Usages, mésusages

C’est en lisant Paul Ariès (Wikipédia), rédacteur en chef du Sarkophage – notamment La simplicité volontaire contre le mythe de l’abondance -, que j’ai mieux compris les limites qui me chiffonnaient dans la consommation collaborative. Celle-ci nous est souvent présentée sous les atours du partage et du don, alors qu’elle n’en est pas toujours. Le covoiturage et l’autopartage ne sont pas inspirés par une vision altruiste, comme on l’entend trop souvent. Le premier moteur du covoiturage et de l’autopartage n’est pas le partage, mais l’économie. Ce n’est pas sauver la planète qui motive les covoitureurs et les autopartageurs, mais amoindrir l’impact de la crise sur leurs finances personnelles, comme le soulignait déjà l’étude 2010 de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France (.pdf). Les utilisateurs de ces services sont d’abord à la recherche de revenus complémentaires.

La consommation collaborative… c’est encore de la consommation

Le moteur principal de leur motivation ne me semble pas être celui-là décroissance ou du développement durable, comme semblent nous le répéter les argumentaires de tous ces services, mais bien celui de l’hyperconsommation, comme le soulignait le philosophe Gilles Lipovetsky (Wikipédia) dans son essai éponyme. Or, la consommation n’est pas une réponse à la crise planétaire, mais bien une nouvelle étape de la marchandisation des rapports humains – et notamment de rapports humains qui ne l’étaient pas nécessairement avant.

Quand on propose de vendre une part de repas supplémentaire (comme sur Super-marmite ou Gobble son équivalent américain), on vend la part du pauvre de l’ancien temps, celle qui a disparu avec l’urbanisation de nos sociétés, celle qui s’est déportée dans les associations caritatives. Celle qui, il y a longtemps, était réservée à l’inconnu de passage et que nos sociétés urbanisées ont renvoyée à la rue. Les autostoppeurs deviennent des covoitureurs qui vont devoir payer leur écot pour voyager, là où ils voyageaient auparavant gratuitement en tendant le pouce aux autres. L’accueil chez soi se marchande : du prêt de canapé de Couchsurfing il n’y a qu’un pas pour glisser à la monétisation de la chambre d’ami d’AirBNB.

Cela signifie que dans le très vaste recueil des sites de consommation collaborative il faut certainement, à minima, distinguer les services de consommation collaborative gratuits des payants. Il faut distinguer ce qui relève du don et ce qui relève d’une nouvelle forme de marchandisation de la société, s’insérant toujours un peu plus profondément au coeur des rapports humains.

el consumo te consume
Image : « la consommation te consume », une image du collectif décroissant Deshazkundea.

Le principe de partage des services du web 2.0 a bien plusieurs acceptions. Et la première à distinguer repose bien sur la manière dont elle est marchandée. Offrir sa place de parking ou son garage n’est pas la même chose que le louer. Il faut donc bien distinguer la nature des services et les modèles de société qu’ils portent. Il faut donc bien observer qui porte le service et quel modèle économique le soutien, comme l’expliquait Adil Abrar. Le risque est bien celui d’un « blanchiment social », d’un social washing, tendant à faire passer pour social des choses qui ne le sont pas du tout. « Car vendre un service (l’usage d’un bien) plutôt qu’un objet (la possession d’un bien), c’est plus encore que dans l’économie marchande faire commerce de la mise en relation entre fournisseurs et consommateurs », soulignait avec raison Vincent Truffy de Mediapart.

La consommation collaborative paraît altruiste. Elle est capable de produire des effets vertueux (moins de produits, plus de partage), mais pas uniquement. Plus qu’une cartographie des services, il faudrait dresser une taxonomie de leurs conséquences. Il y a une différence fondamentale entre le fait qu’un particulier loue sa voiture et le fait que la puissance publique ou qu’un acteur privé propose un service de location de voiture. Et cette conséquence, c’est la transformation des rapports sociaux que la différence induit. Il faut donc distinguer la consommation collaborative des services de partage. En voyant bien que l’un comme l’autre peuvent être ambigües. Le partage de fichiers en P2P profite depuis longtemps à des entrepreneurs qui n’ont parfois rien d’altruistes non plus et qui génèrent d’énormes revenus sur la publicité qu’ils introduisent dans les rapports de dons entre internautes (voir par exemple les revenus générés par les créateurs d’Emule-Paradise rapportés par leMonde.fr). Les actions de groupes (consistant à se rassembler pour consommer moins cher) peuvent également générer leurs aberrations, à l’image de Groupon.

