La régulation de l’économie collaborative en question

En septembre, rapporte Ron Lieber pour le New York Times, Nigel Warren a loué la chambre qu’il occupe dans son appartement à New York sur Airbnb pour 100 $ la nuit. Mais à son retour quel ne fut pas sa surprise d’être convoqué par son propriétaire et les agents de la ville de New York pour avoir enfreint plusieurs interdictions et se retrouver condamné pour plus de 40 000 $ d’amendes ! En effet, les lois locales ou votre contrat de location peuvent interdire la sous-location voir la location de courte durée. A New York, par exemple, vous ne pouvez pas louer d’appartements ou de chambres pour moins de 30 jours, sauf si vous vivez dans les locaux en même temps. Des lois plus restrictives existent encore à San Francisco ou à la Nouvelle-Orléans, mais également à Paris ou Londres. Et il existe des règlementations à suivre pour devenir maison d’hôte ou Bed & Breakfast.

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L’économie collaborative dans la tourmente

Bien sûr, Nigel Warren s’est retourné contre Airbnb accusant le site de ne pas suffisamment alerter les utilisateurs des risques qu’ils encourent en mettant leurs appartements en location, selon les différentes juridictions locales existantes.

« Ce n’est pas parce que vous le faites via l’internet que tout est autorisé », rappelle le journaliste du New York Times. « La consommation collaborative et l’économie du partage dont tout le monde parle avec enthousiasme risque demain de ne pas peser grand-chose face à des menaces d’expulsion et des amendes à 5 chiffres. »

Uber est une autre start-up de l’économie collaborative dans la tourmente actuellement, rapporte Brian Chen pour le New York Times. La société de San Francisco qui permet à chacun de devenir taxi est sous la coupe de plusieurs procès : un des chauffeurs de taxi de San Francisco, un des sociétés de services automobiles de Chicago et risque également une amende de la Commission californienne des services publics. La bataille entre les autorités locales et Uber souligne la tension renouvelée par les technologies qui permettent de déjouer facilement les règles existantes en éliminant les services intermédiaires entre consommateurs. Suite à l’ouragan qui a dévasté New York, la start-up a autorisé ses clients à augmenter leurs prix afin de recruter de nouveaux conducteurs dans un moment où la pénurie de transport était à son comble, ce qui n’a pas été sans déclencher l’ire des clients. Travis Kalanick, le fondateur d’Uber, a beau jeu de dénoncer le fait que les autorités cherchent à arrêter une start-up qui révolutionne le transport, en renforçant une réglementation qui étouffe l’innovation.

Les organismes de régulation des taxis de plusieurs villes américaines tentent en effet de renforcer certaines règles, afin de limiter le développement des formes de partage : interdiction d’utiliser un simple GPS comme compteur, interdiction d’accepter une demande électronique par le biais d’un smartphone tout en conduisant, ou d’accepter une demande électronique qui ne soit pas faite avec moins de 30 minutes d’avance. Autant dire que ses pistes, pas nécessairement très judicieuses, montrent bien qui elles visent à réguler.

Néanmoins, ces deux exemples montrent bien que l’économie collaborative en venant perturber les règles de secteurs économiques existants, repose des questions de régulation à nos sociétés (voir également « « Usages, Mésusages » et « La technologie la plus libérale peut-elle être mise au service des services publics »). Et ce d’autant qu’en temps de crise, il faut certainement entendre la demande de dérégulation qui transite via les nombreux utilisateurs de ces plateformes à la recherche pour certains de revenus complémentaires, pour d’autres d’une base à ce qui deviendra peut-être une nouvelle activité, ou qui expriment, pour d’autres encore, une autre façon de faire société.

L’économie collaborative, ce nouveau perturbateur !

Tim Wu (Wikipedia, @wuperwuster), professeur de droit à Columbia, est l’auteur de The Master Switch : The Rise and Fall of Information Empires et du fameux Qui contrôle l’internet ?. Dans une récente tribune pour le New York Times, il revenait sur les succès de l’économie collaborative… et leurs limites.

