Accès, équipement, réseaux : où est l’argent du haut débit ?

La vidéo sauvera-t-elle les acteurs du haut débit ? C’est en substance la question que se posaient les intervenants venus parler du « foyer numérique » aux 26e Journées internationales de l’Idate, le 25 novembre 2004 à Montpellier. Car le constat qu’établit Gilles Fontaine, de l’Idate, est clair : les hauts débits progressent très vite, particulièrement en France, mais ils doivent en grande partie leur croissance à une guerre des prix qui tire le revenu moyen par abonné – le fameux Arpu (Average Revenue Per User) vers le bas. Sans compter l’impact possible de la téléphonie IP, à terme, sur les revenus des opérateurs téléphoniques.

La fameuse « convergence » se manifeste bel et bien dans les foyers : numérisation générale des réseaux, omniprésence des réseaux avec IP comme substrat commun, floraison sans précédent d’appareils électroniques à la fois très divers et généralement multi-fonctions, qui se complètent et se concurrencent donc tout à la fois. Pour Ghislain Lécuyer, en charge des produits d’accès large bande chez Thomson, « les acteurs installés comme les nouveaux entrants (les Free, Fastweb, Skype, Vonage, Apple…) peuvent désormais exercer tous les métiers. A court-moyen terme, leur valeur à tous va baisser : le gâteau ne croît pas assez vite, d’autant que les services sur l’internet sont gratuits ou peu coûteux.« 

Certains acteurs voient le salut dans la télévision et la vidéo à la demande. Avant tout connu pour avoir contribué à faire exploser le marché français de l’Adsl dès 2002, Free insiste aujourd’hui sur sa plate-forme vidéo : « La distribution Adsl de contenus fournit à l’opérateur un contrôle de bout en bout de ce qui circule », explique Michael Boukobza, directeur général délégué du groupe Iliad, dont dépend Free, « et nous permet de sécuriser la distribution de contenus. » Mais quels contenus, en dehors de la télévision classique pour laquelle l’Adsl pourrait n’être qu’un canal de distribution numérique parmi d’autres ? Pour Laurent Souloumiac, directeur multimédia de France Télévision, « ce qui marchera en VoD (vidéo à la demande), tant sur le téléviseur que sur les mobiles, aura d’abord marché sur la télévision classique : le journal télévisé 2 ou 15 mn plus tard, l’émission qu’on a ratée et dont tout le monde parle… » En outre, « les capacités quasi-illimitées et quasi-gratuites des réseaux numériques permettent de créer des chaînes événementielles à l’occasion d’événements sportifs ou d’événements culturels, qui permettront de retransmettre l’intégralité d’un événement sans se préoccuper des contraintes de la grille de programmes. Elles permettront également de diffuser tous les journaux régionaux, voire locaux, vers tous les utilisateurs.« 

Certes, mais cela suffira-t-il ?

Les industriels de l’électronique et du logiciel n’en sont visiblement pas convaincus. Leur vision apparaît en tout cas fort différente de celle qu’expriment les fournisseurs d’accès et les éditeurs de contenus. Eux travaillent à répondre à la « nouvelle complexité », selon l’expression de Gilles Fontaine, née de la rencontre de la convergence technologique et des évolutions sociologiques : individualisation de la consommation, imbrication des processus de communication, de consommation et d’échanges de contenus, recherche d’une continuité même en mobilité, usages simultanés. « L’ordinateur passe du statut d’un terminal de productivité à celui d’un terminal de divertissement. Ses capacités vont bien au-delà de ce qui est nécessaire au travail. Il devient à la fois une plate-forme de services ouverte et un noeud essentiel du réseau, notamment pour la « super-distribution » [distribution de contenus entre utilisateurs] sécurisée« , explique Xavier Bringué, de Microsoft. Ghislain Lécuyer surenchérit : « Il faut offrir de nouveaux services, de nouveaux modes de distribution des contenus, faciliter l’interconnectivité des appareils et des services même en mobilité, mais aussi s’adapter à l’importance croissante des contenus autoproduits. Les acteurs du marché doivent donc se réinventer.« 

A entendre les intervenants, cette « réinvention » semble bien, cependant, soumise à une dynamique dans laquelle l’échange, la communication et l’autoproduction prennent une très grande place. Non pas que la télévision et la vidéo à la demande n’aient pas d’avenir : mais les revenus additionnels à en attendre semblent tout de même limités, alors que les producteurs d’appareils photos numériques, de baladeurs, de mobiles et même de PC, voient plutôt la vie en rose.

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