UPFing06 : Médias localisés

Yellow ArrowPour introduire l’atelier Médias Localisés , Nicolas Nova, doctorant à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, propose un tour d’horizon par l’exemple de la notion de « média localisé » (voir également le dossier que nous avions consacré à ce sujet) : Yellow Arrow , qui permet de lier un contenu numérique à un lieu, via son mobile ; le jeu Can You See Me Now dans lequel les joueurs poursuivent des avatars virtuels dans une ville réelle ; en passant par des usages plus low-tech comme le craiefiti, qui permet de marquer à la craie, sur les murs et les rues réelles, l’existence de réseaux Wi-Fi. Pour Nicolas Nova, cette diversité de pratiques ne prend néanmoins pas en compte la dimension diachronique des usages (l’inscription de messages sur des lieux est vieille comme les peintures rupestres) ni la proportion d’utilisateurs concernés (ces technologies sont encore réservées à une population restreinte de geeks).

Les médias localisés se définissent par l’influence de l’espace et de ses caractéristiques sur notre comportement. Nous laissons tous des traces (empreintes de pas, graffitis…) ou agissons à partir d’indices (une file d’attente devant un magasin, un restaurant bondé) qui orientent nos comportements. En ce sens, les médias localisés proposent, entre autre, de laisser ou de décoder des indices sociaux dans l’espace, d’une manière plus instrumentée, plus explicite et plus aisément communicable à un grand nombre de personnes, sur place comme à distance.

Yann le Fichant a insisté sur l’importance de la géolocalisation personnelle lors de la visite d’une ville par exemple. Il a créé l’entreprise Voxinzebox , qui propose plusieurs services de navigation sur téléphone GSM, 3G et sur PDA. D’après lui, la maturation des services de géolocalisation, l’engouement autour des outils de navigation personnels (comme les mini dispositifs GPS mobile), et les possibilités offertes par les services composites (comme ceux issus de googleMaps ou, on l’espère, du Géoportail de l’IGN), annoncent l’émergence d’un grand nombre de services innovants.

Cyril Burger, chercheur au service recherche et développement de la RATP, a évoqué les questionnements et enseignements de sa thèse récemment publiée. A travers une étude ethnographique, Cyril a observé une modification des comportements suite aux différents usages du téléphone mobile dans le métro. Les trajectoires habituellement fluides des utilisateurs du métro, deviennent errantes quand les téléphones mobiles sont utilisés. Suivant les usages, SMS, jeux, ou communication, les trajectoires sont différentes, la gestuelle se modifie, et une recherche d’espaces « privés » dans le flux se met en place.

Enfin, Georges Amar, responsable de l’innovation dans les services à la RATP, a proposé de débattre autour des nouveaux axiomes du métro du XXIe siècle. Comment le métro de demain pourrait-il s’appuyer sur la foule comme ressource ? Comment l’échange peut-il devenir un nouveau paradigme de la mobilité urbaine ? Là où tout était optimisé pour fluidifier les déplacements des voyageurs, les stations, gares et souterrains sont appelés à devenir de nouveaux lieux d’échanges. Ce qui signifie que les métiers de la RATP vont évoluer : l’agent ne sera plus un régulateur du flux (cette tâche incombera aux machines : poinçonneurs, conducteurs, guichets… automatiques) mais un facilitateur de l’échange. La création de valeur ne sera plus liée au gain de temps, mais aux possibilités nées de l’échange. Ainsi, il pourrait être pertinent de tirer parti de la présence des usagers : notamment d’avoir une signalétique basée sur leurs comportements et sur les traces qu’ils laissent ou pourraient laisser dans l’environnement. On pourrait ainsi imaginer des « Yellow Arrows » dans le métro qui permettraient d’avoir différents niveaux d’information suivant les besoins et contextes des utilisateurs.


Georges Amar, responsable de l’innovation dans les services à la RATP, interviewé par Thierry Marcou, durée 3’00.

Suite aux présentations, la discussion a surtout porté sur le thème de la mobilité. Pour Yann Le Fichant les médias localisés peuvent à la fois être utiles avant un déplacement (préparation), pendant (demande d’informations additionnelles, besoin de découvertes ou de rencontres) ou après celui-ci (souvenir, remémoration). Mais comment se retrouver dans un univers mobile ? Comment intégrer des événements en temps réel dans Google par exemple ? Comment intégrer un monde en continu tel que le montre EarthTV ? Comment localiser la foule ou les embouteillages pour les éviter (ou les rejoindre) ?

Les contextes d’usage ont été plus discutés que les services innovants ou à venir. Peut-être faut-il voir là l’échec de beaucoup de services dans leurs versions précoces (localisation d’amis en temps réel, post-it virtuels associés à des lieux), alors que d’autres ont réussi (annotation de lieux a posteriori dans FlickR, usage massif des navigateurs personnels…). Les participants se sont enfin demandé qui innove dans ce domaine. Christophe Aguiton, de France Télécom R&D, a souligné le fait que les acteurs classiques (opérateurs téléphoniques notamment) ont bien du mal à innover, englués dans des problématiques techniques (cartes SIM de téléphones bloquées, manqué d’interopérabilité, difficulté de compatibilité de différents modèles). Mais comme le signale Nicolas Nova, c’est peut-être par le biais d’acteurs impliqués dans les problématiques de mobilités plus que dans celles de réseaux que viendront les innovations.

Nicolas Nova et Fabien Eychenne

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