Voyage dans l’innovation sociale espagnole (2/3) : stimuler et accompagner l’esprit d’initiative

Le coeur du voyage organisé par la 27e Région en Espagne nous a emmenés à Merida (56 000 habitants, Wikipédia), ancienne colonie romaine située au coeur de l’Estrémadure, l’une des régions les plus rurales d’Espagne (1 million d’habitants dont 35 % de jeunes). L’objet de notre visite était d’aller découvrir l’Iniciativa Joven (l’initiative jeune), une agence régionale dédiée à l’innovation sociale créée par le gouvernement autonome d’Estrémadure et qui depuis 7 ans poursuit un travail de terrain pour soutenir et accompagner l’esprit d’entreprise auprès de la jeunesse d’Estrémadure.

Iniciativa Joven : stimuler l’initiative

A l’origine, explique Annabelle Favreau, chargée des relations internationales d’Iniciativa Joven, la mission du « Cabinet pour l’initiative jeune » était de développer l’esprit d’entreprise et l’esprit d’imagination, comme l’expliquait sa déclaration d’intention fondatrice, le Manifeste de la société de l’imagination. Depuis 2004, l’agence offre donc un soutien technique et un accompagnement à l’innovation, plus particulièrement auprès des jeunes entrepreneurs entre 18 et 35 ans. L’agence dispose d’un budget total de 4 millions d’euros dont la moitié sert au soutien des projets et l’autre à ses missions et à l’emploi de 25 personnes.

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Image : Annabelle Favreau, chargée des relations internationales d’Iniciativa Joven, croquée par Romain Thévenet, designer pour la 27e Région.

Les locaux d’Iniciativa Joven sont le reflet de l’esprit qui souffle sur ce service du Conseil régional : culte de la marque et des couleurs vives, multitudes de petits espaces de créativité, open space… « Nous avons une manière de travailler très horizontale, nous vivons et croyons en nos méthodologies pour les appliquer tous les jours. Nous ne pouvons pas promouvoir un nouveau modèle d’entreprenariat, nous ne pouvons pas demander à d’autres de prendre des risques, sans en prendre nous-mêmes, sans être créatifs. Nous devons donner l’exemple. »

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Image : Les locaux d’Iniciativa Joven, photographiés par la 27e Région.

Ici, on développe et accompagne l’entreprenariat créatif, via de la formation, du réseautage, un accompagnement personnalisé, une aide à la recherche de financement et des actions de promotion autour des projets et de l’esprit d’entreprendre. Les méthodes créatives, le design, sont donc au coeur de l’action de l’agence régionale.

En Espagne, les compétences en matière d’éducation sont toutes déléguées aux Régions. C’est ainsi que l’Estrémadure a inscrit l’enseignement de l’esprit d’entreprise créatif dans les programmes scolaires, de la maternelle à l’université. L’agence a conçu les contenus des programmes scolaires avec des professeurs. Pour les élèves de l’école primaire, le programme Imaginar par emprender (Imaginer pour entreprendre) se résume en un jeu de cartes qui permet en quelques heures de lister les compétences nécessaires à la prise d’initiative. Les élèves du secondaire sont quant à eux invités à imaginer et défendre un projet, via un guide d’exercices remis à chaque enfant. Au lycée, le cours à la forme d’un concours régional Imagina tu empresa (Imagine ton entreprise) auquel participe chaque année un millier de lycéens.