« Personne n’a jamais dit que les grandes villes rendaient la vie facile. Les applications du moment, Uber et Airbnb, tentent d’atténuer ces problèmes en vous permettant de réserver un trajet en voiture ou louer l’appartement de quelqu’un directement depuis un téléphone mobile ou un ordinateur. S’ils sont appréciés de ceux qui regrettent la rareté des taxis ou de ceux qui trouvent trop cher les chambres d’hôtel à 500 $, ils le sont beaucoup moins des régulateurs urbains dont les réactions évoquent les réponses de Ned Ludd confronté aux premières machines à tisser automatisées. »

Wu rappelle ce que nous avons déjà évoqué. En novembre, Uber, qui permet à n’importe quel particulier de s’improviser taxi, a été interdit par la municipalité de Vancouver en Colombie-Britannique (en fixant un tarif minimum si élevé que les utilisateurs se sont découragés) et il y a des propositions pour interdire ce système à New York et dans d’autres villes des Etats-Unis. Airbnb, le système de location d’appartements entre particuliers, a été déclaré illégal dans certaines villes américaines comme San Francisco et New York où son utilisation peut entraîner des amendes importantes pour ses utilisateurs, ceux qui louent des appartements par ce biais !

« En interdisant ces applications, les municipalités pensent protéger les consommateurs et les citoyens », estime Tim Wu, qui rappelle que vous serez peut-être beaucoup moins amateurs de AirBnb si c’est votre voisin qui se décide à ouvrir une bruyante auberge de jeunesse sans autorisation. Quant à Uber, les tarifs des particuliers ne sont pas régis par les agences de la ville et leur augmentation abusive, suite à l’ouragan Sandy, a déclenché quelques critiques d’utilisateurs. « Pourtant, les plaintes demeurent anecdotiques et la plupart ressemblent plutôt à une réaction protectionniste des industries déstabilisées par ces nouveaux marchés », souligne Tim Wu. L’interdiction d’Airbnb profite plus aux hôtels qu’aux locataires et celle d’Uber profite plus aux compagnies de taxi qu’aux passagers. « Les régulateurs peuvent faire leur travail et protéger les consommateurs sans avoir la main aussi lourde, sans transformer les citoyens ordinaires en contrevenants ».

Des applications pour réguler les applications ?

Pour Tim Wu, les applications ne doivent pas avoir d’immunité juridique. Mais une bonne réponse pourrait être d’utiliser les techniques d’accès aux informations en temps réel qu’elles utilisent pour responsabiliser les gens. Pour Airbnb par exemple, les municipalités pourraient exiger que le système prévienne les propriétaires ou syndics du lieu quand un appartement est mis en location sur Airbnb. Plutôt que la ville décide d’une règle unique, les propriétaires pourraient décider eux-mêmes de comment gérer les locations Airbnb. L’application pourrait aider à détecter les contrevenants à une interdiction. Quant aux taxis individuels, les régulateurs pourraient imposer à leurs utilisateurs de divulguer les prix qu’ils pratiquent au kilomètre.

« Nul ne peut nier que ces applications répondent à des besoins réels et puissent rendre les villes plus faciles à vivre. Mais les droits fondamentaux sont également en jeu ». Louer sa voiture est une liberté aux Etats-Unis, mais peut-elle se faire dans n’importe quelle condition ? L’interdiction de louer une chambre ou votre appartement en diminue certes sa valeur mobilière, mais peut-on sous-louer un appartement sans autorisation ? Ou même louer sa propriété sans en payer le droit, sans respecter les règles qui régissent la location et laisser les utilisateurs de Airbnb se débrouiller avec ceux qui leur louent des appartements en cas de problème. Autant dire qu’en se limitant à faire se rencontrer les utilisateurs, les plateformes de consommation collaborative sont parfois plus que limite dans le service qu’elles proposent et la valeur ajoutée qu’elles perçoivent. Par leur position dominante, comme le disait Dominique Boullier, les plates-formes captent la valeur créée en dehors d’elles, sans toutefois toujours proposer ni un véritable service, ni une véritable valeur ajoutée.