Le passage du bon service ou du bon usage au mauvais service et au mésusage est délicat. Il s’apprécie chaque fois différemment. Il se mesure à l’aune de valeurs personnelles, culturelles, économiques et sociales qui sont chaque fois différentes. Jusqu’à quand une utilisation est-elle vertueuse et à partir de quand ne l’est-elle plus ?

De l’usage au mésusage

Les décroissants stigmatisent ainsi le mésusage : « On oppose ainsi faussement la frugalité à la surconsommation, alors qu’il ne s’agit pas de consommer moins, mais de (re)devenir des usagers, maîtres de leurs usages », explique Paul Ariès. En conclusion de son livre, celui-ci nous invite à réfléchir à la « gratuité de l’usage » et au « renchérissement du mésusage ».

« Pourquoi payer au même tarif le mètre cube d’eau pour faire son ménage et remplir sa piscine privée ? Pourquoi payer les mêmes impôts fonciers pour une résidence principale et secondaire ? Pourquoi payer son essence, son électricité, son gaz le même prix pour un usage normal et un mésusage ? L’eau va-t-elle manquer ? C’est une raison de plus pour en rendre gratuit le bon usage et renchérir ou interdire le mésusage. Ce paradigme s’oppose à celui de la société dominante : que signifierait en effet l’adoption programmée d’une taxe sur le carbone si ce n’est le fait de vider les rues des voitures des plus pauvres pour que les riches puissent rouler plus vite ? (…) Le danger serait bien sûr que cette politique renforce les inégalités en permettant l’accès aux mésusages à une petite minorité fortunée. Le pire serait de cantonner le peuple au nécessaire (au sérieux) et de libérer, moyennant finances, le futile, le frivole, aux classes aisées. »

Mais tout le problème est de le définir, de l’encadrer, de le « mesurer ». Qu’est-ce que le mésusage de l’eau ? C’est remplir sa piscine personnelle ? C’est prendre une douche par jour ? Deux par semaine ? Laisser couler le robinet quand on se lave les dents ou qu’on rince les légumes ? Combien de litres d’eau par jour et par personne nous donne droit « le bon usage » ? Le bon usage de qui ? Celui qui vit dans quel pays ? Avec quel statut social ?

Les outils techniques permettent d’avoir des mesures de plus en plus fines de nos usages. Nous pouvons savoir précisément le niveau d’eau que nous consommons. Nos compteurs électriques savent précisément quels appareils fonctionnent chez nous… Notre société est capable de mesurer le bon usage et le mésusage, pour autant qu’on sache établir une valeur, une limite entre les deux. Le risque comme le pointe très bien Paul Ariès est que ce marché se régule seul, en rendant certaines consommations de plus en plus impossibles aux plus pauvres.

Se déplacer par exemple, pour les plus pauvres, est en train de devenir impossible hors des grands centres urbains dotés d’infrastructures de transports en commun, dont ils sont sans cesse repoussés dans les périphéries, alors que les transports en commun y sont moins nombreux. Pour qu’elles s’appliquent à tous, égalitairement, il faut en effet définir des niveaux d’usages et taxer les mésusages. Les restrictions de consommation, à l’exemple des péages urbains comme des parkings payants et des parkmètres, censés réguler la circulation automobile des centres villes européens, sont sans incidences sur ceux qui peuvent se les payer.