Plus que « l’esprit d’entreprise », il faut bien voir que les objectifs de l’agence auprès des plus jeunes sont plus modestes. Il faudrait plutôt évoquer le développement de l’esprit d’initiative auprès de populations qui n’ont pas l’habitude d’en prendre. Le but n’est pas de transformer tout jeune en entrepreneur, mais bien de leur montrer qu’ils peuvent être maîtres de leurs vies et qu’ils peuvent porter et défendre leurs idées pour en faire un projet, qu’il soit associatif, culturel ou évènementiel…

L’Iniciativa Joven a pour but de faire changer les mentalités par rapport à l’entrepreneuriat dans une région où celui-ci est assez inexistant. Ce qui stimule la participation de plus en plus active de professeurs, c’est qu’ils pensent que cela permet de développer chez certains élèves, d’autres capacités que celles qu’inculque et évalue l’école, notamment auprès d’élèves qui ont parfois du mal avec le cursus scolaire normal. « L’objectif de ce programme est de montrer que les gens peuvent choisir, peuvent décider d’être acteur, de s’organiser. » Le but n’est pas de développer l’esprit de compétition ou l’individualisme, au contraire. Le projet promeut l’esprit d’équipe notamment en demandant aux lycéens de travailler en petits groupes de trois pour proposer un projet. Le travail avec les enfants se concentre aussi sur l’identification de besoins, de manques, pour les amener à réagir à leur environnement.

Redonner l’initiative… aux lycéens

Luis Miguél Alvarez est professeur d’économie au Collège Virgen de Guadalupe à Badajoz (150 000 habitants). C’est un collège privé, qui accueille des enfants de la maternelle jusqu’au lycée professionnel, implanté dans un quartier très populaire. Depuis 6 ans, le collège est partenaire des programmes de l’Iniciativa Joven, auprès des élèves de secondaires et des lycéens. A ce titre, le collège donne des cours optionnels sur l’entrepreneuriat et participe notamment aux concours « Imagine ton entreprise ». Luis est particulièrement fier que plusieurs de ses élèves aient reçu plusieurs fois le premier prix à ce concours. Il y a 3 ans, un de ses élèves a ainsi imaginé un service de transport pour les jeunes baptisé Pilicall, qui se propose de venir chercher les gens qui ont trop bu après une soirée. Pour bénéficier du service, les gens doivent laisser une caution de 30 euros qu’ils peuvent récupérer en participant au service, ou perdre au bénéfice de l’association. L’élève qui a lancé cette idée était l’un des pires étudiants du collège, raconte Luis Miguél Alvarez, mais il s’est avéré le plus entrepreneur de tous. Pour Luis, la démonstration est claire : cette formation concrète permet de stimuler et développer des compétences que l’école ne sait pas mettre en valeur. L’entreprenariat doit être un élément fondamental de la formation des jeunes. Ici, non seulement la région et le quartier sont défavorisés, mais nul n’inculque aux élèves l’esprit d’initiative.

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Image : Luis Miguél Alvarez, professeur d’économie au Collège Virgen de Guadalupe à Badajoz, nous explique les projets de ces étudiants, via la 27e Région.

Ici, chaque année, les élèves de 3e présentent 20 à 30 projets au concours. Un autre élève, qui n’était pas non plus très brillant, a émis l’idée de développer des signaux routiers configurables. Il a reçu un prix au concours Imagine ton entreprise pour développer son projet, se former. Beaucoup de projets ont un ancrage social dans les réalités quotidiennes des élèves, souligne le professeur. Trois filles ont créée une association pour l’accueil de jeunes trisomiques hébergés en foyers dans les familles du quartier, pour les sortir le week-end des centres où ils passent l’essentiel de leur vie et leur faire découvrir d’autres façons de vivre en société, tant pour les jeunes trisomiques que pour les familles d’accueil.

Toute l’année, les élèves planchent sur leurs projets. Ils doivent formuler leurs idées, en comprendre et en faire comprendre les bénéfices. Ils travaillent avec leurs professeurs, mais aussi avec des gens de l’Iniciativa Joven et des professionnels qui viennent des agences municipales ou de la vie civile. « Trouver un modèle de financement pour leur idée est un très bon moyen de leur faire comprendre l’économie concrètement », estime le professeur d’économie. Le fonctionnement en projet permet de dynamiser les groupes. Le but n’est pas qu’ils créent concrètement une entreprise, même si certains vont jusque-là, mais surtout qu’ils comprennent qu’ils ont tous un potentiel dont ils doivent prendre conscience. C’est un travail sur l’estime de soi avant toute chose, et dans le milieu où ils vivent (ici, 50 % des élèves ne terminent pas l’enseignement secondaire), ce n’est finalement pas anecdotique.

