Que produit la diffusion en direct ?

Franceska Rouzard (@frenchthegypsy) pour Real Life revient sur le développement des services de diffusion en direct, à l’image du fameux Facebook Live, lancé en 2016, à peu près à la même période que Youtube Live. Désormais, les services de vidéo en direct sont partout : depuis novembre 2016 sur Instagram ; Twitter a annoncé lancer prochainement un service s’appuyant sur Periscope, lui-même lancé en 2015.

« La diffusion en direct fait s’effondrer la distance entre celui qui regarde et celui qui est regardé, entre celui qui visionne et l’événement lui-même. L’intimité d’une vidéo en direct nous permet de partager un moment en impliquant plus directement ceux qui regardent, et parfois en les rendant intensément impuissants ». Pour Franceska Rouzard, le risque du flux du direct est de continuer à développer la victimisation des sujets, à l’image des formes de violence qui se sont déjà largement développées dans les commentaires ou le partage d’images des plus grandes plateformes sociales. Trois mois après le lancement de FB Live, la vidéo du meurtre de Philando Castile par un officier de police faisait le tour de la planète, comme une illustration de ce que ces nouveaux flux proposent de pire (et en même temps d’important). Dans les excuses que Zuckerberg publia rapidement, il ne fit aucune mention du contexte dans lequel s’était déroulé cet événement ni sur la magnitude des effets de FB live sur la vie de ses utilisateurs.

Or, la diffusion en direct de violence et de cruautés n’est pas seulement un moyen de mettre en lumière l’injustice, estime Franceska Rouzard. En février 2016, la jeune Marina Lonina diffusait sur Periscope le viol d’une amie, plutôt que d’appeler les secours. Selon le Wall Street Journal, il y aurait eu quelques 40 diffusions de contenus sensibles, violents ou criminels sur les derniers 12 mois. Le problème est que la diffusion en direct augmente encore la violence qu’elle montre et en fait un instrument de violence en soi, faisant de ceux qui regardent à la fois des gens impuissants et des complices…

Depuis son lancement, le nombre de directs sur FB Live n’a cessé de se développer, comme le montre la carte des diffusions en direct. Si Facebook est toujours prompt à souligner la portée de ses produits, force est de constater que, pour l’instant, il n’a pas fait beaucoup d’efforts pour protéger ses utilisateurs de l’exposition à la violence ou de la diffusion de la violence, souligne Franceska Rouzard. Une passivité qui rejoint celles que beaucoup dénoncent dans les lenteurs de FB à réguler les Fake news ou le harcèlement. Or, FB est capable de surveiller les flux qui attirent du public et peut signaler des directs qui déraillent. Mais dans son courrier aux utilisateurs, Zuckerberg a, comme souvent, plus eu tendance à culpabiliser la communauté des utilisateurs de Facebook que les défaillances de son entreprise. Pour Zuckerberg, les utilisateurs demeurent individuellement responsables.

Comme le soulignait dans son bilan de l’année 2016 Jia Tolentino dans le New Yorker, les interfaces qui visaient à nous relier joyeusement au monde ont surtout engendré de la peur et de l’aliénation. Pour Franceska Rouzard, le livestream a surtout contribué à l’anxiété et à la terreur collective qu’à l’amélioration de l’expérience humaine. Pour elle, la connectivité en direct a besoin de se poser des questions sur ce qu’elle apporte.

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