UpFing06 : Le phénomène Skyblog

Le phénomène Skyblog illustre à lui seul un des paradoxes forts de l’EntreNet : d’un côté une plateforme organisée à dessein en vase clos, n’autorisant ni le RSS, ni les rétroliens ; malgré cela, des usages multiples fondés sur une expérience de plus en plus en sociale du web et des pratiques massives qui trouvent leur valeur dans l’échange et la communication entre individus et groupes.

Dit autrement : « il n’y rien de plus web 1.0 que les Skyblogs », et pourtant, nous sommes là au coeur de l’EntreNet (qui n’est donc décidément pas synonyme de « web 2.0 »).

L’atelier « La cité Skyblogs », qui a rassemblé une quinzaine de participants, se donnait pour objectif premier de dresser un panorama des principaux usages des Skyblogs. Il a principalement servi à faire la peau à de nombreux clichés qui entourent le phénomène Skyblogs.

Qui sont-ils ?
Fin mai 2006 , on recensait 4 800 000 Skyblogs mais « seulement » 2 900 000 pseudonymes : une seule personne peut posséder plusieurs Skyblogs, voire d’ailleurs plusieurs pseudos. A la lumière des travaux d’Hélène Delaunay-Téterel, doctorante à France-Télécom R&D sur les principaux usages des Skyblogs, deux chiffres frappent d’entrée : 97 % des skyblogueurs sont âgés de 12 à 18 ans, ce qui n’est pas inattendu, et 60 % des skyblogueurs sont des skyblogueuses, ce qui l’est plus !

Hélène Delaunay-Téterel, de France-Télécom R&D, interviewée par Renaud Francou pour InternetActu.net, durée 5’22.

Qu’y font-ils ?
Les usages sont schématiquement de deux types : communication/échange et production de contenus.

L’usage principal consiste à communiquer et échanger avec son groupe de pairs, son réseau (on parle de « communication continue »), mais aussi et dans une moindre mesure, avec des inconnus. « C’est lorsque l’on reçoit un commentaire d’un inconnu sur son blog que commence véritablement l’aventure », témoignait Pierre Bellanger, PDG de Skyrock, lors d’une récente conférence aux « Mardis de l’innovation » du Conservatoire national des Arts et Métiers.

On crée avant tout un Skyblog pour être présent auprès de son cercle d’amis ; l’idée n’est pas d’abord de rencontrer des inconnus comme sur les salons de tchat, mais bien de communiquer avec ses proches, comme l’a souligné Nathalie Raybaud, la skyblogueuse qui a accepté de participer à l’atelier (qu’elle en soit remerciée mille fois tant sa fraîcheur a été utile pour éclairer les travaux !). Dès sa création, le blog s’ancre dans un réseau de « Skyblogs préférés » dont la construction relève plutôt un art de la gestion des liens sociaux que d’une évaluation portant sur la qualité intrinsèque des blogs vers lesquels on lie.

Le « Sky » génère ensuite des contenus plutôt intimes, donc gérés en conséquence (on parle d' »album photo interactif »). On y présente son réseau personnel, on se situe soi-même dans ce réseau et on y fixe la place de ses relations. Pour Olivier Trédan, doctorant en information-communication à l’IUT de Lannion : le Skyblog est « autant un moyen de se faire connaître et que de connaître les autres ». Enfin, on y partage ses goûts culturels, puis dans une mesure moindre, ses opinions et prises de position.

Quelle place occupe le Skyblog ?
L’appropriation et l’usage du Skyblog s’inscrit dans une trajectoire d’usage des outils de communication électroniques.

La plupart des adolescents possède aujourd’hui un téléphone portable et bon nombre d’entre eux accède facilement à une connexion internet. Les usages du téléphone, via le SMS le plus souvent, et de l’internet, via les tchats (voir à ce propos les travaux (.pdf) de Céline Metton, chercheuse à l’Ecole des hautes études en sciences sociales) et MSN, ont précédé l’usage du Skyblog. Mais ces outils ne sont pas pour autant aujourd’hui délaissés au profit d’une seule concentration autour de la communauté Sky. On crée un Skyblog pour se rapprocher de son réseau, pour en cimenter les relations. Le blog complète le panel des moyens d’échange, en étant plus asynchrone, plus profond dans le contenu. En revanche, sa pratique est bien moins fréquente que celle de la messagerie instantanée : la mise à jour d’un Skyblog est le plus souvent hebdomadaire. Bref, on est plutôt dans une logique de complémentarité voire d’entrelacement des pratiques et des outils, avec un choix assez construit des publics respectifs de chaque outil.

