Passer des stratégies identitaires aux stratégies relationnelles

« Le risque qu’ouvre la nouvelle sociabilité numérique est-il sans doute moins d’introduire de l’inauthenticité dans les relations sociales que de creuser encore l’écart entre ceux qui savent jouer avec leurs identités dans la conquête de nouveaux liens et ceux qui restent enclavés dans des relations de proximité qui les immobilise », expliquait le sociologue Dominique Cardon dans son « Éloge des amitiés numériques ». Savoir jouer de son identité numérique et des relations qu’elle induit à travers la multitude des sites sociaux que nous utilisons quotidiennement devient en effet une compétence différenciante.

Aucun des médias sociaux que nous utilisons n’est neutre : Facebook, Twitter, Google+, Linked-in, Viadeo ou Foursquare, ont, dans la manière même dont ils sont construits et se proposent à nous, des intentions qu’il n’est pas toujours simple de décoder. Nous ne les utilisons d’ailleurs pas de la même façon. Et l’enjeu est bien celui-ci : tenter d’avoir une utilisation optimale du média pour qu’il serve les buts qu’on lui assigne. Cela signifie que pour les utiliser, il faut à fois savoir jouer de nos identités et jouer de leurs capacités relationnelles, afin qu’ils ne nous enferment pas dans les relations de proximités qui sont déjà les nôtres. Il s’agit donc de passer des stratégies identitaires aux stratégies relationnelles.


Image : page d’accueil du Digital Society Forum lancé par Orange, Psychologies Magazine et la Fing.

A chaque média, une stratégie

Si, depuis l’émergence du web 2.0 on a beaucoup insisté sur la gestion de sa réputation en ligne, on voit peu d’explications sur les stratégies relationnelles à mettre en place pour optimiser l’utilisation de ces outils. Et pourtant, puisque, par définition, tout ce que nous y faisons est public (« sur un réseau social, on mène une vie… sociale », nous rappelle le journaliste Jean-Marc Manach), les réseaux relationnels qu’on y tisse sont importants. Cela signifie, que, le choix des personnes avec lesquelles on entre en relation selon la plate-forme qu’on utilise est primordial.

Pourquoi sur Facebook devrions-nous mêler à la fois nos relations familiales et nos relations de travail ? Devons-nous nous mettre en relation avec de parfaits inconnus ou ne suivre que des gens que l’on a déjà croisés ?… On voit bien que ceux qui tirent le meilleur parti des médias sociaux établissent des stratégies pour les utiliser. Pour partager des contenus d’ordre familiaux, rien ne vaut un blog privatif, sur lequel ne seront invités que des proches et dont les contenus ne seront pas indexés par les moteurs de recherche. Pour s’amuser et délirer avec des amis, rien ne vaut un blog contributif où les auteurs resteront relativement anonymes derrières des pseudonymes. On peut utiliser Facebook pour se mettre en relation avec des professionnels de son secteur, que l’on ne connaît pas, pour, quand on se rend sur le site d’un grand média, bénéficier de leurs repérages d’articles de presse dans le champ de compétence qui nous intéresse par exemple. On peut utiliser Linked-in pour se mettre en relation avec une masse de professionnels de son champ d’activité pour pouvoir les utiliser le cas échéant, lors d’une recherche de nouveau poste par exemple. On peut utiliser Viadeo pour être connecté avec les professionnels de son territoire, toute activité confondue, afin de pouvoir avoir une autre action de dissémination d’information avec eux… Sur Foursquare, il est primordial d’être amis avec des utilisateurs locaux qui vont optimiser la connaissance que vous pouvez avoir de votre quartier… D’autres utilisateurs privilégient les dédoublements de personnalité, utilisant plusieurs comptes par sites sociaux avec des identités parfois différentes et non liées entre elles (un compte avec un pseudo pour parler politique, un compte uniquement pour jouer, un compte plus professionnel avec son vrai nom…).

Selon la plateforme qu’on utilise ou le réseau relationnel qu’on y construit, il faut savoir poursuivre des buts et les différencier les uns des autres. Pire, quand les gens avec lesquels vous êtes en relation, demain, auront un impact sur votre capacité à emprunter par exemple, l’usage des algorithmes relationnels vous imposera de prêter attention à la base des gens avec lesquels vous êtes en relation.

Cela ne signifie pas que les frontières entre ces différents espaces ne doivent pas être plus ou moins poreuses, mais bien que l’utilisation de chacun de ces espaces nécessite de construire une stratégie pour servir ses propres objectifs. C’est bien ce que nous disait Dominique Cardon. Si ces réseaux numériques sont une chance pour chacun de nous, il est nécessaire d’apprendre à les optimiser afin qu’ils ne nous enferment pas obligatoirement dans les relations qui sont déjà les nôtres, mais au contraire, qu’ils nous permettent de les étendre, d’en démultiplier le potentiel. C’est toute la force de frappe des liens faibles !

Hubert Guillaud

InternetActu.net est partenaire du Digital Society Forum lancé en partenariat avec Orange (notamment via le département Sense d’Orange Labs), Psychologies Magazine (notamment via le blog d’Anne Pichon) et la Fing, éditeur d’InternetActu.net.

Le but de ce forum est de porter un éclairage sur les changements sociétaux induits par le numérique, au travers de plusieurs sujets lancés tout le long de l’année. Le premier sujet portait sur les nouvelles relations induites par le numérique. Et parmi les contributions apportées au débat, nous avons soumis cette tribune qui nous invite à passer des stratégies identitaires, c’est-à-dire de la gestion de son identité numérique, aux stratégies relationnelles, visant à porter attention aux gens avec lesquels nous sommes en relation en ligne.

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0 commentaires

  1. Je suis tout à fait d’accord sur le fait qu’il fut utiliser les médias sociaux en respectant leur propre particularité. Cela permet d’en tirer des avantages comme la visibilité sur le web.r