Le futur entre résilience et résistance

A l’heure de l’incertitude permanente, le futur n’est pas aussi tracé qu’on le croit ? Comment nous adapter à ce qui arrive ? Telle était le sujet d’une session d’interventions de la dernière conférence Lift qui se tenait à Genève du 6 au 8 février 2012.

La parabole du renard et du hérisson

Venkatesh Rao (@vgr) est l’auteur de Tempo, un livre sur la prise de décision et prépare un autre ouvrage sur sur la création et la destruction de la valeur. Il est également blogueur pour Forbes et Information Week. Sur la scène de Lift (vidéo), il est venu présenter une parabole sur notre capacité à nous adapter (voir sa présentation), s’appuyant sur l’opposition entre le renard et le hérisson introduite initialement par le poète grec Archiloque, le romancier Léon Tolstoï et développée par le philosophe Isaiah Berlin dans son livre Le hérisson et le renard.

Venkatesh Rao
Image : Venkatesh Rao sur la scène de Lift, photographié par Ivo Napflin.

Pour Venkatesh Rao, la meilleure définition de la résilience c’est d’être capable de se relever à chaque fois qu’on vous cogne et qu’on vous jette à terre, comme dans un combat de boxe. C’est un peut-être un peut synthétique, mais l’image à l’avantage d’être claire.

« Comment est-on résilient ? Pourquoi certains le sont-ils plus que d’autres ? Pourquoi certains se relèvent-ils quand ils sont à terre et d’autres non ? » Pour comprendre cela, il faut comprendre que nous ne réagissons pas tous de la même manière à l’imprévu. D’où le passage par la parabole. Si le renard connaît bien des tours pour s’adapter à une situation et la relever, le hérisson n’en connaît qu’un, celui de se rouler en boule et de sortir ses piquants. Leurs résiliences sont différentes. Après avoir été mis à terre, le renard se relève pour repartir à l’aventure, pour faire autre chose, alors que le hérisson retourne à ce qu’il était en train de faire.

Si le renard, la dinde et le hérisson étaient tailleurs de pierre, le renard construirait la cathédrale, le hérisson serait le meilleur tailleur de pierre, le plus appliqué, quant à la dinde, elle confesserait ne pas trop savoir pourquoi elle est là. Si on lançait une meute de chiens devant ces animaux, le renard se mettrait à courir. Le hérisson se roulerait en boule… et la dinde se dirait qu’il ne sert à rien de courir…

Ces paraboles, estime Venkatesh Rao, nous apprennent des choses importantes sur la question de la résilience et nos réactions face à ce que l’on ne comprend pas, mais aussi sur les questions de leadership et de collaboration. Reste, qu’il n’est pas clair de savoir s’il vaut mieux être un renard ou un hérisson (même si a priori il vaut mieux ne pas être la dinde).

La résilience du renard demande de de s’avoir s’adapter. Le renard créé en acceptant les contradictions, à l’image des Jugaad indiens, ces « arrangements improvisés », ces « contournements », marque de la créativité à laquelle les Indiens sans ressources ont recours pour résoudre les problèmes de la vie quotidienne comme quand ils arrangent des véhicules à leurs problématiques locales, en faisant tirer une voiture par un cheval par exemple ou en ou une charrue à une moto. Si les hérissons sont plus prévisibles que les renards, le talent est de savoir mêler les deux, à l’image de Tolstoï, qui avait les valeurs d’un hérisson et les talents du renard.

C’est dans une matrice entre talents et valeurs qu’il faut comprendre ces deux formes de résilience, explique Venkatesh Rao. Alors que le renard pense qu’il a l’esprit ouvert, le hérisson pense que le renard n’est pas fiable. Le hérisson a un modèle de pensée assez simple qui lui fait exporter son style de vie partout, qui fait qu’il a tendance à avoir une seule identité quelque soit la situation à laquelle il est confronté. Il créé en éliminant les contradictions, ce qui fait qu’il a tendance à être un mauvais prévisionniste, mais sait apprendre des fondamentaux. Enfin, il est autonome et a des valeurs constantes.

