L’impression 3D peut-elle aider à combattre le réchauffement climatique ?

L’impression 3D pourra-t-elle aider à combattre le changement climatique ? Si les annonces enthousiastes ne manquent pas quant aux applications écolos des technologies numériques, l’article publié dans le peu fantaisiste Bulletin of Atomic Scientists présente la particularité d’être écrit, non pas par des pandits de l’innovation, mais par deux pontes de la sécurité américaine, Francesco Femia et Caitlin E. Werrell, cofondateurs du Center for Climate and Security à Washington. Comme son nom l’indique, cette organisation se préoccupe d’un aspect particulier des conséquences du réchauffement : ses implications pour la sécurité et la défense des États-Unis.

En effet, il faut savoir – et ça peut étonner au premier abord – que l’armée US se préoccupe de la question. En effet en 2014 le département de la défense a publié un document (.pdf) affirmant que le réchauffement « présente des risques immédiats pour la sécurité nationale« . La catastrophe écologique annoncée est un « multiplicateur de menaces« :

« (le réchauffement) a le potentiel d’exacerber un grand nombre des défis auxquels nous faisons face aujourd’hui – des maladies infectieuses au terrorisme. Nous commençons déjà à voir certaines de ses conséquences. Le changement climatique aura des impacts réels sur nos soldats et la façon dont ils exécutent leurs missions. L’armée pourrait être appelée plus souvent pour soutenir les autorités civiles, et pour fournir une aide humanitaire et des secours en cas de catastrophes naturelles plus fréquentes et plus intenses. Nos installations côtières sont vulnérables à la montée du niveau des océans et à l’augmentation des inondations, tandis que les sécheresses, les incendies de forêt, et les températures extrêmes pourraient menacer beaucoup de nos activités de formation. Nos chaînes d’approvisionnement pourraient être touchées, et nous devrons nous assurer que notre équipement d’urgence pourra fonctionner dans les conditions météorologiques les plus extrêmes. La météo a toujours affecté les opérations militaires, et avec le changement climatique, la façon dont nous exécutons les opérations pourra être modifiée ou limitée. »

On l’aura compris, l’article se concentre donc avant tout sur la manière dont l’impression 3D pourrait améliorer les opérations militaires. Cependant, rien de bien guerrier dans ce texte. Les auteurs restent finalement assez proches des préoccupations civiles. Manifestement, ils se préoccupent plus du rôle de l’armée dans des opérations de secours des populations plutôt que du théâtre des combats.

Les auteurs rapportent néanmoins d’intéressantes expériences de terrain. Par exemple, l’usage des « expeditonary labs » déployés en 2012 sur des bases éloignées d’Afghanistan. Il s’agit de containers d’un peu plus de 6 mètres de longueur, transformés en espaces de travail munis d’imprimantes 3D et d’autres outils, et reliés par le net sans fil à un réseau d’experts. Les soldats se trouvant en Afghanistan on utilisé les imprimantes 3D pour adapter leur équipement aux températures élevées. En effet, nous racontent les auteurs : « selon le colonel Peter Newell… la chaleur de 54°C en Afghanistan faisait des ravages sur les batteries d’un système de radar orienté vers le sol et utilisé pour rechercher des mines. Les soldats ont donc utilisé l’imprimante 3D pour fabriquer un bouclier susceptible de les protéger. Cela a si bien marché que tout le monde en voulait un. »

Rapid solutions improve soldiers' capabilities

L’impression 3D : une réponse pour faire face aux catastrophes naturelles ?

Mais les auteurs s’intéressent surtout à la manière dont les imprimantes 3D pourraient aider à faire face aux difficultés entraînées par le réchauffement climatique. Premier domaine où cette technologie serait précieuse, selon eux : la « réponse rapide ». En effet, il existe de grands entrepôts possédant de nombreuses ressources nécessaires en cas de désastre : mais ces stocks peuvent se trouver à des milliers de kilomètres de la zone sinistrée ! Et de plus, ils ne sont pas forcément adaptés à la situation.

D’où l’intérêt de pouvoir prototyper et fabriquer des outils rapidement et en rapport direct avec les problèmes qu’on rencontre, exactement comme cela s’est fait en Afghanistan. Dans l’avenir, précisent les auteurs, on pourrait même utiliser les débris générés par la catastrophe comme matière première pour construire des abris.

L’impression 3D pourrait également contribuer à limiter ce que les auteurs appellent la globalisation des dangers. Autrement dit le fait qu’une catastrophe naturelle puisse avoir des conséquences graves à des milliers de kilomètres de son point d’origine. Par exemple, expliquent-t-ils, le tsunami de 2011 au Japon détruisit une usine Honda de pièces détachées, ce qui força les chaînes de fabrication aux États-Unis à arrêter la production. En 2012, une violente sécheresse empêcha le transport des biens via le Mississippi, perturbant toute la région.

Or, continuent-ils, le réchauffement va favoriser à l’avenir de telles situations météorologiques extrêmes. Là encore, l’impression 3D, par sa capacité à favoriser une production locale des pièces manquantes, pourrait maintenir les activités industrielles et économiques en cas d’urgence.

Toujours en cas de désastre naturel ou de conditions environnementales difficiles, cette technologie pourrait remplacer le largage de ressources par avion, en permettant aux locaux de fabriquer eux-mêmes ce dont ils ont besoin (y compris des imprimantes 3D, comme le fait la Reprap).

Des économies d’énergie… pour la planète, mais surtout pour l’armée !

Reste la dernière question : l’impression 3D permettra-t-elle aux forces de sécurité de réduire leur impact écologique ? Pour les auteurs, la réponse est sans nul doute positive. Selon le département américain de l’énergie, cette technique de fabrication utiliserait 50 % moins d’énergie et 90 % de réduction des coûts en matériaux. Ainsi, Airbus a pu imprimer un réservoir de carburant fait d’un seul bloc, alors que la fabrication traditionnelle aurait exigé 10 composants en métal différents. L’impression 3D a également permis à Boeing de réduire le poids de ses avions de 20 % Et un avion plus léger, nous précisent les auteurs, utilisent jusqu’à moitié moins de kérosène.

Cela ne concerne pas que l’avenir de la planète. Dans une expédition militaire, l’énergie est une ressource capitale. Si l’on en utilise moins, on peut donc effectuer des missions plus longues avec moins de ravitaillement.

Les auteurs terminent en nous mettant en garde sur les possibles dérives de l’impression 3D : la fabrique d’armes, y compris biologiques ou chimiques, puisque l’impression 3D ne se limitera pas dans l’avenir à des matériaux « durs ». Un avertissement qui sent un peu l’angélisme : et si ces armes de demain étaient imprimées par l’armée dont ils défendent les couleurs ?

Rémi Sussan

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0 commentaires

  1. La relocalisation et la capacité de l’impression 3D à n’utiliser que ce qu’il est nécessaire de matière sont les gros atouts de cette technologie. Pour autant je regrette que la France ne soit pas plus ambitieuse dans ce domaine, dixit l’AFPR  » « …il est temps que les dynamiques se coordonnent afin de disposer de réels moyens permettant de passer cette fameuse vallée de la mort » http://www.priximprimante3d.com/association/

  2. On pourra imprimer des flocons de neige pour en remettre sur le Gröenland…