Indicateurs urbains, outils de pilotage de la ville

Il n’est pas toujours évident pour un conseil municipal de répondre à des questions budgétaires simples comme de connaître l’évolution d’une ligne de dépense dans le temps, rapporte Data Smart City Solutions. C’est pour cela que la ville de Palo Alto a lancé son Open Budget (budget ouvert), un outil qui permet d’accéder aux dépenses et revenus de la ville lignes budgétaires par lignes budgétaires depuis 2008. Un outil qui ne sert pas seulement la transparence locale, mais aussi le pilotage de la vie locale et qui a eut un tel succès que la startup qui l’a imaginé, OpenGov, l’a depuis proposé à une centaine de villes américaines.

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Image : capture d’écran du budget ouvert de Palo Alto.

Dans un billet plus ancien du blog du programme Data Smart City Solutions, le site revient sur un autre outil de pilotage urbain, le WindyGrid de la ville de Chicago, une application cartographique conçue pour les employés de la ville qui facilite l’accès à toutes les données de la ville, un système d’information géographique unifié qui permet de suivre les incidents et de procéder à des analyses en temps réel ou sur la durée comme de visualiser l’historique des incidents sur un secteur géographique donné, suivre l’avancement de l’entretien des rues, etc.

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Image : capture d’écran du WindyGrid de la ville de Chicago.

Le géographe Rob Kitchin (@robkitchin) responsable du programme “La ville programmable » a publié sur Slideshare une très intéressante présentation critique sur les indicateurs urbains qui revient notamment sur un rapport (.pdf) récent du cabinet Jones Lang Lasalle faisant le point sur quelques 150 tableaux de bord urbains.


La présentation de Rob Kitchin sur les indicateurs urbains.

Kitchin et son équipe ont créé via le programme Airo, un tableau de bord pour la ville de Dublin qui rassemble la plupart des indicateurs existants (ce tableau de bord n’est pas accessible au public). Mais autant de tableaux de bord, autant d’objectifs, souligne le géographe. Même si des efforts de normalisation (pour permettre d’établir des comparatifs) existent (à l’image de l’initiative CityIndicators), le chercheur rappelle combien ces données sont surtout normatives, tant sur ce qui devrait être mesuré, que sur les effets qu’elles sont censéées produire sur le pilotage de l’action publique. Et le chercheur de rappeler que les données sont surtout réductionnistes : elles mesurent certains phénomènes au détriment d’autres. Leur développement remet en cause ou minore d’autres types d’enquêtes et d’instruments qu’utilisent les villes, comme les études et les sondages… Enfin, il souligne que ces indicateurs se révèlent souvent opaques tant dans leurs méthodes que leurs sources. Mais ces critiques n’empêchent pas ces projets de tenter de se traduire en politique notamment parce que leur usage semble renforcer la rationalité des décisions politiques… Dans certaines municipalités où ils sont utilisés, ces tableaux de bord favorisent de nouvelles formes managériales, où les chiffres sont utilisés pour discipliner les résultats. Dans d’autres, ils ont un rôle pour apporter du contexte plutôt que de simplement mesurer la performance, ce à quoi ils servent encore trop souvent. C’est là pour l’instant toute la limite de ces nouveaux outils de pilotage des politiques urbaines.

Hubert Guillaud

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  1. Pour le professeur d’architecture de l’université de l’Illinois à Chicago, Sam Jacob, la démultiplication des classements de villes en fonction de paramètres précis joue un rôle très particulier, explique-t-il dans une tribune pour le magazine DeZeen. Ils présentent la ville à travers une lentille comptable, une lentille d’entreprise, pour mesurer sa compatibilité avec le corporatisme mondial. Censés être innocents ou objectifs, ces classements mesurent des attributs censés qualifier de « bonnes » villes, reposant sur la qualité des transports en commun, la connectivité, la présence d’espace verts, d’écoles, la faible pollution, la faible criminalité… Mais toutes les villes peuvent-elles se mesurer sur ces critères ? Quelle vision du monde ces critères impliquent-ils ? Le langage utilisé par ces mesures – habitabilité, durabilité, agréabilité – toujours liées à la performance, sont formulées d’une manière qui présente la ville comme un catalyseur de croissance, comme un incubateur où développer des entreprises, comme des entités concurrentielles livrées à l’investissement privé… et favorisent l’idée que les villes commencent toutes à se ressembler. Le pire, justement est que les villes commencent à ressembler à ces classements qui ont été à l’origine destinés à les mesurer…

    « En donnant la priorité à la mesure sur la vision, aux données sur la compréhension, les classements démontent le rôle de la planification comme un outil actif et inventif de la création urbaine. Les métriques (…) sont des outils anti-urbains. Elles ne nous laissent pas intervenir dans la ville et encore moins imaginer des futurs urbains alternatifs. »

    Cela ne signifie pas que nos villes ne doivent pas devenir plus vertes, plus vivables ou plus intelligentes, mais le culte des métriques urbaines risque surtout de nous mener dans l’impasse de formes de villes uniques : l’hégémonie de la ville verte intelligente. Comme s’il était le seul modèle face à des milliers d’années d’invention urbaine spécifiques.