La pratique du Skyblog évolue avec l’âge. Le blog est un « lieu de passage » pour un ou plusieurs « moment(s) adolescent(s) ». Il contribue à la construction de son identité, et en organise une sorte de permanence, par exemple lors de moments de transition comme un changement d’école. D’ailleurs, passé l’âge « ado » (donc approximativement vers 18 ans), ceux qui souhaitent continuer à blogguer le feront sur d’autres plates-formes qui leur offrent un panel de fonctionnalités plus complet et plus ouvert.

Olivier Trédan rappelle également quelques spécificités de la plate-forme Skyblogs qui expliquent en bonne partie son succès (voir à ce sujet la vidéo de la conférence organisée par Doc Foru le 25 mars 2006). Dans l’ensemble, il s’agit d’une communauté largement auto-centrée autour d’elle-même et de la radio Skyrock. Les Skyblogs ne sont qu’un maillon de l’ensemble des outils de communication proposés par le média Skyrock qui inclut également des services de tchat sur l’internet ou par SMS, de rencontres, d’entraide scolaire ou de petites annonces mais aussi, en tirant les leçons de l’expérience mitigée de Joueb (première plate-forme de publication sur le web) qui n’a pas connu le succès espéré, notamment parce qu’ouverte vers l’extérieur. Pierre Bellanger parle lui-même de « radiocommunauté », fédérée par une double interaction « public/radio » et « public/public »… On est dans une logique de médiation très forte dans laquelle, outre le fait qu’il est difficile d’établir des liens vers « l’extérieur », il y a une très faible distinction entre le contenu et la personne qui écrit. Là encore, un des facteurs clefs du succès de la plate-forme Skyblog est son quasi-monopole actuel auprès du public « ado ». Le réseau attire les réseaux…

Font-ils n’importe quoi ?
Les Skyblogs ont la réputation d’être surtout pleins d’images, et « mal écrits ».

Patrice Flichy, directeur du Laboratoire Techniques, territoires et sociétés (Latts), rappelle que les journaux intimes « papier » sont déjà pleins d’images (voir à ce sujet l’ouvrage collectif Ecritures ordinaires publié dès 1993 sous la direction de Daniel Fabre, Amazon). Il s’agit moins, au travers d’elle, d’illustrer que de stimuler l’imaginaire comme l’a notamment montré Philippe Lejeune, spécialiste du récit autobiographique.

Sur la sempiternelle question du langage, Olivier Trédan souligne que « 50 % des Skyblogs sont mal écrits » (ceci incluant le langage SMS, dont le statut de « malécriture » peut se discuter). Un chiffre relativement rassurant au regard des idées reçues mais tout de même significatif. La démarche d’éducation critique aux médias est par ailleurs une des missions du magazine en ligne Blogomag, qu’Anne-Claire Orban est venue présenter et qui se donne pour objectif de sensibiliser les jeunes à une attitude critique sur l’internet, vis-à-vis de leurs propres productions comme de celles auxquelles ils accèdent en surfant.

En définitive, les Skyblogs sont en général plutôt sages et conviviaux, remarque Hélène Delaunay-Téterel : « S’il y a bien une mission que l’on a l’impression d’accomplir en tant que chercheur, c’est de casser l’image de violence et de transgression qui est accolée aux Skyblogs. Pour la très grande majorité, il s’agit de bien autre chose. » Des propos repris par Jacques-François Marchandise, directeur du développement de la Fing, qui souligne pourtant l’extrême tension que ce sujet, et les usages de l’internet en général, suscitent par exemple chez les acteurs de l’éducation, mais aussi auprès des parents…

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0 commentaires

  1. tro dla bal ! mèm ce ki sav ecrir i kif skyblog, ta vu. tu pe ecrir çan ecrir tu voi. mdr. education critik, critik de l’education, ta vu. je kif le rap sur le sky du roc tu voi. respé. special dedikas a mon clavier. respect ta vu. mediation kif avek ponion. tu voy.

