e-Commerce et commerce : le temps de l’hybridation ?

Le commerce en ligne se porte bien. En France, il a progressé de 20 % sur l’ensemble de l’année 2012, rapporte le Journal du Net (le chiffre d’affaires a augmenté de 13 % mais le panier moyen est en baisse de 2 euros à 87,56 euros). Mais de plus en plus on perçoit comme une fracture entre le monde du commerce réel et celui du commerce en ligne. La dernière étude du cabinet PwC, rapporte les Echos, montre que les sites préférés des acheteurs (hormis Amazon et eBay) demeurent majoritairement ceux de magasins physiques. Pour Cédric Cauderlier, responsable du numérique chez Danone, s’appuyant sur les dernières études Nielsen sur le sujet, montre que, dans certains secteurs, les intentions d’achat en ligne sur certains marchés cessent de progresser. Est-ce à dire que certains marchés sont arrivés à maturités ? Pour lui, la raison est plutôt à trouver dans le fait que l’offre en e-commerce atteint ses limites. Sur les sites, les conseils sont souvent inexistants, les éléments de confiance souvent négligés… bref l’offre des acteurs du e-commerce peine à progresser. Et Cédric Cauderlier d’estimer que l’offre des pures players du commerce en ligne arrive en ses limites, face aux acteurs disposant de points de vente physiques. Les sites d’e-commerce pures players sont-ils en manque d’innovations qu’ils affichent une image moins séduisante que les acteurs physiques ?

La croissance du commerce en ligne ne suffit pas. Stephanie Clifford pour le New York Times rappelle que les clients veulent voir ce qu’ils achètent et que le shopping est aussi une démarche sociale. Aux Etats-Unis, eBay et Etsy ouvrent des magasins éphémères. D’autres enseignes en ligne se mettent à ouvrir des enseignes physiques ou à rendre disponibles leurs produits en magasins, comme le fait la marque de vêtement américaine pour homme, Bonobos qui a ouvert 6 magasins aux Etats-Unis. Ces magasins, souvent petits, plus proches de showrooms que de véritables enseignes, montrent que le face à face avec le produit n’est pas encore tout à fait mort. Pour autant, ces magasins sont conçus autrement : moins de stocks, moins de personnels… ils deviennent des salles d’exposition des produits où le client continue de commander en ligne les produits qu’il a vus pour être livré directement chez lui.

Shelly Banjo pour le Wall Street Journal estime que le fossé générationnel du shopping se creuse. Aux Etats-Unis, les plus jeunes préfèrent acheter depuis leurs smartphones qu’en magasin. Malgré leurs efforts, les enseignes peinent à attirer les plus jeunes. Les grands détaillants comme Wal-Mart ou Best-Buy offrent des remises en ligne, alors que d’autres comme Macy ou Sears Holdings tentent plutôt de lancer de nouvelles marques entièrement numériques ou des magasins plus adaptés aux plus jeunes. Mais les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous : l’enseigne JC Penney qui a fait beaucoup d’efforts pour rajeunir sa marque et ses magasins a continué à voir ses ventes chuter. Si le plaisir de faire du shopping peut être apprécié à tout âge, estiment les spécialistes du marketing, les plus jeunes ne veulent pas nécessairement faire comme leurs parents. Les magasins vont-ils devenir des espaces de sociabilité pour les personnes âgées ?

Mais l’hybridation ne joue pas que dans le sens du commerce électronique vers le commerce physique. Elle joue aussi dans l’autre sens. Les données sur les clients seront demain cruciales tant pour les magasins en ligne que pour les magasins réels. La Technology Review évoquait il y a peu Euclid une start-up qui vise à utiliser les smartphones de clients de magasins pour développer de statistiques de fréquentation des magasins physiques (pourcentage de passants qui entrent dans le magasin, durée passée dans le magasin, fréquence des visites…). Le but : rendre le monde réel plus lisible par les machines, estime Scott Crosby, le fondateur d’Euclid. Le PDG d’une chaine de café a utilisé les statistiques d’Euclid pour réaménager l’un de ses cafés à Berkeley en constatant ainsi que ses clients y passaient bien plus de temps que dans ses autres cafés. Un marchand de meubles a pu constater ainsi que ses clients avaient tendance à venir 3 fois dans le magasin avant de se décider pour un achat ou encore que l’envoi de son catalogue papier n’avait aucun effet perceptible en magasin.


Image : Euclid, le Google Analytics des magasins physiques, permet de connaître le taux de conversion d’une vitrine.

Le système Euclid coûte environ 200 $ par mois et par magasin. Quant aux questions de vie privée, un panneau informe les visiteurs du dispositif technologique mis en place et leur permet de visiter une page web pour se rendre invisibles au système.

A l’avenir, Euclid pourrait proposer d’autres fonctionnalités, notamment, si les magasins acceptent de partager les données qu’ils recueillent, Euclyd pourrait être en mesure de relier les clients entre magasins pour leur permettre par exemple de créer des actions marketing communes. Le patron de la chaîne de café estime notamment que les données indiquent que les emplacements qui favorisent le trafic sont ceux qui présentent une combinaison assez forte de résidences et de bureaux, une information qui va l’aider à trouver de nouveaux emplacements. « Pour l’instant, le commerce de détail est un peu aveugle. Le système permet de combler une lacune. Il permet de mettre des chiffres en observation. »

Hubert Guillaud

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0 commentaires

  1. « …Quant aux questions de vie privée, un panneau informe les visiteurs du dispositif technologique mis en place et leur permet de visiter une page web pour se rendre invisibles au système. … »

    Non mais il se foutent de nous?!
    Personne n’est plus étonné…

  2. Le commerce que cela soit en ligne ou physique va être amené à évoluer les prochaines années. Mais les 2 façons de consommer ne sont-elles pas lier? L’un va-t-il vraiment sans l’autre?
    L’ecommerce aura permis une plus grande comparaison des prix par les acheteurs.