité, au fondement des ARGs, pourrait bien ne pas avoir commencé avec The Beast ou I Love bees, mais de façon bien plus mystérieuse et discrète, voire « occulte », dans les années 90, lorsqu’ont commencé à circuler sur les réseaux les Incunabula Papers, une série de documents étranges sur des « recherches interdites » effectuées sur les univers parallèles dans la ville fictive de « Ong’s hat ». Ce « canular littéraire » initié probablement par Joseph Matheny, cherchait, sous couvert d’une énième « théorie de la conspiration », à maintenir vivace les idéaux libertaires de la contre-culture.

Selon Denny Unger (.pdf), graphiste et concepteur de jeux, qui a beaucoup étudié ce mythe moderne : « Ong’s hat et les Incunabula ont toujours traité du problème des niveaux de compréhension. Lorsque vous étudiez chaque aspect de l’histoire, vous vous trouvez face à un défi. Vous découvrez une info passionnante qui vous entraine sur un chemin pour ensuite découvrir qu’il s’agissait d’une impasse, mais… il s’avère finalement que le chemin que vous pensiez être faux est en vérité le bon, et ainsi de suite.

Une portion de la population ne saisira tout simplement pas les incunabula », écrit-il, « et n’y verra qu’un “truc bizarre” mais certains seront capturés par eux, obsédés par leur mystère. Cette obsession dure généralement jusqu’à ce que la personne ait extrait de l’histoire quelque chose qui soit vital pour elle. Il existe aussi une autre sorte d’explorateur des incunabula. Celui-là va au-delà des obsessions personnelles et commence à appréhender une image plus globale en mettant en relation des informations apparemment sans liens entre elles. Ce que celui-ci perçoit aussi est une série de tests soigneusement construits pour filtrer certains types de personnalités et chercher des « candidats » adéquats. Un schéma général des Incunabula apparaît alors. Cela rappelle les initiations des sectes, mais est très différent parce que ce processus sélectionne un type particulier de personnalité : quelqu’un d’hédoniste, ouvert d’esprit, mais sceptique, doté d’une tournure d’esprit scientifique, créatif, libre penseur, éduqué, et critique. Certainement pas l’initié typique de la secte standard. »

Subversion culturelle ou récupération marketing ?

716AFHX5JJL._SS500_Cette « stratégie de subversion culturelle » est très proche de ce que Douglas Rushkoff, fameux analyste des médias, a nommé dès 1992 le Media Virus : un élément d’information apparemment sans contenu dangereux, mais qui, une fois répandu, révèle une complexité inattendu, commence à faire des vagues en créant de la réflexion, voire de la contestation.

Victime de son succès, le Media Virus n’allait pas tarder à intéresser les marchands. À ce sujet, Joseph Matheny, l’artiste « transmedia » à l’origine des Incunabula, écrit : « il y a de cela longtemps, lorsque j’ai commencé à diffuser les papiers Incunabula par photocopies, Gopher, FTP, puis ensuite via le web, ou sous la forme de livres imprimés, électroniques ou audio, je faisais partie d’une nouvelle culture de farceurs en ligne, de mages, de clowns et de poètes, connus collectivement comme les « cultures jammers » (qu’on pourrait traduire approximativement par « bidouilleurs culturels ») […]. Dix ans après, j’ai été contacté par les représentants de marques commerciales afin de faire “cette chose” pour leurs produits. Finalement, quelqu’un nomma “cette chose” le “marketing viral”, qui devait se transformer suivant différentes directions, comme le jeu à réalité alternée et une myriade d’autres “services” destinés à colporter des marchandises. »

Douglas Rushkoff allait vivre la même expérience. En 1997, alors qu’il donnait auprès de spécialistes en « planning stratégique » une conférence sur les « Espaces mutants et idées mutantes », il eut la désagréable surprise de découvrir que ses interlocuteurs, qui accueillaient ses idées « subversives » avec enthousiasme, cherchaient en fait  » à créer des publicités qui étaient elle-même des Media Virus ! Media Virus, constate-t-il avec amertume dans Coercion, est devenu un best-seller non parce que de nombreux activistes, producteurs indépendants ou hackers l’ont lu, mais parce qu’il était devenu un standard en science des relations publiques. « Mon travail est enseigné dans les écoles de publicité », constate Rushkoff. Chantre de la cyberculture à ses débuts, Rushkoff, à l’instar d’autres pionniers comme Jaron Lanier, commence à se demander s’il n’a pas participé à l’enfantement d’un monstre… Depuis ces dernières années, ses livres sonnent comme autant de mise en garde contre de nouvelles formes subtiles de domination. Ce qui ne l’empêche pas aujourd’hui, de collaborer à son tour à l’écriture d’un ARG, Exoriare, dans lequel les joueurs doivent élaborer un « darknet » pour résister à l’oppression.