… aux étudiants…

Sur les campus de Caceres et Badajos, l’iniciativa Joven a ouvert deux espaces depuis 2005 dédié à la promotion de l’entrepreneuriat. EmprendeLab est un programme proposé en complément du cursus universitaire à tout étudiant en faisant la demande. Il s’agit à la fois d’un espace et d’une formation pratique pour les accompagner à faire de leur idée une entreprise.

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Image : L’EmprendreLab de l’université de Badajos, juste derrière la Cafeteria un peu délabrée, est brandée aux couleurs vives et oranges de l’Iniciativa Joven, par la 27e Région.

Dans cette région essentiellement agricole où 75 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté européen, les jeunes d’Estrémadure sont peu ouverts à la culture économique. Le lieu dispense des formations très courtes (appelées « pilules formatives » pour « guérir là où on a mal ») de marketing ou d’expression. A Caceres, 25 étudiants sur 25 000 élèves sont venus suivre un module cette année. Un résultat qui demeure un peu décevant. Il y a 3000 étudiants en économie dans cette université, se désole une prof de marketing, mais il y a une barrière d’usage à venir franchir la porte de cet espace pourtant placé juste à côté de la cafeteria. « On voudrait impliquer plus de monde bien sûr, mais il est difficile de faire changer les comportements ». L’université dispose aussi de services d’aides à la création d’entreprise plus traditionnelle, mais visiblement, les services ne travaillent pas ensemble. « On apprend aux étudiants à être professeurs, ingénieurs, médecins, mais pas à entreprendre », explique l’un des animateurs du lieu…

La formation dispensée ici est devenue une formation validée universitairement et l’équipe souhaiterait ouvrir un master pour l’année prochaine.

… aux jeunes !

L’institut de la jeunesse de l’Estrémadure a construit 4 « usines à jeunes » (littéralement « factorias joven ») en Estrémadure et une trentaine d’espaces de création jeune (dont une mobile), versions rénovées des MJC d’antan. Ces espaces, comme celui, modèle de Merida (vidéo) ont associés les jeunes à leur conception.

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Image : La Factoria Joven de Merida, photographiée par la 27e Région.

Les jeunes du quartier populaire où est implantée « l’usine à jeune » de Merida ont ainsi été nombreux à demander un espace pour faire du skate et le lieu, au final, consacre l’essentiel de son espace aux sports de glisse urbaine. Ces espaces scénarisés, avec des modules ouverts, multiples et configurables permettent de s’adapter aux activités des jeunes d’aujourd’hui, explique Montse Tudela, responsable des espaces pour la création jeune. Dans ces espaces, les jeunes peuvent venir faire les activités qui les concernent : de la danse, du skate, de la scène, du multimédia, des graffitis sur des murs dédiés et régulièrement repeins… L’idée était d’introduire un espace différent entre l’école et le centre social, où les jeunes sont invités à faire le programme plutôt qu’à le subir. « Ici, tout repose sur une autre approche des jeunes. Les animateurs ne proposent rien. On demande aux jeunes de proposer. On leur demande, tu veux faire quoi ? De quoi as-tu besoin ? Quoi qu’il en soit, le contraire ne marche plus. Tout ce qu’on imagine faire sans eux, sans les impliquer est le plus souvent un échec. »

Reste une drôle d’impression à visiter le lieu. Toute autre forme de culture autre que populaire semble l’avoir déserté.

