#lift12 : Peut-on tuer son identité numérique sur les sites sociaux ?

A l’heure où la technologie façonne notre identité projetée, quelle maîtrise en avons-nous vraiment ? C’est la question que nous adressait brillamment Gordan Savicic sur la scène de la 7e édition de Lift 2012.

« Facebook est une manifestation physique et moderne de l’architecture centralisée du Panopticon« , estime l’artiste numérique Gordan Savicic (@frescogamba). « Facebook est un intermédiaire entre mes amis et moi, entre l’identité virtuelle de mes amis et la mienne. Nos amis n’en sont pas vraiment. Beaucoup sont des contacts professionnels, des gens rencontrés par hasard voir des gens qu’on ne connait pas vraiment. Sur Facebook, chacun projette un avatar de soi, une image qui se veut le miroir de notre identité, sans l’être vraiment. »

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Image : Gordan Savicic sur la scène de Lift, photographié par Ivo Näpflin pour LiftConference.

Comment vos amis tentent de vous retenir sur FacebookQue se passe-t-il pourtant quand on essaye de supprimer cette identité ? Gordan Savicic a tenté de supprimer son profil. Il en détaille les difficiles étapes. Quand vous cherchez à supprimer cette identité, Facebook vous propose une multitude d’options. Il fourbit une galerie aléatoire de vos relations qui vous disent que vous allez leur manquer, comme si vous deviez les perdre à jamais. Facebook vous demande de remplir un questionnaire pour expliquer pourquoi vous souhaitez quitter le système, « pourquoi prenez-vous ce risque ? ». Pour chaque raison, Facebook propose des réponses adaptées pour vous retenir, pour réfuter vos dénégations, comme bien sûr, de modifier vos préférences d’intimité. On vous demande plusieurs fois votre mot de passe ou de remplir des captchas comme autant d’étapes pour compliquer ce départ. Bien sûr, si vous franchissez l’ultime limite, votre compte n’est plus public, mais Facebook conserve encore de nombreuses données.

Tuer son identité numérique pour en reprendre possession

Cela a donné l’idée à Gordan Savicic de créer une machine pour se suicider plus facilement : la web 2.0 suicide machine (vidéo), un service qui vous efface de nombreux réseaux sociaux à votre place en répondant au processus à votre place. Cette machine change même votre mot de passe une fois le processus terminé pour que vous ne puissiez pas revenir à la vie, comme après un vrai suicide, ne laissant des disparus qu’un souvenir en guise d’épitaphe.

web 2.0 suicide machine promotion from moddr_ on Vimeo.

Les développeurs de la Web 2.0 Suicide Machine ont même organisé des happenings et notamment une « nuit du suicide ». La presse internationale a bien sûr parlé du projet. Mais la machine n’a pas été du goût de Facebook, on l’imagine.

Les avocats de Facebook ont accusé le site de reprendre des contenus de Facebook, de voler les logins des utilisateurs. En fait, souligne insidieusement Gordan Savicic, ce n’était pas le cas, car la web 2.0 suicide machine n’a jamais accepté les conditions d’utilisation de Facebook… C’était en fait les utilisateurs, qui techniquement, en donnant leur mot de passe à la machine à suicide, les violaient. Bien sûr, Facebook a fini par faire bloquer l’adresse IP du service.

La Web 2.0 Suicide Machine a été tuée par Facebook et s’est aussi tuée elle-même, du fait de la technologie très centralisée qu’elle utilisait qui en faisait une cible facile. Le jeu du chat et de la souris ne pouvait jouer qu’un temps, de sites miroirs en sites miroirs… Mais cet exemple montre l’importance qu’il y a à réclamer ses données, à reprendre la main sur elles, estime l’artiste. La Web 2.0 Suicide Machine démontre aussi comment un petit site internet peut déranger certains acteurs majeurs de l’internet, rien qu’en jouant sur les implications que proposent leurs propres sites. La Web 2.0 Suicide Machine a permis à des milliers d’utilisateurs de se poser des questions sur leurs données et leur propriété. « Notre travail a été livré à la communauté open source… Qui sait ce qui adviendra d’elle », conclut en souriant Gordan Savicic, bien content d’avoir joué un pied de nez à l’un des plus importants géants de l’internet d’aujourd’hui.

Hubert Guillaud

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0 commentaires

  1. Aujourd’hui plus personne n’est censé ignorer les implications d’un compte sur Facebook. Si on ne les accepte pas (ce qui est mon cas), on va chez Diaspora. Marre du mainstream, de la soumission à la pression sociale, et vive la liberté et l’open source!

  2. Gérer son identité que ce soit sur Facebook ou n’importe quel réseau social à été longtemps ignoré par ses utilisateurs. Cela provient d’un manque d’éducation 1) car cela reste relativement récent, 2) les parents sont souvet plus ignorants que leurs enfants quant à ces sujets…. Cela devient donc une thématique de discussion de plus en plus fréquente comme en témoigne cet article produit par des étudiants de l’université de Genève, http://www.e-sens.ch/dossiers/20122013/quand-lindividu-devient-une-marque-novembre-2012/analyse.html