Réparer, et même améliorer, la mémoire

Le thème de la mémoire implantée hante la science-fiction au moins depuis Le monde des non-A de Van Vogt. Philip K. Dick en avait fait une de ses obsessions, comme l’illustre le film tiré d’une de ses nouvelles, Total Recall, qui raconte l’histoire d’un homme se faisant implanter de faux souvenirs (ou pas…) de la planète Mars.

Une telle technologie est-elle réalisable ? On est encore très loin du compte, mais les scientifiques s’en rapprochent doucement…

Une équipe dirigée par Samuel Deadwyler, de l’université de Wake Forest en Caroline du Nord, a ainsi réussi à « implanter » un souvenir dans le cerveau de rats de laboratoire à l’aide d’un équipement électronique.

L’idée de base était la suivante. On présentait aux rats deux leviers, dont l’un (le premier qu’on leur présentait) permettait d’obtenir de l’eau fraîche. Après quelques secondes de distraction, l’expérience reprenait, mais les rats devaient cette fois taper sur le second levier pour obtenir de l’eau.

Dans le même temps, les chercheurs examinaient le cerveau des rongeurs et enregistraient leur activité mentale. Il leur fut ainsi possible de découvrir les modèles neuronaux émis lorsque le rat devinait la bonne réponse.

Restait à « implanter » le souvenir. Pour cela, il fallait d’abord détruire celui-ci.

On le sait, il existe deux types de mémoires dans le cerveau : la mémoire à court terme, qui utilise des signaux électriques, et celle à long terme qui recourt à des transmetteurs chimiques. La zone du cerveau chargée de la communication entre les deux types de mémoires se nomme l’hippocampe. A l’intérieur de cette zone, il existe deux régions fortement connectées, C1 et C3 qui opèrent le passage de la mémoire à court terme à la mémoire à long terme. A l’aide de produits chimiques, les chercheurs ont coupé cette connexion. Résultat : les rats se souvenaient toujours de la règle fondamentale (d’abord le premier levier, puis le second) mais ils étaient incapables de savoir lequel était le bon : au bout de 5 à 10 secondes de distraction, ils avaient oublié quel levier ils avaient précédemment activé. Ils se trompaient une fois sur deux, un comportement qui laisse à penser qu’ils se contentaient d’essayer au hasard.

A l’aide d’implants, les chercheurs ont « rejoué » le souvenir en imprimant dans le cortex les stimulations électriques enregistrées précédemment. Et miracle, le souvenir est apparemment revenu, les rats réussissant le test dans 90 % des cas.

artificialhippocampusMais quel résultat aurait-on obtenu, par exemple, si le signal était rejoué dans le cerveau de rats qui n’avaient pas subi l’opération de « destruction de la mémoire » ? Pour répondre à cette question, les chercheurs ont allongé la période de distraction entre les deux phases de l’expérience. Dans ce cas, les rats oubliaient dans 40 % des cas quel levier ils avaient poussé en premier et ne savaient donc plus sur lequel appuyer. Lorsque le souvenir était « rejoué », la marge d’erreur tombait à 10 %. Autrement dit, l’expérience ne prouvait pas seulement qu’on pouvait « réparer » une mémoire défaillante, mais qu’il était possible d’améliorer une mémoire saine…

Restait à faire une autre expérience, toujours avec des rats sains. Cette fois, en envoyant le mauvais signal aux cobayes. Du coup, les rats ont vu leur capacité à actionner le bon levier fortement perturbé. Selon Singularity Hub, « les auteurs supposent que les signaux erronés se superposent aux signaux corrects que le cerveau envoie normalement à l’hippocampe, – comme si un enfant de trois ans s’amusait taper au hasard sur les touches d’un piano pendant que vous essayez d’écouter du Brahms ».

L’équipe cherche maintenant à appliquer ses travaux aux primates, avant, un jour de s’attaquer aux patients atteints de maladie d’Alzheimer. Apparemment, pas de projet d’implanter la mémoire d’un voyage sur Mars en compagnie d’une belle espionne brune pour l’instant… Mais on s’en rapproche… ;-)

Via Singularity Hub et Next Big Future.

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