Dans une économie de pénurie telle qu’elle se profile, en quoi la technologie pourrait-elle (ou non) nous aider à répartir plus justement les ressources rares, autrement qu’en jouant uniquement sur leurs prix. Car cette solution est peu « courte ». Cela ne dessine pas la manière dont on remet de l’égalité, afin que les mésusages ne soient pas seulement l’apanage des plus riches. Comme le disait Thomas Berns, le propre d’une politique publique est de considérer justement qu’il ne faut pas agir en fonction d’une série de corrélation, mais plutôt en réaction. Est-ce que demain, nous aurons tous droits à tant de kilomètres par an en voiture et avion, d’une manière égale ? Où est-ce que certains usagers (lesquels ?) auront droit à plus (ceux qui habitent à la campagne plutôt qu’à la ville par exemple) ? Est-ce que la régulation des voyages se fera uniquement par le marché : le plus riche pourra toujours continuer d’en profiter, ou allons nous introduire d’autres mesures (et sur quels critères ?), pour distinguer ceux qui aurons le droit de voyager plus que d’autres et qu’on aidera à cela parce que leur voyage sera important pour le reste de la société ?

Cela suppose certainement de se pencher plus avant sur la question des biens communs et de leurs opérateurs, comme nous y invite d’ailleurs les décroissants. Mais cela suppose aussi de définir l’usage et le mésusage. Dans l’usage de l’eau par exemple, qu’est-ce qu’on va privilégier demain ? L’agriculteur qui utilise un goutte-à-goutte nocturne aura-t-il droit à plus d’eau (comparativement, parce que son système d’irrigation lui en demandera beaucoup moins) que celui qui l’épanche sur son maïs en pleine journée en plein été ? On a beau tourner la question dans tous les sens, si on regarde l’évolution du pic pétrolier, la raréfaction des ressources et la difficulté à passer à une autre ressource à un niveau équivalent, il y a bien un moment où nous ne pourrons plus nous déplacer comme nous le faisons actuellement. Nous ne pourrons plus faire 10 000 km par personne et par an. Beaucoup n’en auront pas les moyens. Comment gérer la pénurie qui s’annonce, comme la dépeint avec un certain catastrophisme Dominique Bourg dans Vers une démocratie écologique ? Comment instaurer des tarifications progressives basées sur l’usage ? Comment gérer les usages ? Le problème ne va pas être seulement de les transformer, mais bien également de les gérer d’une manière la plus convenable qui soit, et espérons-le, la plus démocratique possible…

La technologie nous offre désormais les moyens de tout mesurer et notamment nos usages, d’une manière précise, à la fois individuelle comme collective.

La société nécessairement « légère » (légère en ressources naturelles, légère en pollution…) qu’il va nous falloir inventer n’est pas si légère à mettre en place. Elle pose des questions sur les pratiques, les règles, les usages auxquels nous devons esquisser des réponses, qui elles ne seront en rien « légères ».

Cela signifie qu’il va nous falloir nous entendre sur ce que sont les mésusages et imaginer une réponse collective pour les gérer qui ne facilite pas seulement une sélection par l’argent.

Hubert Guillaud

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0 commentaires

  1. La première partie s’appuie sur une grille de lecture dichotomique altruiste/économe qui est bien trop réductrice.. Non, le million d’utilisateurs de covoiturage.fr n’est pas un million d’auto-stoppeurs potentiels – l’auto-stop est aujourd’hui considéré comme bien trop aléatoire par la plupart des gens. De même, la communauté de Couchsurfing est une communauté très fière de faire ce qu’elle fait, très engagée, et il est peu probable que beaucoup abandonnent entièrement le service pour aller monétiser chez AirBnB. Vous omettez un facteur confiance qui est clé dans cette économie, et qui même s’il n’est pas comparable à la part du pauvre d’il y a quelques siècles, est très certainement comparable à l’économie des 50 dernières années.
    La deuxième partie lève des problèmes effectivement bien plus délicats.. Il faut trouver des solutions ni trop inégalitaires, ni trop interventionnistes. Avec un peu de chance, des pistes de refléxion se cachent peut-être dans la première partie.. Le covoiturage n’est-il pas finalement à la fois écologique, égalitaire et économique ? La consommation collaboratrice, même si ses raisons sont parfois égoïstes, est volontariste et souvent engagée: deux leviers qui peuvent faire évoluer les usages bien mieux que toute politique de sanction.