L’esprit du renard, lui, a un modèle de pensé multiple : il créé en acceptant les contradictions. Il a une identité changeante et s’adapte à l’endroit où il se trouve. S’il est meilleur dans ses prédictions, il a tendance à s’enfuir face à un problème et à se précipiter vers les opportunités. Il préfère le transitoire, a des valeurs fondées sur l’utilité immédiate, il a un état d’esprit jetable et apprécie le hacking.

Chaque hérisson est résilient de la même façon quand chaque renard est résilient de sa propre façon. Si les hérissons sont prévisibles, les renards ne le sont donc pas.

Pour le hérisson, le renard est égoïste, irresponsable, intrigant, crédule… A l’inverse, pour le renard, le hérisson est doctrinaire, hypocrite, naïf, avare, ennuyeux et prévisible. Pour l’un et pour l’autre, les valeurs et talents sont différents et ils ne se perçoivent pas de la même façon. Le hérisson se voit comme cohérent, consciencieux, responsable et sceptique, alors que le renard se voit comme ouvert, adaptable, intéressant, aventureux et imaginatif.

Pour adopter la résilience du renard, estime Venkatesh Rao, il faut se fonder sur les contradictions plutôt que sur les valeurs : l’entreprise – faisant référence au vaisseau Enterprise de Star Trek qui avait pour mission d’aller là où aucun homme n’était jamais allé – signifie un voyage aventureux avant que d’être une institution. Il faut également préserver la mémoire plutôt que l’identité. Les renards préfèrent les souvenirs, mêmes cassés, que conserver les choses. Il faut également rechercher les motifs plutôt que la vérité. La mondialisation se comprend plus par le modèle du conteneur que par l’axiome de la platitude du monde. Enfin, il vaut mieux poursuivre l’aventure que l’amour, il vaut mieux favoriser un projet de satellite open source à l’arme la plus inattaquable du monde pour faire référence à deux projets de l’artiste sud-coréen Hojun Song (qui avait été l’invité d’un précédent Lift où il avait évoqué justement ces deux projets).

« Le renard et le hérisson sont deux jumeaux complémentaires, un peu comme le ying et le yang. Si vous essayez d’agir comme le renard, immanquablement, le hérisson en vous va émerger. C’est-à-dire que si vous construisez sur les contradictions, la question de la valeur va émerger. Si vous cherchez à préserver la mémoire, la question de votre identité va émerger. Si vous recherchez les modèles, la question de la vérité va émerger. Si vous cherchez l’aventure, incontestablement, la question de l’amour, de la passion pour ce que vous faites, va émerger. »

Une parabole, parfois verbeuse ou grandiloquente sur le management des hommes et des organisations, mais finalement plus réflexive qu’il pouvait n’y paraître, et qui au final, souligne que les valeurs sur lesquelles se fondent aujourd’hui une grande part du discours du management doivent peut-être devenir un peu plus complexes pour affronter des temps difficiles.

On en a marre de l’avenir !

Noah Raford (@nraford) est le cofondateur et président de Futurescaper, une solution de scénarisation collaborative et prépare un livre sur l’entrepreneur maître de guerre.

« Sommes-nous malades de l’avenir ? » Oui, répond sans ambages Noah Raford (vidéo). « On en a marre de l’avenir ! Tout autour de nous semble s’accélérer, devenir incertain, volatile… Or, nous sommes nuls pour prédire l’avenir. On ignore ce qu’on n’aime pas. On évite ce qui nous dérange. On sous-estime la complexité du monde et nous sommes aveugles aux opportunités créatives qui pourraient nous aider… Alors que pouvons-nous faire ? Faut-il tout laisser tomber ? Travailler plus dur pour mieux comprendre le futur ? »

Noah Raford
Image : Noah Raford sur la scène de Lift, photographié par Ivo Napflin.