Actuellement, l’ARG apparait bien souvent comme un outil marketing. On l’a vu précédemment, le premier jeu à réalité alternée officielle accompagnait un film de Stephen Spielberg. Why I love bees servait de rampe de lancement à Halo 2 de Microsoft. Par la suite, Jane MacGonigal a participé à The Lost Ring consacré aux Jeux olympiques de Pékin et sponsorisé par McDonald (« discrètement sponsorisé par McDonald, l’expérience impliquait un public jeune repoussé par un marketing trop évident », est-il avoué sur le site du jeu). Quant à Evoke, ses bonnes intentions ont suscité quelques ricanements lorsqu’on sait que le principal sponsor de ce jeu n’est rien moins que la … Banque Mondiale, dont la volonté de réduire la pauvreté suscite avec raison quelques doutes. Du coup, d’autres militants, ont lancé un jeu alternatif, Invoke, un ARG dont le but est de promouvoir « l’idée que la guerre, la pauvreté, la destruction de l’environnement, l’injustice et la maladie peuvent et doivent être éliminés par la logique du libéralisme économique. La première mission des joueurs sera donc d’écrire ou de présenter des idées sur la manière dont la Banque Mondiale pourrait améliorer son image ».

Jouer pour sauver le monde réel !

Dans sa toute récente conférence pour TED (voir vidéo). Jane McGonigal défend avec un enthousiasme contagieux sa conviction que les jeux vont pouvoir améliorer le monde. « En temps cumulé, on joue aujourd’hui environ 3 milliards d’heures par semaine sur les mondes en ligne », affirme-t-elle en substance.« Vous pourriez pensez que c’est trop, avec tous les problèmes qui affectent la planète. Mais le contraire est vrai… Je pense que si nous voulons survivre jusqu’au prochain siècle, j’ai calculé qu’il nous faudra jouer 21 milliards d’heures par semaine ».


Jane McGonigal sur la scène de TED.

John Robb, auteur du livre Brave New War, critique sur son blog Global Guerrillas la conviction de Jane McGonigal quant à la possibilité d’utiliser les joueurs en ligne pour développer des solutions dans le monde réel. Pour lui : « La véritable grande idée n’est pas de trouver un moyen d’UTILISER les joueurs en ligne pour atteindre des objectifs dans le monde réel (pour employer un gros mot : crowdsourcing – s’arranger pour que les gens travaillent pour vous gratuitement – Berk !). Au contraire, il faut trouver la méthode pour utiliser les jeux en ligne afin d’améliorer la vie des joueurs. En bref, transformer les jeux en darknets économiques fonctionnant en parallèle à l’actuel statu quo défectueux, et mieux que lui. Des jeux économiques qui connectent l’effort et le récompensent. Des jeux économiques dotés de règles transparentes capables d’améliorer de manière tangible la vie de joueurs dans le MONDE REEL.

Ce n’est pas une utopie technologique. C’est la réalité. Le marché électronique global et le système politique qui gouvernent actuellement nos vies forment à la base un jeu, mais un jeu dont les règles sont cachées. Au final, c’est un jeu qui se joue au bénéfice de ses concepteurs, au détriment des joueurs. Mais nous continuons à jouer, car nous n’avons pas le choix. Inventons quelque chose qui entrera en compétition avec ce système. Donnons le choix aux gens. »

On remarquera une fois de plus, l’importance accordée à la notion de transparence des règles, déjà remarquée par Stephen Berlin Johnson pour son rôle positif dans la neurologie du jeu (le cerveau bénéficie de récompenses claires et régulières). C’était aussi un des points importants soulignés par Byron Reeves à propos de « l’engagement total » et sur la réforme ludique des entreprises. Mais Robb part dans une direction tout à fait différente de Reeves. Si ce dernier voyait dans cette caractéristique des mondes ludiques un moyen de réformer l’entreprise, Robb le conçoit au contraire comme la base d’un ou plusieurs systèmes concurrents de l’actuelle logique économique. En lieu et place de la simple amélioration d’un état existant, Robb y voit une méthode de subversion.

Robb et McGonigal divergent peut-être sur les tactiques susceptibles de canaliser à des fins pratiques la formidable énergie mentale des joueurs. Mais tous deux, et aussi Reeves, Jenkins, Koster et tous les enthousiastes que nous avons rencontrés le long de ce dossier, partagent l’idée que l’extraordinaire créativité du joueur est un atout formidable qui doit être reconnu et respecté, et certainement pas méprisé ou à la rigueur accepté de manière paternaliste, comme un moyen pas très subtil de faire passer un enseignement ou une idée.

La réalité de demain, surtout avec l’irruption des technologies de la réalité virtuelle et augmentée pourrait bien ressembler à une espèce de mille-feuilles. Au-dessus du niveau « réaliste », consensuel, s’empileront des univers de fantaisie et d’imagination dans lesquels on pourra non seulement se distraire, mais également travailler, faire des projets, réfléchir. L’homme vivra alors essentiellement dans des mondes de fiction. Mais n’est-ce pas ce qu’il a toujours fait ?