Accompagner les projets

L’autre fonction de l’Iniciativa Joven est bien sûr d’accompagner les entrepreneurs, nous explique Carolina Apolo, chargée de mission orientation à l’agence. « Les entrepreneurs sont des gens qui ont déjà des idées et qui souvent savent clairement ce qu’ils vont faire, mais ils ont souvent besoin de réponses immédiates à des doutes ou des questions. A Iniciativa Joven, on s’intéresse à la personne avant le projet ». Le premier contact avec un entrepreneur passe par un psychologue, comme c’est le cas de Carolina. En tant que coach, elle les aide à concrétiser leurs objectifs.

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Image : branding Iniciativa Joven.

Chaque année, Iniciativa Joven rencontre 300 entrepreneurs. Il en forme tout autant, via 28 formations spécifiques, souvent extrêmement courtes (quelques heures) qui concernent la mise en relation, la communication sur son projet, le peaufinage du business plan et bien sûr la recherche de financements. L’agence dispose d’ailleurs d’une enveloppe pour soutenir les projets en amont de leur création (à hauteur de deux millions d’euros par an, elle soutient environ 200 projets sur les 1000 qu’elle a évalués). « 30 % de ceux qui ont bénéficié de ces aides ont reconnu qu’ils n’auraient pas monté leur entreprise sans l’accompagnement que nous leur avons apporté », explique Inma Falero, responsable du service projet à l’Iniciativa Jovent. Petit à petit, le service s’est imposé : l’agence reçoit désormais 830 sollicitations d’accompagnement contre 188, cinq ans plus tôt.

L’Estrémadure n’a pas une grande histoire entrepreneuriale, explique Rebeca Jean Jiménez, chargée de projets. D’où l’importance de mettre en valeur et rendre publics les projets et les profils des entrepreneurs. L’agence s’est organisée et à construit ses outils d’une manière souple, créative et agile. Les entretiens d’orientation permettent de reformuler le projet et d’apporter des réponses personnalisées selon son état. Les CoffeeBreak ou les Pasta sont des évènements organisés par l’Iniciativa Joven pour mettre en réseaux les entrepreneurs, leur permettre d’échanger entre eux, de se soutenir les uns les autres, et également de trouver des financements. Les kits de formations, le tutorat personnalisé et le travail sur la communication des projets les aident à reformuler et baliser leur projet.

Iniciativa Joven se présente pour la 27e Région
La présentation d’Iniciativa Joven par elle-même

L’une des manières de mettre en valeur l’entrepreneuriat a consisté à éditer de courtes histoires où les entrepreneurs étaient conviés à mettre en avant leur expérience. Ces histoires rédigées à la première personne ont pour but de créer des modèles de référence, de donner des visages aux projets, de donner de la personnalité aux services que tout un chacun peut-être amené à utiliser. Une douzaine de « contes » ont été rédigés et 10 000 exemplaires de chaque ont été distribués gratuitement. Ici, explique Fernando Sanchez, responsable de ce projet à Inciativa Joven, le but était de transformer le langage de l’entreprise pour le rendre plus humain. « L’entrepreneur en Estrémadure est perçu comme une entité étrange, artificielle. Nous voulions faire passer le message que c’est seulement une personne normale, qui canalise sont énergie vers un projet. »

Gabriel Cabrera et Carmen Moreno, nos traducteurs, ont ainsi eut leur portrait de réalisé (.pdf) via ce programme, un portrait dont ils se servent comme Goodies pour présenter ce qu’ils font et se présenter et qu’ils offrent en cadeau avec toute facture. Gabriel avec sa société de traduction, Atriex, a été l’un des premiers porteurs de projets à être soutenu, il y a 7 ans, par l’agence régionale de l’innovation d’Estrémadure. L’apport du cabinet est encore assez présent, explique-t-il. Le cabinet l’a aidé à formuler, présenter et préciser son projet.

Quels projets ?

Il était important bien sûr d’essayer de percevoir la diversité des projets que l’Iniciativa Joven avait soutenus en 7 années d’existence. Et ceux-ci sont vraiment très différents les uns des autres. Le centre d’innovation sportif en milieu naturel, Elanillo est un projet institutionnel soutenu par le département de la jeunesse et des sports, qui a utilisé des fonds Feder pour développer un superbe bâtiment en forme de cercle construit sur une île isolée du Sud de l’Estrémadure dédié au soutien et au développement des entreprises du sport.