Nous avons du mal à choisir. Noah Raford prend un exemple. Imaginez que votre meilleur ami se marie sur une île magnifique, mais que vous savez qu’à la même date vous aurez un énorme travail à terminer. Que faites-vous ? Réservez-vous votre billet à l’avance, au risque de ne pas pouvoir y aller ? Ou attendez-vous le dernier moment pour le prendre, quitte à le payer plus cher ? Privilégiez-vous l’anticipation ou l’adaptation ? Quel est votre mode de pensée ? Vous comportez-vous comme l’ours qui se place au même endroit dans le courant de la rivière pour attraper les saumons ? Ou comme le Ninja, qui privilégie l’agilité et la rapidité pour faire face à l’adversité ?

Joi Ito, le patron du Media Lab du MIT se définit comme un « maintenan-ist » (nowist), c’est-à-dire quelqu’un qui « essaye de comprendre comment mettre en place la capacité de réagir à n’importe quoi ». Pour Noah Raford il y a donc deux écoles permettant de prévoir l’avenir, celle qui privilégie l’anticipation et celle qui privilégie l’agilité et ces deux écoles sont en opposition. On pourrait dire, le hérisson et le renard, pour faire référence aux propos de Venkatesh Rao.

Pourtant, notre stratégie de réponse à ce qui change dépend fortement de l’environnement dans lequel vous devez prendre des décisions. Deux paramètres sont à prendre en compte : la « taille » de l’investissement et le nombre de décisions. Si vous faites un gros investissement par exemple acheter un appartement, vous êtes dans l’anticipation. A l’inverse, dans le sport par exemple, vous aurez plutôt tendance à prendre plein de petites décisions pour voir si elles marchent. Mais que se passe-t-il quand on doit intégrer les deux approches ?

L’anticipation stratégique

Pour Nora Raford, la solution à ce dilemme consiste à mettre en oeuvre ce qu’il appelle la « prévoyance stratégique » (ou anticipation stratégique). Cela consiste à se demander qu’est-ce qui change ? Qu’est-ce qui peut changer ? Que savons-nous ? Et que ne savons-nous pas ? Pour lui, il nous faut nous préparer à plusieurs scénarios. Il faut à la fois imaginer des réponses et les répéter. Plus que de préparer l’avenir, la prévoyance stratégique est nécessaire pour s’orienter aujourd’hui. Le transporteur UPS avait peur d’une épidémie de grippe aviaire sur son modèle d’affaires. La firme a donc établi des scénarios pour gérer des grippes pandémiques qui n’ont heureusement pas eu lieu… Mais quand le volcan islandais Eyjafjöll a bloqué une bonne partie du trafic aérien européen, UPS a su trouver une réponse bien plus rapide que la concurrence pour faire face aux expéditions. « Leur travail de scénarisation ne leur avait pas permis de prédire l’avenir : ils avaient tort sur la cause, mais ils avaient abordé l’impact ce qui leur a permis de mieux répondre au problème que la concurrence », notamment en adaptant rapidement leur réseau en privilégiant très vite le trafic routier.

« Nous avons en tête des modèles mentaux qui vont de certitudes sur l’évolution du marché à nos choix politiques. Souvent, ils sont synchrones avec le modèle existant, mais souvent ils finissent par se désynchroniser de celui-ci. On devient trop confiant… et cette confiance nous conduit alors à l’échec. »

L’anticipation stratégique consiste a essayer d’identifier ce que nous ne savons pas, ce dont on n’a pas connaissance et ce qui change actuellement. Pour survivre, dans le film Predator, il faut parvenir à voir ce qui n’est pas visible. Adapté au monde des affaires, cela signifie qu’il faut sans cesse regarder ce qui change et imaginer comment cela dérange mon entreprise. L’idée est de regarder le présent en se projetant dans l’avenir ou dans des bifurcations qui auraient pu arriver. Imaginer comment notre environnement peut changer et comment nous adapterions notre réponse. L’armée pratique beaucoup ce type de scénarios, des jeux de rôles, des jeux de décision tactique qui lui permettent d’anticiper les situations et d’y faire face. Grâce aux jeux, l’armée est plus résistante mentalement et socialement.

