Répondre à la privatisation de nos droits – The Register

La juriste et experte de la gouvernance d’internet, Emily Taylor (@etaylaw), qui travaille pour le Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale et la Chatham House, l’Institut royal des affaires internationales britannique, vient de publier un court rapport (.pdf) intitulé “la privatisation des droits humains : illusions du consentement, de l’automatisation et de la neutralité”, rapporte The Register. Ce court papier tente de trouver des réponses pragmatiques aux problème de l’accaparement des nos données personnelles par les grandes entreprises de la Silicon Valley. Elle rappelle combien les Conditions générales d’utilisation des Facebook et Google sont asymétriques, s’arrogeant le droit d’accéder à toutes vos données (e-mails et chats privés), le droit de les supprimer, de les modifier, de les partager ou de les vendre sans votre consentement. 

L’illusion du consentement, qui nous invite à ne pas utiliser leurs services si vous n’y adhérez pas pleinement est faussée. Les CGU des géants ne tiennent pas compte des principes et des concepts de nécessité et de proportionnalité qui sont partout ailleurs bien établis et utilisés dans bien d’autres domaines, comme dans bien des cas d’intrusion dans la vie privée des gens. Le contrat unilatéral qu’elles passent avec les utilisateurs pourraient d’ailleurs sur bien des clauses être déclaré abusif eut égard à d’autres dispositions légales. Enfin, le fait que ces sociétés soient désespéramment opaques sur la façon dont elles gèrent nos données et dont elles fonctionnent, créé une “illustion d’automatisation”. Ces entreprises sont en constante tension entre l’autorégulation qui les conduit à la surveillance et à la censure des contenus, et le fait d’être tenues pour responsables de violer les droits des Etats (illusion de la neutralité). 

Pour la chercheuse, les solutions à cette privatisation sont à chercher du côté de solutions payantes (on pourrait aussi dire, à l’inverse, de solutions publiques… mais elle ne semble pas l’évoquer), d’une meilleure caractérisation des différents types de données (publiques, privées, éphémères, durables…), et par une meilleure coopération entre plateformes, utilisateurs et Etats pour une meilleure modération des contenus qui respectent mieux la primauté du droit. 

Dans la revue Daedalus, Yochaï Benkler signe lui aussi un papier d’analyse intitulé “Degrés de liberté, dimensions du pouvoir”, expliquant que la décentralisation des pouvoirs institutionnels, techniques et économique maximise la liberté d’innover au détriment du contrôle. Mais, l’évolution du marché introduit de nouveaux points de contrôle (internet des objets, surveillance, marketing comportemental…). Désormais, les entreprises comme les gouvernements sont conscients de l’importance des choix de conception et se bousculent pour acquérir du pouvoir sur ces nouveaux points de contrôle. “Si nous voulons préserver la promesse démocratique et créatrice de l’internet, nous devons continuellement diagnostiquer les points de contrôle à mesure qu’ils émergent et concevoir des mécanismes pour recréer de la diversité dans les contraintes et les degrés de liberté des réseaux autour de ces formes de pouvoir concentré”

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