Le concours… et après ?

Aux Etats-Unis (mais pas seulement), le concours pour développer des applications depuis les données publiques ouvertes (cette « nouvelle forme de mobilisation et d’innovation politique » que nous décrivaient Laurence Allard et Olivier Blondeau en 2010) est décidément à la mode. Trop peut-être, rappelle Alex Howard pour O’Reilly Radar à la suite d’un article sur la durabilité des applications créées lors de ces concours écrit par Andy Oram qui avait déjà déclenché déjà un vif débat.

Le développeur et militant Waldo Jacquith a récemment publié une critique de la mode des concours d’applications. Selon lui, il y a deux catégories d’applications : « celles qui étaient susceptibles d’exister six mois plus tard et celles qui ne l’étaient pas ». C’est pourtant plutôt sur les premières que le concours agit. Selon lui, le concours a surtout un effet pour les organisateurs qui n’étaient pas persuadés de la valeur de l’ouverture de leurs données en leur donnant de l’inspiration sur la manière de les utiliser.

Clay Johnson, ancien directeur des laboratoires de la Sun Foundation, a préconisé que les institutions publiques mettent l’accent sur la construction de communautés plutôt que sur les concours d’applications. « Que ce soit pour l’approvisionnement, la presse, ou de la communauté, l’important est que la date limite du concours d’application est le début de l’engagement avec les développeurs, et non pas la fin », écrivait-il récemment.

Dan Melton, responsable de la technologie à Code for America, décrit un problème plus profond : en tant qu’entrepreneurs, les pirates civiques (civic hackers) préconisent un gouvernement ouvert alors que les dirigeants préconisent un meilleur gouvernement. Ce qui n’est pas forcément la même chose. « D’un côté, nous essayons de parvenir à un changement de politique pour un gouvernement plus transparent, efficace et participatif. D’autre part, nous faisons les outils et les logiciels nécessaires pour y arriver. Nous n’avons pas encore trouvé le moyen de fusionner les deux mouvements, signe du succès des stratégies d’organisation. »

Et Melton de dénoncer l’absence de passage à l’échelle ou de réplication généralisée. Les concours se démultiplient et aucune application ne se diffuse d’une manière généralisée. « Les développeurs répondent aux concours lancés par des décideurs politiques par des centaines de soumissions d’applications. C’est bien. Au final, une ou deux applications seront adoptées par l’entité parrainant le concours, parfois aucune. Mais il est encore bien plus rare que nous voyons la réplication généralisée ou la mise à l’échelle de ces efforts dans notre propre organisation. (…) Ce n’est pas un problème d’effort, d’enthousiasme, de temps ou d’énergie, mais un problème de passage à l’échelle », dénonce Dan Melton en s’en prenant au manque d’organisation des hacktivistes. « Nous le faisons une fois, mais nous ne sommes pas très bons à le faire plusieurs fois. Nous manquons d’outils pour élargir l’engagement, la coordination et la réplication ». « Si nous sommes un mouvement de makers qu’attendent nos usines pour nous ressembler ? »

Pourtant, les concours évoluent. Nous sommes passés des concours qui devaient montrer ce qu’il était possible de faire des données à des concours qui se concentrent sur les besoins des citoyens, estime Alex Howard. Le concours pour développer une application pour le métro de Chicago a mis l’accent sur la durabilité du développement contraignant les participants à utiliser un code source ouvert, offrant une assistance technique et cherchant surtout à relier les communautés avec les développeurs logiciels. Pour le développeur Eric Wolf (blog), les concours peuvent avoir une vraie valeur pour tester l’infrastructure d’ouverture des données et mesurer ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas, pour faire du prototypage rapide ou du bêta-test…

Le gagnant du concours BigApps NYCMyCityWay – vient d’être financé à hauteur de 5 millions de dollars, un résultat plutôt rare dans le domaine, mais qui montre ce qui peut arriver lorsque les entrepreneurs civiques décident de résoudre un problème pour les citoyens qui n’a pas été abordé par le marché. L’un des gagnants de la seconde édition du concours Apps for America est GovPulse.us, des développeurs qui ont proposé un meilleur moyen de parcourir les données du Registre Fédéral américain, l’équivalent du Journal officiel français. Leurs auteurs travaillent depuis à la refonte du site officiel en utilisant l’open source et les standards ouverts. Le nouveau registre fédéral a même ouvert une interface de programmation.

Federal Register
Image : le nouveau site du Registre Fédéral américain.

Il est temps pour les gouvernements de se concentrer sur la durabilité des applications développées, conclut Alex Howard. La réutilisation des données publiques n’est donc bien qu’une étape d’un processus qui s’élabore, fait d’innovation, de structuration et de standardisation, non seulement des données, mais plus encore des pratiques, pour transformer la relation entre administration et administrés.

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