Trop souvent, ces transformations, ces scénarios que l’on ne souhaite pas envisager nous déplaisent. Kodak, alors qu’il a inventé la photographie numérique, n’a pas voulu évoquer le numérique et c’est cela qui a fini par tuer la firme. « Les scénarios sont des conteneurs pour traiter le désaccord ». Au final, « il vaut mieux être surpris par la simulation que d’être pris de court par la réalité », estime le consultant.

Mais la prévoyance stratégique n’est pas qu’une question de tactique. C’est aussi une question de créativité et d’imagination. « L’imagination est notre meilleur outil de perception et d’expérience de la réalité », disait le poète William Blake. Pour comprendre comment le monde change, il faut s’intéresser au contexte, estime Raford. Dans les processus de scénarisation, on a tendance à aller de l’extérieur à l’intérieur, du contexte le plus éloigné pour voir comment il impacte directement notre organisation ou notre activité. Mais si on souhaite établir une prévoyance fondée sur l’humain, il faut faire le chemin inverse. Regarder qui sont les utilisateurs, ce qu’ils attendent, ce qu’ils souhaitent. Mark Potts a ainsi raconté comment Bob Kaiser en 1992, alors rédacteur en chef du Washington Post a découvert l’avenir de l’information à l’occasion d’un voyage au Japon. A l’époque les médias numériques étaient encore de la science-fiction, mais il a produit un mémo pour son journal en essayant de proposer un plan d’action pour s’adapter au changement. Mark Potts qui était l’un de ses assistants à l’époque a alors produit un prototype de ce à quoi ressemblerait le Washington Post sur l’internet, en utilisant l’un des premiers logiciels d’Apple. Et la Une imaginée en 1992 ressemble à s’y méprendre à celle du Washington Post en ligne aujourd’hui. La réaction de Bob Kaiser et Mark Potts n’était pas tant de se projeter dans le futur, que de se dire c’est accessible dès maintenant et il faut s’y projeter dès à présent.

Si on prend un tout autre exemple, celui des drones, dont les applications pour l’instant sont surtout militaires : que se passe-t-il si on tente d’en imaginer des applications civiles ? Des designers imaginent alors des choses comme des expériences extracorporelles ou des services de transports rapides de médicaments par exemple. Le TacoCopter est un faux projet, un projet de design-fiction qui imagine la livraison de tacos à San Francisco par drones. Ce prototype peut paraître idiot, mais pourtant, les drones pourraient-ils être demain une solution de livraison dans nos villes congestionnées ? Ces visions alternatives, pas forcément très sérieuses, pourraient-elles se traduire demain par de véritables innovations de services ? Dans les focus groupes et autres activités de réflexion sur les usages et besoins de demain, on se concentre surtout sur le marché actuel, mais cela optimise plus notre compréhension du présent que cela ne permet de prévoir l’avenir. Comme aurait pu le dire Henry Ford, « si j’avais demandé aux gens ce qu’ils voulaient, ils auraient demandé de meilleurs chevaux ». Un focus groupe n’aurait jamais inventé la voiture.