  2. incroyable, ces gros loseurs de jeunes sont sur skyblog alors qu’il n’y a même pas le rss ni les trackback ! mais comment peuvent-ils supporter de telles privations de libertés !

  3. Après lecture de l’article qui résume bien les échanges, 2 réactions à chaud :
    1/ Il est difficile de parler a priori d’expérience mitigée pour l’expérience de Joueb, ou du moins mesurer son succès à l’aune de celui de Skyblog. L’objectif de Stéphane Gigandet fondateur de Joueb n’est pas celui de Pierre Bellanger, fondateur de Skyrock.
    2/ Je n’ai pas prétendu que 50% des skyblogs étaient mal écrits, mais que 50 % utilisaient un langage hybride entre chat et SMS. Celui constitue une pratique transgressive par rapport à la norme du langage conventionnel (ce à quoi semble s’adonner Rémi dans un espace où les auteurs sont traditionnellement soucieux de « bien écrire » pour garder la face). Il s’agit d’un langage vernaculaire qui prend ton son sens dans les interactions au sein de la plate-forme Skyblog. Mais le point sur lequel il est bon d’insister est le décalage existant entre la réalité de cette pratique langagière et l’image symbolique qui se cristallise autour de Skyblog, décrié, jugé comme un espace sur le web qui ne présenterait aucun intérêt puisque « les jeunes ne savent plus écrire ».

  4. Il serait intéressant de disposer d’une analyse du nombre moyen de mots utilisés par les Skyblogueurs. Au-delà de la forme que peut en effet prendre ce langage d’un nouveau genre (vernaculaire ou vernacul’r.. pourquoi pas si l’espace est limité..?), on aurait là une indication sur la palette des nuances que nos « djeunes » expriment pour l’occasion quand ils évoquent leurs sujets de prédilection.

    Vernaculaire selon Wikipedia : « Le mot vernaculaire vient du latin et signifie « relatif aux esclaves nés dans la maison ». » http://fr.wikipedia.org/wiki/Langue_vernaculaire

    Et si c’est affaire de trajectoires, de lieux de passage initiatiques, et s’il est vrai qu’on voyage mieux léger… quand même…

  5. Oui, mais on peut même aller plus loin. La variation des termes utilisés constituerait certes un indicateur, mais il faut également prendre en compte l' »art » ASCII, qui constitue dans le cas des Skyblogs une pratique qui peut être assimilés dans une certaine mesure aux échanges non-verbaux dans les dynamiques d’interaction et de présentation de soi.
    Mais la difficulté vient de la possibilité de rendre intelligible cette palette des nuances dans la mise en scène des émotions et est double. D’une part vis-à-vis de la « communauté » des skyblogueurs, il n’est pas possible de postuler une homogénéité de la jeunesse. D’autre part, il faudrait déterminer à l’aune de quel autre groupe social la comparer. La piste la plus pertinente est certainement de s’en servir pour mesurer l’habitus de classe dans les trajectoires sur Skyblog et hors Skyblog.
    Cela aurait sans doute pour vertu de faire éclater l’homogénéité si souvent prétendue des skyblogueurs, qui n’est finalement homogène qu’en apparence, du fait de la médiation technique.

  6. Complètement d’accord avec le dernier paragraphe sur le mirage de l’homogénéité trop simplement « pratique » pour en juger. Ceci étant, et puisque l' »art » est évoqué, je ne peux m’empécher de m’interroger et de me poser une autre question dans la foulée.
    Jusqu’à pas plus tard qu’aujourd’hui encore, des politiques de tous bords s’extasient devant ces « formidables » moyens d’expression, que porte en germe la culture hip-hop : le rap, les « graphs »… Force est de constater que si depuis des années maintenant la même Skyrock encense le rap, et que si des centaines de kilomètres de voies ferrées affichent haut en couleurs les doléances des jeunes banlieusards, ça n’aura pas, et de loin, empéché les banlieues en question de flamber.
    Et puis il serait intéressant de savoir si et comment les communautés de Skybloggueurs porte un regard sur leurs propres pratiques, étant entendu également sur les finalités. Ces technologies et leurs usages, pour quoi faire ? Outils de dialogue, d’échange, de partage… d’accès à la « connaissance » ? Moyens pour se joindre à Une grande communauté communicante ? Vecteur d’émancipation..? Combien de skybloggueur liront cet article d’InternetActu ?