Uber et Airbnb ne sont que les premiers exemples d’une vague de services qui tendent à rapprocher acheteurs et vendeurs d’une manière inattendue, souligne avec justesse Tom Wu. Effectivement, les plateformes de consommation collaboratives se démultiplient, essayant de s’immiscer dans tous les secteurs possibles. « Le défi pour les régulateurs est à la fois de permettre le changement tout en protégeant les consommateurs contre les pires effets de celui-ci. »

L’activiste politique Tom Slee (@whimsley), auteur de Personne ne vous force à acheter chez Wal-Mart : les surprenantes tromperies des choix individuels, sur son blog, n’en revient pas que Tim Wu propose de telles solutions ! Non, les plaintes des utilisateurs de ces services ne sont pas anecdotiques, répond-il. Pourquoi les villes délivrent-elles des licences aux taxis ? Pourquoi faut-il des autorisations pour ouvrir une maison d’hôte ou un Bed & Breakfast ? Nos réglementations ont des raisons d’êtres. Les licences de taxis apportent des assurances aux utilisateurs et aux taxis eux-mêmes. Elles ont permis de limiter la durée de travail des chauffeurs, elles ont obligé les taxis circulant à être bien entretenus et à être assurés en cas d’accident… pour protéger les passagers.

Le PDG de Airbnb, Brian Chesky n’a pas lancé un mouvement, comme il tente de nous le faire croire, il a lancé une entreprise, rappelle Tom Slee. « Il veut que ses clients pensent que la consommation collaborative est un mouvement. Il invoque les traditions communautaires de l’économie informelle sans voir que ces entreprises P2P sont plus susceptibles d’éroder l’économie que de l’améliorer. »

Nous savons tous ce qu’est l’économie informelle. Mais il y a une ligne de partage sur laquelle ces services jouent. Si je loue ma maison chaque semaine à des étrangers pour de l’argent, mes voisins – et les impôts – sont en droit de me demander si j’ai ouvert une maison d’hôte ou un bordel. Il y a ici un compromis entre activité informelle et activité commerciale. Or, l’activité commerciale joue selon des règles différentes, notamment au niveau de la responsabilité. « Airbnb veut nous faire croire qu’il s’agit d’économie non commerciale, de partage informel, de revenu complémentaire… » Pour eux, nous n’avons pas besoin de règles et de règlements coûteux, sauf qu’ils construisent une entreprise de plusieurs milliards de dollars sur le dos de ceux-ci. Airbnb prend 10 % du montant des réservations et aucune responsabilité (certes, les incidents sont rares, mais leurs conséquences peuvent être graves). Le fait que Airbnb n’avait pas pensé aux conséquences d’un saccage d’appartement, comme l’expliquait Farhad Manjoo pour Slate lorsqu’une affaire de ce type avait défrayé la chronique, montre bien que si Brian Chesky avait pensé Airbnb comme un mouvement, il en aurait pris soin. « Le contraste entre le discours communautaire et convivial de l’entreprise et le caractère ultra néo-libéral de l’entreprise est criant », estime Slee. L’escalade des tarifs d’Uber suite à l’ouragan Sandy et un exemple clair de l’attitude « prend l’argent et tire-toi » qui caractérise ces entreprises. « Aucune de ces entreprises P2P n’a commencé par s’attaquer à un problème social bien établi et n’a travaillé à rebours à partir de là », soulignait Catherine Bracy, directrice des programmes internationaux de Code for America, dans un billet au vitriol sur l’incapacité de la Silicon Valley à comprendre les problèmes politiques. Regardez en comparaison l’invasion symbolique des plateaux du Kinder Scout en Angleterre en 1932 par des hordes de randonneurs afin d’établir un droit de randonnées sur des terres privées, souligne Tom Slee (une marche symbolique qui donna naissance, 7 ans plus tard à la création des premiers parcs nationaux et à l’autorisation du libre passage sur les terres privées). Regardez en comparaison les services fournis par l’Association des auberges de jeunesse et la fédération internationale des auberges de jeunesse… Nous avons là deux exemples de gens qui ont pensé à ce qu’ils faisaient et avaient un engagement réel pour leurs objectifs. « Et aucun milliardaire du capital-risque ne les a soutenus ».