Demain, l’anticipation sera complexe et collaborative

Le web change profondément notre façon de faire de l’anticipation, estime Norah Raford, en faisant référence à la courbe de l’innovation de rupture modélisée par Clayton Christensen dans l’un de ses livres. Et dans les mois à venir, de plus en plus d’outils d’anticipation en ligne vont voir le jour. Norah Raford en veut comme exemple le jeu Connected Citizens lancé par l’Institut pour le futur, qui en 24 heures, lors de son lancement, a permis de récolter quel que 7000 idées de plus de 5000 personnes provenant de 50 pays, sur le changement de gouvernement, en proposant aux gens de réagir à un court scénario en vidéo, comme le ferait un scénario d’anticipation traditionnel, mais ici augmenté de la puissance du réseau. Autre exemple avec le post-card urbanism qui a interrogé l’avenir du transport et de la mobilité dans les villes suédoises, et a utilisé la plateforme développée par Norah Raford, Futurescaper, un outils pour créer de la planification stratégique sur le mode collaboratif. Futurescaper permet de créer des cartes mentales collaboratives. L’idée ici est que chacun puisse créer sa carte mentale autour d’un sujet, lui permettant d’organiser ses idées comme bon lui semble. Ensuite, le logiciel agrège les avis individuels et permet de montrer à la fois là où il y a le plus de consensus et là où il y a le plus de dissensus. Le système permet ainsi une grande variété de contributions et de diversité, tout en offrant une visualisation de la complexité pour tenter à la fois d’appréhender les difficultés et les réponses nouvelles… pour tenter d’offrir un meilleur outil de prise de décision. L’idée du logiciel est de permettre à la fois à chacun d’exprimer ses points de vue et de comprendre comment ils sont liés.

futurescaper
Image : à l’occasion d’un atelier de Lift, Futurescaper a mis en place une démo du logiciel qui a permis à 75 participants d’échanger leurs idées sur les changements à venir d’ici 30 ans, permettant d’accéder à la carte de tendances générées par le logiciel et d’observer son fonctionnement.

Pour Norah Raford, ce type de système est un multiplicateur de force qui nous permettra demain de proposer toute décision à l’évaluation des autres, même les plus anodines, pour saisir toutes les modalités et les implications d’un changement. Cela ne signifie pas pour autant que ce type d’approche peut ne pas être effrayant. L’écrivain de science-fiction John Brunner dans Sur l’onde de choc où il imagine que toutes nos décisions sont externalisées sur le réseau, finit par décrire un état distopique et totalitaire.

« Un monde de participation massif sur les questions complexes arrive », prédit Norah Raford. « Si nous en prenons le contrôle, nous serons à même de le rendre plus agile, de mieux prévoir l’avenir et d’être plus résilients face à ce qui nous attend demain. »


Vidéo : l’intervention de Noah Raford sur la scène de Lift, en anglais.

Expérimenter la résilience

Konstantina Zoehrer (@thirdeye3) est une activiste de l’innovation sociale. Elle est notamment l’initiatrice des start-up Live d’Athènes (des rencontres autour de jeunes entrepreneurs qui se déclinent par localités) et est la cofondatrice de Loft2work, un espace de coworking pour promouvoir l’innovation sociale en Grèce.

Konstantina Zoehrer
Image : Konstantina Zoehrer photographiée par Ivo Napflin.

Désormais, le monde entier connaît la Grèce pour ses mesures d’austérité, son instabilité politique, sa violence, ses manifestations… et surtout pour la pauvreté et l’exclusion sociale qui se sont développées depuis la crise de la dette, rappelle Konstantina Zoehrer. Selon les derniers chiffres de la Commission européenne, le taux de chômage est de 25,1 %, le taux de pauvreté de 27,7 % et les sans-abris seraient au nombre de 20 000.