  2. Merci pour cette analyse. Ca remet bien en évidence, au bout du compte, que tout est lié à notre capacité personnelle à s’engager dans un nouveau mode de consommation lié forcément à une quête personnelle de sens et d’un « bonheur » qu’on se représente chacun. J’ajouterais donc à ton propos toute la dimension représentative qu’il y a dans la (sur)consommation : icones, publicité, rêves… La société plus légère dont tu parles devra aussi porter des valeurs positives et d’idéal pour fonctionner, basée sur un modèle économique viable et incitatif. C’est à mon avis le principale challenge des futurs publicitaires !

  3. La consommation collaborative est un concept plein de paradoxes qui mêle modernité et tradition.
    En marchandisant la relation, il nous rend tous vendeurs/entrepreneurs mais en même temps nous accorde une autonomie vis-à-vis de l’industrie et de ses incitations.
    En se basant sur Internet il peut se substituer à des relations humaines de proximité mais rapproche des personnes qui se seraient ignorées dans la vie de tous les jours.
    En encourageant la consommation il nous pousse au « toujours plus » mais dans le même temps change notre relation à cette consommation, avec une approche plus « humaine » que celle des supermarchés, concessionnaires automobiles ou bornes interactives dépersonnalisées.

    Je pense que la consommation collaborative telle qu’elle émerge aujourd’hui pousse dans les failles de la société de consommation individualiste qu’un Gilles Lipovetszky a très bien analysée, comme l’herbe reprend parfois racine sous l’asphalte des routes.
    Ce n’est pas – encore – un écosystème luxuriant qui bousculerait brutalement la société industrielle, mais je pense que cela peut ressembler aux prémices d’une remise en question de nos manières de vivre.

  4. le covoiturage et consorts sont des pistes intéressantes pour éliminer le gaspillage.

  5. Quid de la valeur de ce que nous faisons de nos vie?
    L’argent est une monnaie d’échange, comme le SEL ou autres technique : ce que je sais faire a de la valeur et je souhaite pouvoir échanger cette valeur contre d’autres choses/services que je ne sais pas faire.

    Pourquoi mon travail devrait-il profiter uniquement aux autres?
    Je travaille d’abord pour moi (mais aujourd’hui 3/4 des sommes gagnées partent directement en charges au profit de la société) mais si je devais travailler uniquement pour les autres et si ces autres devaient de plus décider de ce qui est bon ou pas bon pour moi alors je ne travaillerai plus, attendant à mon tour de la société qu’elle s’occupe de moi et la société serait appauvrie.

    A vouloir toujours proposer des contraintes supplémentaires, on tue l’initiative, la possibilité de faire mieux et pour moins cher.

    Il y aura toujours des personnes qui ne peuvent pas, ou ne veulent pas faire quelque chose d’utiles aux autres de leurs vies : la société doit effectivement les aider à vivre, aussi « bien » que notre société peut leur offrir avec l’argent des autres sans tuer ceux qui « font ».

    Votre analyse donne, à tord, le sentiment que tout se vaut et que chaque inidvidu doit, quoi qu’il fasse, bénéficier des mêmes ressources finales. C’est une utopie terriblement dangereuse car elle fait des humains des gens sans valeur.

    Le covoiturage payant, le couchsurfing, etc. sont des moyens de recevoir à moindre coût pour tout le monde (par rapport au train, à l’avion, à avoir sa propre voiture, maison secondaire) : gagnant-gagnant et de faire de belles rencontres avec des échanges. Ce ne sont pas des moyens d’aliénation de ceux qui ont envers ceux qui n’ont pas.

    Je n’ai pas de maison secondaire, je ne roule pas sur l’or, ce que j’ai est le fruit de mon travail et je suis fier de l’avoir fait et que les gens pour qui je l’ai fait en soient heureux également. J’essaie d’être responsable dans ma consommation mais j’utilise des outils modernes et suis exigeant sur la qualité de mes outils comme je le suis sur la qualité de mon travail.