Les limites de l’irrésistible économie du partage

« L’insouciance simpliste du libre marché caché derrière la vague d’entreprise P2P, et spécialement celles qui tentent de déraciner les réglementations qui protègent les consommateurs, est loin d’être la vague de l’avenir. Ce mercantilisme déguisé en progrès, la démesure en vision, l’égoïsme cynique comme communauté d’esprit sont des bombes à retardement. Et je ne pense pas que ce soit ce à quoi vous souhaitez vous associer, monsieur Wu », conclut Tom Slee.

La couverture de Forbes sur l'économie collaborativeAlors que Forbes, comme tant d’autres, faisait sa dernière Une sur Brian Cheski et l’irrésistible ascension de l’économie du partage (sous-titrée « Qui veut être milliardaire ? »), Nicholas Carr s’interroge à son tour sur les vertus de cette nouvelle nouvelle économie. Une économie alimentée par un déluge de sociétés et de plateformes collaboratives, qui viennent bouleverser les notions de consommation et de propriété. Pour Carr, il semble difficile de célébrer le succès d’une économie de la débrouille, qui est plus la manifestation de l’échec de nos économies que de leur succès. Comme le rapporte Forbes, ce que louent les gens sur ces plateformes, c’est bien souvent ce qui leur reste : leur voiture, leur appartement, leurs objets pour obtenir un revenu complémentaire le temps d’une difficulté voire en faire une modalité de revenus. Nicholas Carr semble peu à l’aise également avec ces entreprises qui prennent un bénéfice sur la bien-pensance. « Peut-être que les propos de Tom Slee sont exagérés, mais sont-ils plus exagérés que la vision colportée par ceux qui cherchent à dépeindre le partage P2P comme un bien inaliénable, une révolution économique populiste ? »

Hubert Guillaud

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0 commentaires

  1. J’avais lu l’article de Tom Slee, c’est un débat passionnant.

    La vraie question à mon avis est de savoir ce que l’on veut faire de nos Etats, des structures qui ont bati beaucoup, qui deviennent lourdes, un peu grosses, et pas assez réactives face à l’économie collaborative.

    Dans la plupart des pays développés, les Etats sont contraints de rétrécir en raison d’une surchauffe fiscale, et laissent des pans entiers de leur activité « à l’abandon » ou presque

    Les entreprises privées comme les initiatives de la société civile rentrent dans ces interstices pour proposer des PPP (on peut penser aux concessions de type autoroutes et parkings, qui désormais s’appliquent aux stades, aéroports, et demain potentiellement aux hopitaux), ou des actions « citoyennes » (comités de « vigilantes » à la frontière USA/Mexique, crowdsourcing/crowdfunding de projets urbains…).

    Une solution possible serait que l’Etat soit effectivement une « plateforme », qui assure comme une place de marché les relations entre les uns et les autres, comme le suggère la possibilité pour le « cas » AirBNB d’être résolu par une app qui signalerait au propriétaires/syndics la sous-location de leur bien.