A l’inverse, DandoCalor, porté par le psychologue José Antonio Rosa, est un réseau de jeunes volontaires pour accompagner des familles dont l’un des enfants est traité en oncologie à l’hôpital infantile de Badajoz. Cette association a pour but d’apporter une respiration familiale aux familles confrontées au cancer, en invitant des jeunes étudiants à venir faire du babysitting ou du soutien scolaire sur leur temps libre pour aider les autres.

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Image : Carla Boserman.

Carla Boserman a développé deux projets avec l’Iniciativa Joven qui lui a apporté le financement nécessaire pour peaufiner son projet et lancer une expérience pilote. En 2009, la jeune femme a reçu une bourse de création pour le projet Siberia (du nom d’une région peu connue et très isolée d’Estrémadure) qui a consisté à inviter les habitants à mettre en valeur le patrimoine local en les invitant à participer à des ateliers de création de cartes postales, de guides de voyages et de livres de coloriage sur leur région. Son second projet, Robocicla.net est un projet d’ateliers créatifs pour les plus jeunes afin de leur faire toucher l’électronique, de les familiariser avec la culture libre, le recyclage pour les aider à concevoir des robots. L’iniciativa Joven a permis de trouver le financement pour développer l’expérience pilote, a apporté un soutien technique permanent, a aidé à améliorer la présentation du projet et a même permis de trouver un espace pour faire des réunions, explique la jeune femme.

Gloria Ramirez, a lancé une petite entreprise de carrosserie spécialisée dans l’adaptation de véhicules techniques. Elle est entrée en 2006 à l’Iniciativa Joven en a suivi les formations ce qui lui a permis de trouver des financements, de rédiger son business plan. Elle a monté son entreprise en 2007 et, selon les périodes, emploie entre 2 et 4 personnes. Elle est allée à plusieurs rencontres avec des financeurs organisées par l’agence d’innovation, les Pasta, qui lui ont permis de trouver des compléments financiers. L’agence l’a aidé à faire de la publicité pour son activité, à construire sa stratégie. Elle l’a guidé dans le labyrinthe des institutions et des aides. « Je suis là dès qu’ils font quelque chose avec les entrepreneurs, à la fois pour partager mon expérience et pour aider les autres. Ce travail de mise en relation est indispensable pour combler l’absence d’un tissu d’entreprise en Estrémadure. »

Pedro Delgado est le seul des jeunes entrepreneurs qui nous sont présentés qui ressemble à un entrepreneur. Plutôt fort, il débarque nous voir de son gros 4×4 avec un costume impeccable. Depuis 7 ans, il a lancé Aquaphytex, une entreprise d’épuration soutenable qui utilise les particularités de certains végétaux pour construire des stations d’épuration naturelle. Pedro Delgado, y va franco : « En Estrémadure, on ne pouvait travailler que si on avait de l’argent. Moi, je n’en avais pas, mais j’avais des idées. J’ai reçu des prix pour Aquaphytex. La Région m’a fait crédit et m’a permis de développer mon entreprise. Le Gabinete m’a permis d’affiner mon discours. J’étais menuisier et je viens d’un village de 1300 habitants, et aujourd’hui, grâce au Cabinete, je parle de l’innovation dans le monde entier. » Aujourd’hui, Aquaphytex est implanté au Mali, au Gabon, au Kenya, au Burkina, en Bolivie… Il y développe des stations d’épurations de l’eau, sans chimie. Chaque station apporte de l’eau potable à 8000 personnes permettant de réduire la malaria, le choléra et la mortalité infantile. Sur chaque site, une coopérative est créée pour vendre l’eau, afin que le système profite à tous et génère son modèle économique.

