Réseau, tout est réseau – Alexander Galloway

Sur son blog, le théoricien critique des médias, Alexander Galloway (que nous évoquions dans Les échecs (et les nouveaux espoirs de la théorie des Nouveaux médias et qui vient de publier Laruelle : contre le digital), nous explique d’où vient son pessimisme des réseaux.

“Le pessimisme des réseaux repose sur deux hypothèses de base : (1) "Tout est réseau” ; (2) “la meilleure réponse aux réseaux est plus de réseaux”. 

Le fait que tout aujourd’hui soit réseau est une sorte de fondamentalisme de base du réseau. “Il affirme que tout ce qui existe dans le monde apparaît naturellement sous la forme d’un système, d’une écologie, d’un assemblage, d’une somme, d’un réseau”. C’est le nouveau méta-récit du post-modernisme. La seconde hypothèse est également manifeste partout.

“En théorie militaire, la guerre réseau-centrée est la meilleure réponse aux réseaux terroristes. Dans la philosophie Deleuzienne : le rhizome est la meilleure réponse à la multiplicité schizophrène. Dans le marxisme autonomiste : la multitude est la meilleure réponse à l’empire. Dans le domaine de l’environnement : l’écologie et les systèmes sont la meilleure réponse à la colonisation systémique de la nature. En information : les architectures distribuées sont la meilleure réponse aux goulets d’étranglement de la connectivité. En économie : les économies d’envergures hétérogènes sont la meilleure réponse à la nature distribuée de la longue traîne.”

Pourquoi Alexander en est-il pessimiste ? Parce qu’à mesure qu’il se déploie, le réseau maintient un dogme particulier, une étroitesse d’esprit, comme si tout s’expliquait et se résolvait par le réseau. Il remarque d’ailleurs que la pensée de réseau est allergique à l’historicisation. Que leur avènement arrive à “la fin de l’histoire” (et ce d’autant plus qu’ils aident à mettre fin à cette histoire). L’espace et le paysage prennent le pas sur le temps et l’histoire. Le tournant spatial de la postmodernité va de pair avec un dénigrement du “moment temporel” des mouvements intellectuels précédents. 

Rien que de logique, estime le théoricien. A l’âge de l’horlogerie, l’univers était un mécanisme. A l’heure de la machine à vapeur, le monde est devenu une dynamo. Les infrastructures technologiques ont toujours été des métaphores séduisantes. A l’ère des réseau, elle est la nouvelle métaphore, et qu’importe si elle oublie tout ce qui ne l’est pas, notamment le pouvoir. Les réseaux sont pensés et conçu comme des choses non-idéologiques dans leur conception et post-idéologiques dans leur architecture. Quand tout est réseau, alors il n’y a aucun échappatoire. Le pessimisme de réseau est un défaitisme, en ce sens que les réseaux deviennent l’alpha et l’oméga de notre monde. 

Pour Galloway, c’est un pessimisme auquel nous ne devrions pas céder. Les réseaux ne sont que l’architecture la plus courante, la plus populaire ou la plus naturelle… Mais tout n’est pas réseau. Nous ne devrions pas penser que les réseaux sont toujours la meilleure réponse aux réseaux. Nous ferions mieux de poser des questions difficiles : Quel est le sort politique des réseaux ? L’hétérogénité et le systémique ont-ils survécu au XXe siècle ? A quoi ressemblerait un avenir sans réseau comme guide ? 

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