    L’un des risques, me semble-t-il, de cette vision très communautaire et fonctionnelle de l’Etat est de poursuivre une balkanisation lente et certaine de nos sociétés. Je ne suis plus dépendant de mon proprio (AirBNB), de mon commerçant (boutiques dans ma rue), des transports en *commun* (Uber)… bref, je n’ai plus beaucoup d’occasion de me sentir citoyen quand je suis un utilisateur d’un service ou d’un autre…

    M

  2. @Martin. Je ne sais pas. Ce que pointent bien ces articles, c’est que l’offre de l’économie collaborative est parfois un peu légère justement. Elle ne peut pas se résumer à « on ouvre une plateforme et débrouillez-vous ». Le service proposé aux utilisateurs est tout de même parfois très léger. C’est très bien de proposer d’utiliser l’appartement, la voiture ou la perceuse de quelqu’un d’autre, mais que se passe-t-il en cas de problème ? Quelles assurances proposent la plateforme ? Bien sûr, les problèmes sont rares, mais c’est à la plateforme d’être un vrai intermédiaire et pas seulement de proposer un service finalement assez pauvre.

    L’autre question est bien celle de la régulation de ces formes émergentes, qu’il est nécessaire d’encourager pour qu’elles existent, sans mettre des règles trop lourdes, pour ne pas les décourager. Ici, le législateur doit trouver le bon niveau d’intervention, pour libérer la créativité, tout en apportant des garanties et faire que quand elle passe un certain niveau, une certaine barrière, la collectivité ne soit pas celle qui y perde. L’action publique doit travailler avec ces innovateurs pour leur demander de penser aux garanties qu’ils apportent aux utilisateurs de ces plateformes. Et d’un autre côté décidé de quand on passe d’une économie informelle à une économie formelle. Question difficile s’il en est, car pour l’acteur public, l’informel n’existe pas et est punissable par nature. C’est peut-être là où il faut parvenir à définir un peu de souplesse. Pas si simple. On se souvient des tentatives de taxer les utilisateurs pro d’eBay et les micros-revenus des utilisateurs du web.

  3. Merci pour l’article ! J’ai essayé de regarder le cas par une autre angle de vue, car je pense qu’il y a eu un précédent, pas forcément ressentis par le grand public, mais d’autant plus par les institutionnels et professionnels du tourisme.
    En tous les cas, le cas de AirBnB, Wimdu et HouseTrip me semble assez intéressant pour illustrer ce qui est en train de changer, à un niveau plus profond dans notre société.
    Pour l’article : http://www.beerbergman.com/2013/02/airbnb-et-leconomie-collaborative-une-fausse-bonne-idee/

  4. @Hubert Guillaud – oui, j’avais vu cette information sur plusieurs sites d’information en néerlandais déjà. Le problème aux Pays-Bas (pas sûr qu’il se pose de la même manière en France) est aussi qu’il y e des loueurs sont en fait des locataires des HLM, et dans ce cas, la sous-location est encore une autre chose.

    Amsterdam, comme d’autres villes, va devoir prendre en compte tous les éléments, et il sera, à mon avis, mieux de revoir les lois pour considérer l’économie du partage comme un vrai enjeu.

  5. @Hubert Guillaud – oui, j’avais déjà vu cette information sur plusieurs sites d’informations en néerlandais. Le problème aux Pays-Bas (pas sûr qu’il se pose de la même manière en France) est aussi qu’il y a des loueurs qui sont en fait locataire d’HLM, et dans ce cas, la sous-location est encore une autre chose. (Mais ce sont bien eux qui ont besoin de ce revenu complémentaire.).

    Amsterdam, comme d’autres villes, va devoir prendre en compte tous les éléments, et il sera, à mon avis, mieux de revoir les lois pour considérer l’économie du partage comme un vrai enjeu.

    Si je devais mener la réflexion, je regarderai ce que je pourrai alléger pour les professionnels déjà sur le terrain, et pour professionnaliser les nouveaux arrivants. Pas en matière de sécurité, mais reconsidérer des réglementations qui sont parfois vraiment inutiles et idiotes. Rééquilibrer les deux marchés, en quelque sorte.