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Image : Pedro Delgado d’Aquaphytex.

Rares sont les porteurs de projets qui soient aussi louangeurs sur les systèmes d’aides publics. Pedro Delgado souligne l’action du Gabinete. « Avant, tout marchait au piston. Personne ne misait sur les jeunes qui n’avaient pas d’argent. Aujourd’hui, tout le monde en Estrémadure parle d’innovation et d’entrepreneuriat, même chez les politiques. J’ai eu beaucoup de chance de participer de ce processus, alors qu’il est aujourd’hui sur la sellette. »

Effectivement, le changement de majorité aux dernières élections régionales, a ramené la droite après 28 ans de politique socialiste. L’agence d’innovation, qui portait pourtant un discours sur l’entrepreneuriat qui n’est pas forcément très prisé à gauche, risque de fermer dans les prochains mois.

Iniciativa Joven : un modèle pour une ingénierie créative ?

« Nous avons trop tendance à penser l’ingénierie territoriale, comme une question de gestionnaire. Or, créer une agence tournée vers la créativité, c’est un saut culturel qu’il nous faut faire en France. L’ingénierie publique ne doit pas être seulement gestionnaire et administrative : elle doit être également créative », estime Florent Duval, chargé de mission politiques territoriales pour le Conseil général de Bourgogne. « Or en France, on a encore tendance à se demander si on doit faire de l’ingénierie ».

L’intérêt de l’approche d’Iniciativa Joven est de proposer de nouvelles formes d’accompagnements. Or souvent, « dans les structures d’aides on n’aide pas ! » « Ici, il y a une attitude proche de la maïeutique. On voit que les projets ont besoin d’empathie, de maquettage, d’arrosage pour donner confiance à leur porteur même », souligne Stéphane Vincent, directeur de la 27e Région. « Le Business Plan ne suffit pas ».

« Je me sens satisfaite si la personne qui passe un entretien avec nous sort avec des idées plus claires », explique encore Carolina Apolo. « Notre but est d’aider l’entrepreneur à avancer, à faire un pas de plus, même si désormais nous programmons notre tutorat avec des délais et des objectifs pour mieux délimiter le chemin que nous ferons avec chaque porteur de projet. »

Parmis les nombreux dispositifs mis en place par l’agence, le Coffee Break, lancé en 2006, est un évènement pour faciliter la rencontre et le réseautage entre porteurs de projets. Le but de cette « pause café » était de développer des contacts informels et générer des opportunités, entre les entrepreneurs eux-mêmes, car, comme le signal le dossier de presse de l’initiative : « partager les projets et la meilleure façon de les réussir ».

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Image : Dans la banlieue industrielle de Merida, l’atelier de l’Iniciativa Joven, photographié par la 27eRégion.

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Image : Le laboratoire mobile de l’imagination de l’Iniciativa Joven, photographié par la 27e Région.

Une illustration de cette ingénierie nous a été donnée par la visite de l’atelier. A iniciativa Joven, il y a un logisticien qui s’implique très en amont dans les projets et 2 techniciens en charge de l’ingénierie. C’est dans cet atelier que sont conçus et construit les supports physiques des actions. C’est là que l’ameublement des Coffee Break ou des Pasta a été pensé, avec leurs mobiliers adaptés, leurs couleurs choisies pour transmettre les sensations voulues. « Quand on met en place une agence, on met des bureaux, des chaises, des ordinateurs. Or cet endroit est la partie physique de notre philosophie qui est transmise à chacun de nos évènements », explique encore Annabelle Favreau. Alors que le plus souvent l’ingénierie est sous-traitée, ici, elle est intégrée, pour mieux projeter les idées sur les objets. Le matériel sort plusieurs fois par semaine et est fréquemment réutilisé d’opération en opération.

L’Atelier de l’Iniciativa Joven est assurément un bel exemple pour montrer qu’on peut penser l’administration et le soutien aux initiatives publiques autrement.

Hubert Guillaud

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