Chiffrement : le débat s’envenime – Zdnet.fr

Si les investigations de la police tendent plutôt à montrer que les terroristes qui ont commis les attentats à Paris communiquaient “en clair”, la question de l’interdiction du chiffrement ne cesse de revenir sur le devant de la scène, explique Guillaume Serries pour Zdnet.

Sur Medium, le professeur de droit et spécialiste des réseaux, Jonathan Zittrain (@zittrain), a publié une lettre ouverte au premier ministre britannique David Cameron fer de lance contre le chiffrement et qui proposait récemment que les applications soient tenues de rendre les communications de leurs utilisateurs accessibles aux autorités. 

Depuis 30 ans, la question de l’écoute par les autorités est restée bien balisée, rappelle Zittrain. Les autorités avaient besoin d’un mandat pour surveiller un citoyen. Et cet équilibre était plutôt satisfaisant. Mais les nouvelles technologies l’ont mise à mal. Or, permettre l’accès à toutes les communications ne va pas prolonger cet équilibre entre sécurité et vie privée. Il va le renverser. 

Le problème, estime Zittrain, c’est que l’écosystème ouvert de l’internet n’a rien à voir avec le monde fermé de la téléphonie : il est beaucoup plus décentralisé. Ce qui marchait dans l’un ne marchera pas nécessairement dans l’autre.

Contrairement au monde de la téléphonie, il suffit de changer d’application si on n’est pas content de son fonctionnement. Le risque est d’engager un jeu de chat et de souris infini, comme on le connait avec ceux qui téléchargent des contenus culturels illégalement. Le gouvernement peut peut-être arrêter WhatsApp parce qu’il appartient à Facebook, mais son code peut être reproduit très rapidement et les systèmes de ce type peuvent se démultiplier en un instant, via des entreprises qui ne seront peut-être ni européennes ni américaines…

Rendre toutes les communications non-chiffrées expose toutes les communications. Ce qui est valable pour les autorités de Grande-Bretagne le devient aussi pour les pire Etats de la planète et tous les pirates.

“Je comprends l’impératif d’assurer la sécurité” et la logique qu’il y a à délimiter la frontière entre l’Etat et le citoyen, pour qu’il ne soit pas un jeu permanent de chat et de souris. Oui, des pans entiers de communications qui étaient avant surveillables vont passer dans l’ombre. Mais une loi pour prévenir ou interdire l’usage du chiffrement n’est pas simple. L’internet que nous avons est une force de modernité et d’ouverture. C’est exactement ce que ceux qui utilisent une violence aveugle veulent nous voir abandonner.   

La chercheuse Zeynep Tufekci dans un éditorial publié sur le New York Times ne dit pas autre chose. Arrêter WhatsApp n’arrêtera pas le terrorisme. Les services de police ne peuvent pas affaiblir le chiffrement pour les terroristes sans l’affaiblir pour tout le monde. Et il n’est pas sûr que ce soit une bonne idée de rendre plus facile aux pirates et gouvernements la possibilité de nous espionner soit une bonne idée. Pour elle, il est impossible d’interdire le chiffrement. Seule la surveillance ciblée est efficace et c’est la seule à être appropriée pour lutter contre le terrorisme. “Le défi ne consiste pas à savoir comment collecter plus de données de tout le
monde, mais comment identifier et suivre les quelques personnes
vraiment dangereuses.”

MAJ : Les Pays-Bas se prononcent, eux, pour un chiffrement fort, rapporte Numerama. Aux Etats-Unis, plusieurs associations ont lancé l’initiative SecureTheInternet, pour défendre le chiffrement, relayé en France par la Quadrature du Net.  

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