  6. Oups, il se passe des trucs bizarres avec les commentaires. Désolée pour le double post..

    Je voulais encore revenir sur une de vos phrases, @Hubert Guillaud, dans votre commentaire : « Ce que pointent bien ces articles, c’est que l’offre de l’économie collaborative est parfois un peu légère justement. Elle ne peut pas se résumer à “on ouvre une plateforme et débrouillez-vous”. »

    L’offre légère est peut-être justement un des facteurs clés du succès, aussi bien de la plateforme vis-à-vis du loueur, que du loueur vis-à-vis du client. Le « débrouille-toi » devient un vrai mode de vie, et répond apparemment à un besoin grandissant. Il va falloir trouver un équilibre entre l’offre existante et la nouvelle, aussi en matière de réglementation. Je ne pense pas forcément à la sécurité, mais pour commencer à des réglementations qui sont parfois vraiment absurdes.

  7. @Beer Bergman : bien sûr que la simplicité est une condition de succès. Il est facile de mettre en location son appartement sur ces plateformes ou d’en louer un. Mais cette condition de simplicité ne peut se faire au détriment du service rendu. On pourrait tout à fait imaginer par exemple, que le service propose une assurance à ses utilisateurs (inclus dans le prix même du service qu’il vend). La clé du succès ne sera jamais de fragiliser vos utilisateurs et clients.

    Quant au « débrouille-toi » comme mode de vie, je le trouve franchement à l’opposé des vertus de l’économie collaborative ;-).

  8. @Hubert Guillaud – J’ai l’impression que nous aurons besoin de data 🙂 – notamment sur la qualité du service rendu. Car les retours que j’entends, des utilisateurs et des loueurs, sont plutôt positifs : un service bien plus personnalisé que dans les établissements classiques, des gens pas encore « usés » par le métier et extrêmement motivés à obtenir des avis positifs, et des contacts intéressants. Aussi bien aux Pays-Bas qu’en France, ceux qui l’utilisent semblent être assez contents. Mais bon, il n’y a pas de chiffres, en dehors les avis qu’on peut lire sur les plateformes.

    C’est justement mon interrogation et la relation que j’ai voulu mettre en place dans mon article : à l’époque de l’arrivée des prestataires non officielles, ces étrangers venus s’installer comme prestataire touristique en France, on entendait la même chose : la qualité du service rendu est en danger. Or, la pratique nous démontre toute autre chose : c’est, entre d’autres, par la qualité des services rendus et des prestations de ces prestataires étrangers que l’image des chambres d’hôtes françaises auprès d’un public étranger a été bien améliorée…
    Là aussi, je ne dispose pas de chiffres, mais uniquement de témoignages et d’observation de cette clientèle étrangère.

    Quant à votre dernière phrase : elle mérite un temps de réflexion :-).

  9. En effet, le « débrouillons nous ensemble » me parait plus approprié que le « débrouille toi » comme direction à prendre :-). Il est en tout cas au coeur d’un mouvement qui prend de l’ampleur face à toutes ces régulations pensées par un acteur public qui régule trop souvent sous la pression de lobby industriels, et nous assome de procédures ou règles sanitaires qui nous forcent à tout penser en logique consumériste, au point de nous faire perdre savoir-faire et savoir-vivre (http://www.april.org/interview-de-bernard-stiegler-dars-industrialis).

    Des associations d’accompagnement à l’élevage de qualité conseillent aujourd’hui d’arrêter de demander l’aide de la PAC. Le but : éviter de se prendre tous les contraintes sanitaires de l’Etat en se faisant imposer la mise en place d’exploitations intensives qui empêchent de pouvoir produire une nourriture de qualité et respectueuse de l’environnement. On est bien dans le « débrouillons nous ensemble »…

    Or ce « débrouillons nous ensemble » est de plus en plus puissant avec les plateformes d’échanges par le web et l’Etat ne pourra par le freiner. Il faudrait surtout se poser la question de qui va détenir la plateforme qui permet de déployer cette puissance… Est-ce que nous laissons tout dans les mains d’entreprises P2P capitalistes (qui appartiennent à quelques uns incapables de s’attaquer véritablement à un problème social comme l’explique l’article) ? Ou des organisations P2P qui appartiennent à ceux concernés par le problème social et construisent ensemble leur solution ?

