Comprendre le graphe social

openingthesocialgraph.jpgLa recette de Facebook, la nouvelle vedette des sites sociaux, c’est le « graphe social » (social graph), expliquait en mai dernier le jeune Mark Zuckerberg, son fondateur. Le Graphe social désigne « le réseau de connexions et de relations entre les gens sur Facebook, qui permet la diffusion et le filtrage efficaces de l’information », traduisait à l’époque Francis Pisani. Le succès de Facebook est lié au couplage de la plate-forme et du réseau social, qui s’enrichissent l’un l’autre grâce à une intégration réussie, en séduisant utilisateurs et développeurs. En permettant de voir les relations entre les gens, en instaurant une confiance dans les applications recommandées par ses « amis », en bénéficiant du dynamisme de l’appropriation : le réseau filtre les informations qu’il vous propose.

La carte des relations est-elle le territoire ?
Mark Zuckerberg par Dan Faber
Lors de la conférence Techcrunch40, Michael Arrigton a poussé Zuckerberg a préciser son approche (vidéo en angl.), comme le note encore Francis Pisani : « C’est l’ensemble des relations de toutes les personnes dans le monde. Le graphe social : il y en a un seul et il comprend tout le monde. Personne ne le possède. Ce que nous essayons de faire c’est de le modeler, le modéliser, de représenter exactement le monde réel en en dressant la carte (to mirror the real world by mapping it out). »

L’expression n’a pas que des admirateurs. Beaucoup de commentateurs, et non des moindres (Dave Winer, Nick Carr, Josh Catone…), ne la trouvent pas pertinente. Pour Dave Winer, le terme « réseau social » est plus clair et le « graphe social » n’apporte rien hormis de la confusion. Pourtant, insiste Robert Scoble, la différence est sensible : si notre réseau social représente les personnes que l’on connait, le graphe social ajoute les modalités de notre connexion aux autres : localisation, travail, centres d’intérêt… « Si mon réseau social est ma liste d’amis, le graphe social montre un peu plus que cela ».

Comme l’explique Tim Morris, commentant chez Nick Carr : « l’expression réseau social décrit tout ce que le graphe social fait, sans avoir besoin d’expliquer la théorie des graphes à ceux qui ne la comprennent pas ». Dit autrement, pour beaucoup de commentateurs, le concept de graphe social est intéressant pour parler des réseaux sociaux avec des mathématiciens, mais rares sont ceux qui le trouvent évocateur – ou aussi évocateur que celui de réseau social.

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En mathématique, un graphe est une représentation abstraite des relations entre les choses, rappelle Alex Iskold. Le graphe n’est pas plus que le réseau, puisqu’il en est la représentation, sous la forme d’un modèle accessible et intuitif pour mieux regarder les relations entre ceux qui composent le réseau. L’analyse de sa structure et de son évolution, permet de mettre en valeur les interconnexions entre les gens, selon les valeurs prises en référence.

En tout cas, le concept ne cesse d’être discuté. Brad Fitzpatrick, qui vient de prendre les fonctions du développement social chez Google, définit le graphe social comme la « carte globale de chacun et comment ils sont reliés ». Reste que le problème principal pour le faire apparaître est qu’il faudrait réussir à voir nos connexions depuis différents réseaux sociaux. A moins que nous puissions porter et être propriétaires de l’information individuelle, explicite et implicite, révélée par nos utilisations des réseaux sociaux, comme le soulignait récemment la Déclaration des droits de l’utilisateur des réseaux sociaux. Mais est-ce que cette vision d’un réseau ouvert, contrôlé par chacun et utilisé par les réseaux sociaux est possible ?

