Monétisation des médias : comment faire ?

La Suisse est un petit pays de 8 millions d’habitants où l’on parle 4 langues. Le marché de la presse y est donc plutôt circonscrit, rappelle Philippe Gendret, directeur numérique du Groupe Media suisse Edipress, sur la scène de la conférence Lift à Genève (voir sa présentation). Aujourd’hui, seuls 5 à 6 acteurs gagnent de l’argent avec un site d’actualité en Suisse, car il est difficile de les rentabiliser par la publicité. Heureusement, les éditeurs suisses sont encore propriétaires des principales marques de petites annonces, qui ont plutôt réussi leur conversion web et qui gagnent de l’argent en ligne.

Alors, certes, les lecteurs se focalisent sur les marques établies, ce qui profite plutôt aux marques de presse. Les revenus des bannières publicitaires demeurent insuffisants et si le Guardian, le journal britannique, a multiplié ses Homes Pages par 4, cela ne suffira pas pour couvrir les coûts d’une bonne rédaction.

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Image : Philippe Gendret sur la scène de Lift, photographié par Ivo Näpflin.

Mais le constat que fait Philippe Gendret est que le web manque de maturité. Depuis 2 ans, le trafic stagne. L’audience des sites de presse n’arrive pas à conquérir de nouveaux publics, en dehors des heures de bureau. Le week-end, l’audience des sites de presse s’effondre. Heureusement, la consommation d’information sur les nouveaux supports est en forte croissance. Le mobile réalise déjà 25 % du trafic (60 % pour l’info et 40 % pour les services). Ce ne sont pas les contenus qui ont fait progresser l’audience, mais l’augmentation du parc de Smartphone. Sans compter que celui-ci permet d’élargir l’audience : les usages mobiles génèrent de nouvelles pointes de trafic, le matin, à l’heure du transport et en fin de journée, après 20h.

Les éditeurs de presse suisse ont décidé qu’ils étaient trop petits pour envisager l’avenir les uns contre les autres. Ils ont donc construit un consortium pour faire de la R&D en commun, notamment en faisant tester la lecture sur tablette à leurs lecteurs. L’un des enseignements des études est d’avoir permis de distinguer deux profils types de lecteurs : ceux qui se concentrent sur le contenu, qui veulent du contenu de qualité et qui sont prêts à payer pour cela. Et les surfeurs qui veulent des fonctions, de l’information, qui sont prêts à payer pour une expérience, une navigation facile, des images et des vidéos…

Le modèle de l’abonnement (80 % du chiffre d’affaires de la presse suisse est assuré par l’abonnement) est-il en bout de course ? C’est probable, répond Gendret, car ces nouveaux arrivants n’en veulent pas. Ils veulent le plus souvent être libres de choisir les contenus de leurs choix. Pour Philippe Gendret, il faut réussir à proposer une diversification. Il faut savoir proposer différents produits, à des prix différents, avec des contenus différents pour servir des usages différents. L’éditeur allemand Springer vient ainsi de proposer 7 applications pour smartphone et tablettes avec des contenus spécifiques et différents.

Les éditeurs suisses ont développé une plateforme numérique pour tous les éditeurs (disponible même aux éditeurs de livres) et disponible pour tous les supports, permettant de construire des offres multiples. C’est l’ambition du projet Codex. « Les éditeurs doivent garder le contrôle du consommateur. Ils doivent proposer à la fois des contenus gratuits et des contenus payants. Ils doivent s’inspirer d’Amazon ou d’Apple : construire leur propre plateforme ! » Et Philippe Gendret de remercier Apple : « Apple nous a forcés à être créatif. Maintenant, nous devons développer des produits mass média et nous devons être mieux organisés. »

Espérons que les éditeurs français entendent.

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0 commentaires

  1. Ce que ne dit pas votre article c’est que la génération massive des applications pour accéder à du contenu informatif. Risque de tuer l’accès aux informations tout simplement. Et que demain nous serons peut-être obliger de payer afin d’avoir accès a ceux-ci.

    En tout cas si ce type de développement tend a ce généraliser à long terme et viens remplacer les pages lisible par les robots d’indexation des moteurs de recherche.

    Même si j’ai bien compris que votre article parle justement d’argent et de rentabilisation.

    Le risque non évoqué il me semble sur un tel stratégie et de voir les sites proposant de l’information gratuite en tête devant les sites proposant de l’information payante avec applications dédiés.

    L’autre risque et de devoir systématiquement payé pour avoir accès a de l’information écrites, alors que la télévision fournit quotidiennement du contenus informatif gratuit ou que d’autre source gratuite existe.

    A moins que tout soient payant à l’avenir dans l’internet idéal et mercatique.

  2. @Maman : Je ne suis pas sûr que c’était là le propos de Philippe Gendret, qui au contraire, me semble-t-il, à compris que tous les lecteurs ne veulent pas tous la même chose et que beaucoup ne paieront plus pour l’information. Ce qui était intéressant dans sa démonstration, justement, était de montrer qu’il fallait servir ces différents publics et pas seulement se concentrer sur ceux qui paieront, notamment parce que le gratuit (c’est-à-dire ce qui est financé autrement) peut également parvenir à l’équilibre (pour le dire prudemment).