Rémi Sussan

Le dossier, « Soyons sérieux, jouons ! »
– 1ère partie : Prendre le jeu au sérieux
– 2e partie : Les nouvelles formes de jeu
– 3e partie : Le jeu, catalyseur de l’intelligence collective
– 4e partie : Le jeu est le futur du travail
– 5e partie : Le jeu est l’arme de la subversion

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0 commentaires

  1. Un jeu dont les règles sont cachees n’est tout simplement pas un jeu…STOP au detournement semantique !

  2. Pas mal cet article, c’est tout à fait ça. Le monde économique est un jeu à règles cachées créé à l’avantage de ses concepteurs (et de ceux qui les comprennent).

    A la différence du Jeu d’Echecs dont les règles sont parfaitement claires, équitables et publiques, et où la différence se fait dans le jeu lui même, le jeu économique, est un jeu où les règles évoluent tout le temps, pour avantager tel ou tel joueur, et ne sont jamais rendues publiques avant d’avoir produit leur effet.

    D’un autre côté les joueurs ne semblent pas comprendre ça, et ne demandent pas des règles transparentes, chacun des joueurs veut être avantagé pour faire mieux que le voisin, et donc demande des règles pour lui même (exemple récent la TVA à 5,5% pour les restaurateurs).

    Le jeu n’est donc viable que grâce à la complicité des joueurs, qui ne comprennent pas que les règles doivent être les mêmes pour tous, pour pouvoir apprécier un jeu équitable.

  3. Florence,

    Même dans le domaine purement ludique, il existe des jeux dont les règles ne sont pas transparentes. Voir par exemple le célèbre jeu d’Eleusis (http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89leusis_%28jeu%29). Il existe aussi des jeux dont les règles changent au fur et à mesure (http://fr.wikipedia.org/wiki/Nomic). Enfin, toute la gamme des jeux de rôle de type Donjons et dragons laissent les règles entre les mains du « Maitre du donjon ». A lui de se montrer le moins arbitraire possible. En fait, bon nombre des jeux vidéos possèdent aussi des « règles cachés », des algorithmes complexes qui n’apparaissent pas au joueur. Est-ce que je peux prédire avec précision le contentement de ma population dans Civilization IV, ou dans les séries Sim City ou Caesar ? Je ne sais pas comment le programme calcule ses résultats. De plus, au jeu traditionnel s’ajoute, pour bon nombre de joueurs, la quête du méta-jeu: les moyens de hacker le système pour le vaincre en dehors du système de règles connues, soit en exploitant des astuces laissées volontairement par les programmeurs, modes « immortel » ou « invincible », soit en exploitant une faille du système (par exemple, dans certains « god games » de type Sim City en augmentant les impôts d’une population en début d’année pour les baisser considérablement le dernier mois, parce que le logiciel ne calcule le contentement de la population qu’ à la fin de chaque « année » de la simulation).
    De fait, j’irai même plus loin en supposant que la grande affaire du jeu aujourd’hui consiste pour le joueur à surfer sur la complexité d’un système en agissant avec des informations incomplètes non seulement sur les données (c’était déjà le cas dans les jeux de cartes ou de hasard) mais sur les règles qui régissent ces données…

  4. Il y a jeu si seulement si les joueurs savent qu’ils jouent…ce qui suppose une forme de contrat a minima qui peut admettre un certain degré d’incertitudes…s’il y a jeu a l’insu des joueurs, c’est de l’expérimentation sociale sauvage qui peut mener a la mise en danger de la vie d’autrui !

  5. @Florence Oui c’est tout à fait juste, c’est ce que je dénonce en disant que je n’ai pas signé la Constitution, ni les Règles économiques, et que donc le jeu se joue sans mon accord sur les règles, ni mon accord sur les processus de changement de ces règles.

    Ca repose le problème de la démocratie. La démocratie, peut-elle s’appliquer à des citoyens qui n’ont pas volontairement signé son mode de fonctionnement ?

    On devrait donc pouvoir envisager que chaque citoyen ou groupement de citoyen puisse « sortir » de la société, pour recréer leurs propres règles. C’est ce qu’on fait les Mormons aux USA.

  6. J’ai l’impression que les gens ne sont pas dupes, y compris et même surtout ceux que l’on décrit comme « les couches sociales défavorisées des périphéries urbaines »: ils refusent tout simplement de jouer, ils ne votent plus!

  7. Dans le registre des jeux engagés, il y a aussi le site de la Molle Industria : http://www.molleindustria.org/en/home
    Avec un simulateur de fast-food, de multinationale pétrolière, etc…
    Oiligarchy est particulièrement bon, d’un point de vue ludique mais aussi économique/historique (même si c’est très exagéré)