Penser le graphe social permet-il de mieux poser la question de l’intéropérabilité des réseaux sociaux ?
Le problème c’est que, d’un réseau social à un autre, la représentation de notre identité est différente, et les réseaux de personnes et de relations qui composent chaque réseau aussi. Nous avons plusieurs comptes, plusieurs identifiants et ceux-ci ne sont pas interconnectés entre eux. Nous y présentons différentes facettes de nous-même. Mais surtout, d’un réseau social à l’autre, la description de nos relations est différente : entre un réseau social de joueurs et le réseau social de relations professionnelles que j’utilise, je ne croise pas les mêmes personnes, ni les mêmes données. Si deux personnes sont connectées sur un réseau social, sont-elles, peuvent-elles, doivent-elles être connectées sur un autre ? Ces relations doivent-elles être visibles aux autres et, si oui, comment ? Si deux personnes travaillent ensemble, est-ce que cela signifie que les livres qu’ils lisent et qu’ils partagent sur LibraryThing ou Shelfari peuvent/doivent leur être signalés ?

La vie privée et la propriété de l’information sont au coeur des enjeux du graphe social, explique encore Alex Iskold. Il y a un conflit d’intérêt entre les utilisateurs et les organisations qui développent les réseaux sociaux. « Plus le réseau grossit, moins ses concepteurs ont intérêt à partager l’information avec d’autres réseaux, pour garder leurs utilisateurs captifs et continuer le développement de leur réseau. Alors que les utilisateurs eux, ne se soucient que de la facilité d’usage et de la vie privée. »

« Dans un scénario idéal, nous voudrions passer le moins de temps possible à nous connecter, à configurer le système et à lui faire comprendre ce qu’on aime, avec qui nous sommes reliés. Plus important, nous ne voulons pas nous sentir sous contrôle, mais nous voulons contrôler notre information personnelle. Comme l’on choisit de devenir l’ami d’un tel, nous voudrions contrôler la manière dont l’information relative à notre amitié est utilisée. Nous pensons le réseau social comme un service qui a toute notre attention et qui sait nous avertir, en échange de la capacité offerte aux autres à se connecter à nous, on veut pouvoir se connecter aux autres. Et comme pour tout service, nous souhaitons pouvoir contrôler l’information qu’il recueille sur nous. »

Reste que pour arriver à faire entendre cela aux développeurs de réseaux sociaux, les utilisateurs doivent s’unir et formuler des règles et des standards clairs, explique Firzpatrick, notamment en ce qui concerne l’aspect le plus technique du graphe social : l’API (interface de programmation).

L’API du graphe social
Dans son billet, Brad Fitzpatrick décrit précisément comment un service pourrait résoudre l’échange d’informations entre multiples réseaux sociaux. Sa vision repose sur une base de donnée open source qui accepterait l’information des réseaux sociaux et permettrait aux utilisateurs d’autoriser les autres réseaux à accéder à l’information qui les concerne. Mais comment construire un réseau qui puisse à la fois mesurer, être sécurisé et être utilisé ? Pourquoi, demain, Facebook exporterait-il son information dans une telle base de donnée ?

Plutôt que de contrainte les réseaux sociaux à céder leurs précieuses données, l’idée de Fitzpatrick consisterait à définir une API standard, grâce à laquelle chaque réseau social pourrait venir puiser l’information sur tous les autres réseaux, pour permettre à un nouvel abonné de récupérer toutes les relations qu’il a déjà enregistré par ailleurs. « Cette approche est similaire à la fonction d’import de ses contacts quand on change de logiciel de courrier. » Le problème, c’est que cette solution n’est pas pleinement convaincante et ne répond pas forcément aux problématiques de spam social ou aux demandes agressives de certaines personnes/réseaux, comme on l’a connu récemment avec Quechup.com. Dans un tel système, comment un nouveau réseau se recommande-t-il à moi ? N’est-ce pas la porte ouverte à des sollicitations incessantes, ou à des réseaux sociaux qui collectent mes données malgré moi ?