  7. Pour tenter d’apporter de l’eau au moulin des deux interrgoations :
    1/ les ploitiques parlent de la jeunesse de manière unifiée. Ce d’autant plus que nous sommes dans un contexte très particulier, celui d’une campagne pour la présidentielle, où tout est susceptible d’être construit et porté en « problème » public, qu’un « fait de société » soit encensé ou décrié. Mais la culture hip-hop diffusée par Skyrock n’est pas unifiée. Elle est certainement plus complexe, dans la mesure où les références diffusées par la radio peuvent en partie être rejetées par une franche des protagonistes de cette culture. N’oublions pas qu’à l’automne, pendant que certains s’exprimaient en brûlant des voitures, d’autant, au même moment étaient derrière leur écran à s’exprimer sur les Skyblogs… Quels points communs? De plus, ce qui ont fait flamber les banlieues ne sont pas sans doute pas ceux qui ont mis les murs autour des voies ferrées sous les « bombes ». La réalité est complexe, l’enjeu pour les politiques est de décomplexifier cette réalité pour se l’approprier, et offrir des cadres d’interprétation dans lequel tout le monde est susceptible de se retrouver.
    2/ Pour le deuxième point, c’est tout l’enjeu des différentes thèses mises en chantier. C’est sans doute toutes ces dimensions à la fois, selon des agencements très complexes. Les blogs sont un espace d’une nature complexe, puisqu’à la fois, ils sont référentiels (les ados s’en servent comme des albums photos, où le contenu n’est compréhensible que pour ce qui partagent les mêmes dimensions spatio-temporelles, dans le cadre d’interactions de visu) et signifiants (se structurent un monde social qui prend partiellement son sens dans les interactions en lignes – lignes de conduite, rites, normes de publication, etc…). Mais certainement le plus évident, ces mondes (les skyblogs et la FING par exemple) sont agencés selon une coexistence pacifique, sans mouvement d’incorporation. Ils constituent différentes réalités, dans la mesure où finalement nous ne savons que peu de choses en dehors de l’existence de ces blogs d’ados et inversement. 😉

  8. Rapide réponse. Un détail : je ne suis pas certain que la réalité soit « décomplexifiable », que ce soit souhaitable, ni que cela puisse se faire sans poser de point de vue (voire quelques) qui ne soit pas dogmatique(s). Cette question du « point de vue », de la perspective adoptée, me semble essentielle. Quand Ted Nelson, ou Vannevar Bush avant lui, ont imaginé l’hypertexte, il semble qu’ils étaient motivés par une problématique, celle de permettre justement la multiplicité des points de vue, en environnement informationnel complexe, aux auteurs et lecteurs de ces medias qu’ils appelaient de leurs voeux. Les possibilités de maillage des Skyblogs sont assez limitées semble t’il, des espaces assez plats. Il semble que la perspective génitrice donne surtout à voir un business model efficace, bandeaux de pubs et éloges diverses et croisées à l’appui. Si Mac Luhan avait raison, le message est drôlement unifié malgré tout… Pour autant, je me garderai bien de penser que les usagers de ce service constituent une masse homogène, et j’entends bien que cet espace soit du pain béni pour de multiples objets d’études : pour les sociologues, les psychologues, les politiques, les marchands de CDs et de réseaux « sociaux ». Bref : hâte de découvrir les prochains résultats des études en cours 😉

  9. bonjour.
    skyblog ma donné la possibilité de crée mon blog rapide, J’ai 60ans parapentiste depuis 10 ans, mes photos de voyage, mes potes, la nature, cela me suffi.
    alors les site bloqué la possibilité de ne pas faire ce que l’on voudrais moi!!!skyblok me suffis.alors merci à skyblog

  10. on parle des skyblogs mais il existe aussi les cowblogs, il ne faudrait pas l’oublier, ils sont d’ailleurs incomparablement mieux et ceci à tous points de vue (et là bas, on sait écrire)

  11. C’est vraiment impressionnant ! J’ai créé un outil WYSIWYG (le BBComposer) que j’ai porté pour les Skyblogs, je vais voir si ça plaît.

  12. on parle des skyblogs mais il existe aussi les cowblogs, il ne faudrait pas l’oublier, ils sont d’ailleurs منتدى بناتى incomparablement mieux et ceci à tous points de vue (et là bas, on sait écrire)