    L’exemple de wikipédia est intéressant à regarder. Pourquoi n’a il pas été régulé par l’état alors qu’il a renversé une industrie ? Peut-être parceque Wikipédia fonctionne comme devrait fonctionner un état (logiciel libre, données ouvertes, contenu en creative commons, gouvernance ouverte, structure juridique non lucrative, mission d’utilité publique). Ce projet appartient à tous, il est construit par tous, en particulier ceux qui l’utilisent tous les jours. Et sa régulation s’est faite par ses contributeurs qui sont aussi les usagers….

    Si l’on a des problèmes de déplacements, apprenons en tant que personnes vivant cette problèmatique à définir ensemble le service optimal de tranport, notre plateforme P2P. Mais faisons le dans une logique à la wikipédia, histoire de se positionner comme un vrai service public que l’état ne souhaitera/pourra pas freiner, même si cela contrarie le lobby du monde des taxis. En plus de développer un service vraiment adapté aux besoins des usagers/producteurs et de leur sécurité, cela coûtera beaucoup moins cher que les plateformes P2P capitalistes qui nous font payer très cher le prix de leur incapacité à mutualiser leurs développements (déjà plus de 10 entreprises différentes de partage de voiture en France, mais pas une seule en logique « ouverte », soit 10 plateformes P2P que l’on tente de faire financer par les usagers…)

  10. Il me semble qu’on touche du doigt, avec ce genre de débat, une possible rupture avec le principe de précaution ou celui de prévention qui étouffent notre société. Nous appréhendons le monde sous l’empire de l’émotion, causée par des faits divers abondamment relayés par des medias en panne de sensationnalisme (on parle plus d’accidents de la route que du Mali et des enjeux civilisationnels majeurs que ce type de conflit exemplarise) qui devraient être analysés comme des incidents regrettables mais inéluctables quoi qu’il advienne : comment demain empecher des irresponsables sans permis de conduire de piloter des voitures a 160 km/h sur le périphérique avec 3 grammes? – et non comme des dérives généralisées qu’il convient de réguler par un arsenal normatif toujours plus répressif envers les citoyens lambdas. Les réglementations invoquées par Tom Slee sont « vertueuses », mais majoritairement inutiles et font, de par la bureaucratie et les couts engendrés, la part belle à des opérateurs de plus en plus concentrés, agissant sur les normes grâce à un lobbying parfaitement organisé (voire une stratégie d’influence -Slee ne poursuit peut être pas que des objectifs sociétaux et éthiques….). Il existe aujourd’hui une tension vers un monde désintermédié (la finance collaborative ou de proximité, crowdfunding, le P2P tous azimuts, l’émergence d’une économie sociale fondée sur le don et le soutien productif mais non financiarisé, la création d’instruments de paiement fondés sur le troc…) et cette tension se heurte à une résistance d’autant plus efficace qu’elle est entre les mains de gigantesques intérêts alignés (les banques, la grande distribution, l’industrie hôtelière, ) qui préfère lutter contre une évolution sociétale plutôt que de s’y adapter, ce qui est plus difficile et plus coûteux. Les règles, qui devient défendre le faible contre le fort, ont trop souvent perdu cet objectif de vue et nous assujettissent à une dépendance normative telle qu’à chaque incident de la vie on en recherche les responsables, voire les coupables pour ensuite inviter nos dirigeants à réglementer pour que « plus jamais ça ». Sortons de cette logique bureaucratique et dirigiste et retrouvons le goût de la confiance envers l’autre, avec les risques induits, mais traités par l’appréciation commmunautaire plus que par la police ou les tribunaux. Que les acteurs de cette mutation en retirent profit est une condition du développement d’une économie P2P car sinon, comment lutter ?