    Avancer intelligemment, c’est aider les autres à utiliser les ressources intelligemment, de manière respectueuse des autres et de la nature, mais ce n’est pas décider à leur place du bien et du mal : ça c’est de la religion.

  6. Lidéal dans tous ces méandres de consommations, n’est t’il pas de tendre non pas vers la raison de l’autre ou sa raison propre ; mais vers la raison du juste.

  7. @Nothan. Le facteur de confiance est absolument indépendant des services, puisque chacun développe son propre facteur. Mais est-ce la même chose qu’une petite mémé commande ses plats via SuperMarmite chez ses voisins (introduisant ainsi un rapport monétaire entre elle et eux), qu’une voisine s’occupe d’elle (en grande partie bénévolement) ou qu’elle reçoive ses repas du service municipal dédié ? Je pense que chacun de ces choix (tous collaboratifs et reposant tous sur des formes de confiance différentes) transforment les conditions du social : profondément. Et c’est à cela, je pense, qu’il faut réfléchir. C’est un peu comme mettre en place une monnaie de services avec ses enfants : en leur donnant de l’argent quand ils participent aux tâches familiales. Est-ce une bonne solution à terme ? Est-ce une bonne manière de comprendre l’importance des tâches communes ? Je ne le pense pas.

    Oui, la consommation collaborative peut avoir des vertus, mais elle peut aussi avoir des effets néfastes. Et c’est ceux-ci que je souhaitais souligner.

    Je suis d’accord sur la conclusion que vous émettez, la sanction n’est pas une solution. Il faut trouver des arguments positifs : c’est eux qui serviront de leviers, pas la contrainte, on le sait. Mais l’extension de la monétisation favorise les arguments négatifs : si vous n’avez pas suffisamment d’argent vous n’accéderez plus. Et cela, n’est pas une solution équitable.

    @Damien : « En marchandisant la relation, il nous rend tous vendeurs/entrepreneurs mais en même temps nous accorde une autonomie vis-à-vis de l’industrie et de ses incitations. » Je ne suis pas sûr que nous gagnions en autonomie en devenant tous vendeurs… Les anthropologues et les neuroscientifiques (contrairement aux économistes) montrent bien que le rapport marchand n’est le plus souvent pas premiers dans nos échanges, bien au contraire.

    @Davyka : oui, la consommation collaborative est intéressante pour éliminer le gaspillage, mais pas toujours. Sous certaines formes, elle l’accroît.

    @John Galt : « Votre analyse donne, à tord, le sentiment que tout se vaut et que chaque individu doit, quoi qu’il fasse, bénéficie des mêmes ressources finales. C’est une utopie terriblement dangereuse car elle fait des humains des gens sans valeur. »

    Je n’avais pas du tout l’impression de dire cela. Je dis au contraire que toutes les formes de consommation ne s’équivalent pas et que justement, parce que chacun n’a pas les mêmes ressources, on ne peut pas imaginer une société où les limites ne seraient que financières, comme on l’imagine trop souvent et trop facilement. Mon propos est de poser la question comment la société, face à la pénurie qui s’annonce, doit-elle reposer la question des limites autrement que par le seul argent ? Imaginons que demain les voyages en avion deviennent inabordables… Est-ce à dire que seuls les plus riches d’entre nous pourrons encore voyager ?

  8. Cet article relance l’idée que j’ai depuis longtemps mais que je n’ai pas encore mise en application (procrastination qu’ils disaient) d’établir un graphique ou une belle infoviz/dataviz/vizThink/etc… des services dits de consommation collaborative sur des axes :
    – gratuité / profit
    – rencontre et partage / transaction impersonnelle
    – court-termisme / engagement dans la durée
    – etc..

    Etablir une typologie dans l’auberge espagnole (tarifée ou non) qu’est la consommation collaborative.