Comme le conclut Alex Iskold, le défi est complexe : à la fois conceptuel, technique, politique, éducatif…

David Recordon de Six Apart, l’éditeur de Typepad et Vox, à l’origine du standard OpenID, émet la même idée : « Ouvrons le graphe social » (voir la traduction de Christophe Ducamp). « Aucune société ne devrait détenir en propriété l’identité en ligne de quiconque. Un graphe social ouvert est tout simplement aussi important qu’une identité ouverte. »

Et d’établir quelques règles, que Six Apart compte d’abord s’appliquer à elle-même :

  • Vous devriez posséder votre graphe social
  • La vie privée doit être respectée en mettant aux gens de garder le contrôle
  • Il faut pouvoir trouver ce qui est déjà public vous concernant sur l’internet
  • Tout le monde a de nombreux graphes sociaux, et ils ne devraient pas toujours être connectés
  • Les technologies ouvertes sont le meilleur moyen de résoudre ces problèmes.

La liste des réseaux sociaux de Mark PascRecordon souligne le danger qu’il y a à confier son identifiant et son mot de passe à des services tiers : « Quand on y réfléchit bien, il est facile de voir comment une adresse email et un mot de passe peuvent être la clé pour compromettre beaucoup d’autres données personnelles. Avec son système de connexion partagée, un compte Google permet l’accès non seulement à Gmail, mais aussi à un compte Google Checkout ou Paypal, à la gestion de vos publicités via Adsense et à la visualisation du trafic de tous les sites que vous suivez via Google Analytics. Si votre nom d’utilisateur Gmail et votre mot de passe ont été donnés à un service voyou, cela pourrait avoir comme conséquence que votre compte en banque se fasse vider, que vous allez affichiez des publicités dégoûtantes et que les données statistiques confidentielles de votre site seraient désormais rendues publiques. »

Et de montrer, par l’exemple (voir les vidéos), comment Six Apart expérimente les formats ouverts de structuration de données comme OpenID, hCard, XFN, FOAF, et les microformats, pour nous permettre de voir tout notre réseau de relation depuis une seule adresse. Il imagine un endroit où décrire les lieux où nous existons sur le web (blogs, comptes photo, vidéo…), afin que cette liste soit lisible par des machines, en créant simplement un lien à partir de son blog ou site vers ses profils sur d’autres services. Et de générer une liste de ses amis via sa blogroll ou les twitt auxquels on est abonné sur Twitter par exemple permettant aux outils de découvrir mes amis sur chaque service, pour autant que chacun permette de faire un lien bidirectionnel. « Le graphe social de vos relations existe déjà – notre demo vous permet simplement de le voir. Ne voudriez-vous pas plutôt pouvoir voir ce qui existe déjà afin que vous puissiez mieux gérer ces relations ? »

Une intéressante solution en tout cas, qui permettrait d’envisager pour demain des réseaux sociaux portables.

En attendant, l’idée fait réagir même au plus haut niveau. Google a annoncé un plan de bataille pour mettre son graphe social en ordre de marche, en ouvrant ses API et en permettant une plus grande ouverture de ses applications. Reste que la conception générale du dispositif de Google semble tout de même bien éloignée des principes énoncés par David Recordon ou de ceux que met en place Facebook, comme le souligne Christian Fauré :

  • FaceBook et sa plate-forme qui met en avant un graphe social (top down) : l’utilisateur renseigne une plateforme dédiée et structurée qui permet une propagation virale au sein du réseau.
  • Google qui propose des agrégations automatiques des traces d’activités rattachées à un profil utilisateur (bottom up) : pratiquement aucun effort pour l’utilisateur mais structuration très faible.

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0 commentaires

  1. à quand les roues 3D qui comme des vers se balladent dans le temps pour mettre en scène l’évolution des comportements et tendances ?

  2. salut,

    A quand un réseau social 100% Français (fait par un Français je veux dire) en ligne? Où bien je reformule : existe -til un réseau social fait par un Français et qui pourrait-être aussi grand que facebook où myspace? Si oui il en existe déjà dans la trempe de facebook où myspace, lesquels?

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