Konstantina Zoehrer, qui est à moitié autrichienne et a grandi à Vienne, a pensé quitter la Grèce, comme tant d’autres jeunes de son âge qui le pouvaient. Et finalement, elle a décidé d’y faire ses études et y a trouvé son premier emploi dans une agence de communication. Avec la crise, elle s’est demandé si elle devait quitter le pays. Elle hésitait. Elle n’avait pas de réponse à cette question. Elle a eu l’occasion de le demander au premier ministre grec qui lui a répondu que le fait de ne pas partir, de ne pas démissionner, ne pouvait être qu’un choix personnel. En 2011, elle est alors retournée à Vienne pour y travailler… On n’arrêtait pas de lui demander de parler de ce qu’il se passait en Grèce, alors qu’elle n’en avait pas vraiment envie. Et puis, les organisateurs de Start-up live lui ont demandé si elle pouvait lancer le projet là-bas. Visiblement mal à l’aise d’avoir fui son pays, elle a décidé d’y retourner. Et c’est ainsi qu’elle s’est vraiment lancée dans l’innovation sociale avec Loft2work… Les projets, l’ampleur du travail à réaliser l’ont fait rester sur place. Le premier ministre avait raison, confit-elle. « Rester ou quitter la Grèce était un choix personnel ». Alors même qu’elle y retournait, le premier ministre était quant à lui en train de démissionner.

Loft2work est installé dans un quartier industriel défavorisé d’Athènes. Il vise à développer un espace communautaire pour soutenir l’innovation et de jeunes entrepreneurs. Il offre à la fois un espace de travail et de formation. Parmi ses projets, Loft2work envisage de créer un centre de santé local dans un quartier qui ne dispose que d’un seul médecin. Loft2work tente d’aider également les entreprises traditionnelles à résister à la crise. Konstantina Zoehrer a souhaité sortir de sa zone de confort. Elle est revenue en Grèce pour être près des problèmes et aider les gens à les résoudre. « La crise est une occasion pour chercher des solutions auxquelles nous ne sommes pas habitués, différentes de celles qu’on avait par le passé. La crise n’est pas la fin de la Grèce, mais seulement une étape de son histoire, dont elle se relèvera. Elle trouvera le moyen de tirer profit de son capital social et culturel. Et c’est notre responsabilité à nous, grecs, d’aider à libérer ce capital. » Konstantina Zoehrer a participé à l’organisation de deux sessions de Startup live à Athènes pour soutenir et faire parler de l’innovation locale grecque. Elle a organisé des ateliers de conception sur l’employabilité des jeunes et des seniors. Elle a participé à la mise en place de TutorPool un réseau de tuteurs volontaires pour accompagner les jeunes dans leurs études, à Boroume, un réseau pour organiser la distribution de surplus alimentaires en Grèce et éviter les gaspillages, au projet Omikron un projet pour interroger les stéréotypes négatifs sur la Grèce présentés par les médias et amplifiés par la crise, ou encore Future library, un projet pour revivifier l’usage des bibliothèques publiques du pays à un moment où la Grèce en a peut-être plus besoin que jamais. Elle est également très impliquée dans des projets entrepreneuriaux comme Statup Live, ou Matavallon, un programme d’aide au développement de start-ups en Grèce. Mais également dans des projets très orientés business comme Hellas Direct, qui souhaite transformer le marché des assurances grecques ou Symbiosis, une solution technologique pour accompagner patients et médecins aux prises avec la maladie d’Alzheimer.

« Le changement social doit se produire au sein du système », rappelle la jeune entrepreneure. Il ne viendra pas d’en haut. A Athènes, la principale différence pour les start-ups comme pour les associations de l’innovation sociale, c’est qu’il n’y a pas d’argent et que l’aide ne viendra pas de l’Etat. En Grèce, la résilience, c’est maintenant.

Hubert Guillaud

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0 commentaires

  1. Le panel était complexe et c’est très bien résumé.

    J’ajouterai une chose qui m’a frappé avec le propos de Konstantina Zoehrer, c’est que lorsque l’ancien monde n’est plus que ruine, la manière dont les choses se reconstruise participe de « codes entreprenariaux » du web. Un doux mélange d’open-source, collaboration ouverte et lieu d’échange, avec par dessus une bonne dose d’optimisme dans la capacité collective à s’en sortir. J’oserai dire que les valeurs du net fondent le mode d’emploi de la reconstruction. Il y a aussi de ça dans l’histoire du renard et du hérisson et il y aura de ça quand vous parlerez de Dave Gray et de l’art de faire du compromis quand on est agile …