  9. @Reg, @Hubert, très intéressée par cette typologie aussi.
    « La consommation collaborative paraît altruiste. Elle est capable de produire des effets vertueux (moins de produits, plus de partage), mais pas uniquement » : aux conséquences que vous listez (article + commentaires), j’ajouterais les effets sociaux liés au changement de statut du travail dans un contexte de conso collaborative poussé à l’extrême. Est-il souhaitable que les revenus d’appoint générés par AirBnB & autres TaskRabbit deviennent pour certains un revenu principal ? Cette évolution possible, en dehors de toute protection sociale et légale, me paraît assez risquée.
    Les systèmes de conso collaborative comportent eux aussi des barrières à l’entrée et peuvent se reproduire à l’intérieur tous les rapports de force que l’on observe dans les activités économiques « classiques ».

  10. Tiens, voici un exemple intéressant : celui de la mise en place de nouveaux compteurs électriques avalisée par le Journal Officiel du 10 janvier. Des compteurs, qui, comme le dénonce l’UFC Que Choisir ne permettront pas finalement aux usagers de consulter en temps réel sur l’internet leurs consommations électriques (sauf à payer une option pour cela) : les usagers ne seront donc pas invités à comprendre leurs usages et mésusages.

    Ces nouveaux compteurs vont permettre de démultiplier les classes tarifaires, ce qui pourrait être assez intéressant pour inciter les consommateurs à moins consommer lors de certains pics de consommation. Mais le problème c’est l’information – d’autant que nous n’aurons pas accès sans payer à cette information – et surtout la difficulté à comparer que cela développe. En effet, la démultiplication des tarifs et des opérateurs, vont rendre impossible la comparaison des tarifs, sans grille tarifaire horaire imposée à tous les opérateurs électriques. Comme quoi, l’outil pour mesurer l’usage et le réguler ne suffit pas à lui seul. Il faut également des règles communes.

  11. Bonjour,

    Ce qui me chiffonne personnellement c’est la distorsion de concurrence que ces « services » impliquent.
    par ex un particulier loue son appart pendant ses abscences, et engrange des revenus qui ne seront pas taxés. Un hôtel, lui, paie des taxes, et pas qu’un peu !
    C’est un modèle très lourd de conséquences.

  12. Les gains économiques, écologiques et sociaux ne sont pas les motivations principales des utilisateurs des services collaboratifs, estime Marc Chataignier, fondateur de Super-Marmite. Les vraies motivations sont utilitaires et personnelles.

    Il n’empêche, argue encore Marc Chataigner, ce que montre « l’économie collaborative », c’est que chacun est devenu un potentiel prestataire de services, faisant de chacun sa propre micro-entreprise que ce soit pour des raisons économiques (faire des économies) ou sociales (rencontre des gens). Chacun devient prestataire de biens et de services.

  13. Dans son livre Les besoins artificiels, le philosophe Razmig Keucheyan souligne la difficulté que nous avons à distinguer les besoins, c’est-à-dire les besoins « vitaux » des besoins « nuisibles »… Dans le Manifeste négaWatt, il indique qu’on trouve une première taxonomie des besoins, qui distingue les besoins vitaux « essentiels », « indispensables », « utiles » et « convenables » des besoins nuisibles « futiles », « extravagants », « inacceptables » ou « égoïstes ». Les auteurs du manifeste précisent : « Un peu comme nous classons aujourd’hui les appareils électroménagers ou les logements selon l' »étiquette énergie » qui va de A à G, il est possible de classer l’ensemble de nos besoins selon une échelle allant des besoins « vitaux » (…) aux besoins « nuisibles » (…) ». Pour le philosophe, nous avons besoin de mette en délibération les besoins selon une grille sur laquelle il est difficile de trouver des consensus. Comment rationner les besoins et les usages ? Pour le philosophe, « distinguer entre des besoins authentiques et superflus est crucial dans le contexte de la transition écologique »… pour lui, la seule façon d’y parvenir, consiste à faire de ces enjeux le fruit d’une délibération collective permanente, un théâtre des négociations. La réponse n’est pas simple. Elle est politique !