Thierry Carcenac : « Pour une administration tournée vers le citoyen »

Dans son rapport sur l’administration électronique, Thierry Carcenac, président du Conseil Général du Tarn, propose de placer les usagers au cœur des préoccupations de l’administration.

Qui n’a jamais rêvé d’échapper aux files d’attentes des Caisses d’allocations familiales, de commissariats, des caisses primaires d’assurance maladie, des perceptions… Autant de lieux où l’on sait d’avance qu’il va nous falloir attendre, revenir parce qu’il manque des papiers, revenir encore parce qu’il fallait demander tel justificatif à la Sécurité Sociale ou à la Caisse d’Allocations Familiales etc, etc. Dans le cadre du plan gouvernemental pour la société de l’information (PAGSI), plusieurs initiatives ont été réalisées pour rendre l’accès à l’administration plus facile grâce à l’Internet. Un bouleversement qui ne fait que commencer : les téléprocédures commencent timidement, quant au site www.service-public.fr il rencontre déjà un succès significatif.
Dans son rapport sur l’administration électronique, Thierry Carcenac, président du Conseil Général du Tarn, propose de passer à la vitesse supérieure et de placer les usagers (citoyens et entreprises) au cœur des préoccupations de l’administration. Ce qu’il appelle, dans un clin d’œil, le A to C. Une administration tournée vers le Citoyen qui aura peut-être, un jour, la possibilité de s’adresser à un guichet unique pour effectuer toutes ses démarches auprès des services publics et faire, s’il le souhaite, ces procédures en ligne et de façon sécurisée. Bref, il s’agit de simplifier au maximum le fonctionnement de l’administration et de la mettre au service des citoyens et des entreprises. Une vraie révolution… Reste à voir si les 57 propositions du rapport Carcenac seront suivies d’effets. Entretien.

FING : Dans quel esprit vous êtes vous penché sur l’  » administration électronique citoyenne  » de demain ?
Thierry Carcenac : L’internet n’est pas quelque chose de simplement technique : au départ on fournit de l’information. Il y a une seconde étape, à laquelle nous sommes quasiment parvenus, qui est de passer progressivement des formulaires téléchargés aux téléservices. Pendant trois ans, le PAGSI a été une réussite. Nous avons rattrapé le retard de l’administration française. La question, désormais, est de savoir à quel stade nous en sommes et comment on peut faire évoluer ce système afin de nous retrouver avec un secteur public et une administration qui bouge. Les enjeux, aujourd’hui, tout le monde les connaît. Maintenant, en pratique comment peut-on faire fonctionner l’administration électronique ? Quelle est la place de l’internet par rapport à la réforme de l’Etat et comment l’internet peut-il se mettre à son service ? L’objectif de ce rapport est de proposer plusieurs solutions, à court, moyen et long terme, pour y parvenir.

Il y a, selon vous, des modifications profondes à faire au cœur même de la société de l’information ?
En effet : la MTIC d’un côté, la DIRE de l’autre… Doit-on laisser tout cela au Premier ministre avec des conseillers, ou doit-on aller plus loin et avoir, dans la réforme de l’Etat, un ministre en charge de ces questions concernant l’administration électronique ? Avec un axe fort : mettre le citoyen au milieu du système. Aujourd’hui en France, lorsque le citoyen se trouve face à un problème administratif, il doit d’abord trouver l’administration compétente, puis au sein de cette administration trouver le service compétent, etc.

Ce que vous proposez dans le rapport demanderait une révolution culturelle au sein de l’immense système administratif ?
Il s’agit pour l’administration de travailler de façon complètement différente, d’inverser les processus et de passer à une organisation horizontale. Soit par l’intranet, soit par l’internet. C’est un bouleversement que l’administration va rencontrer et auquel il faut qu’elle se prépare à faire face. C’est pour cette raison que nous avons nommé cette nouvelle étape PUGNACE (Programme unifié gouvernemental pour la naissance d’une administration citoyenne électronique), car, de la volonté, il va en falloir ! Il est en effet question de changer les comportements humains : faire évoluer les relations entre les agents de l’administration mais aussi entre l’administration et le citoyen. Aujourd’hui, le citoyen qui veut se rendre dans une administration doit se plier à des horaires. Après c’est terminé. Avec l’administration virtuelle vous n’aurez plus ce type de problème. Vous pourrez, chez vous, avec un ordinateur poser une question directement à l’administration.

Dans cette volonté de mettre le citoyen au cœur de l’administration, vous parlez du A to C et vous dites : « l’administration doit plus chercher à se faire oublier du citoyen qu’à le fidéliser. »
On constate souvent que l’administration demande à l’administré de donner des élements dont elle dispose ! Or, pour chaque formulaire que vous allez avoir à remplir on va vous demander à chaque fois de refournir les mêmes informations. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas de communication entre les systèmes informatiques et les services. Il est anormal que lorsque vous allez la perception pour payer l’impôt et que vous y demandez une information sur le calcul de votre impôt on vous renvoie au service du Trésor ! Or on peut arriver à une transversalité qui évite de faire trois fois les démarches, pour trois ministères différents, et avoir ainsi des gains de productivité. Il n’est pas question de supprimer les fonctionnaires, de supprimer les agents, mais de les mettre à disposition de la population d’une autre façon.

Est ce que l’objectif est de réconcilier le citoyen avec l’administration ?
Je ne sais pas si ça le réconciliera avec l’administration. L’objectif est de parvenir à faire les choses simplement. Or nous sommes dans une société qui a tendance à complexifier les choses. C’est pour cela qu’il faut que mettre en place des processus pour pouvoir arriver à ce que tous les services administratifs communiquent et que les citoyens n’aient à fournir que les données privées.

Quelles sont vos craintes par rapport à l’administration électronique de demain ?
Ce qui me fait le plus peur c’est que les ministères, les grands pôles – le pôle collectivités locales- Etat, le pôle social et le pôle économico-financier – ne raisonnent que pour leurs propres structures et ne tiennent pas compte de ce qui se passe chez l’autre. C’est ce qui me fait dire qu’il faudrait qu’il y ait de la tranversalité et qu’il faudrait vraiment un pilote.

Propos recueillis par Cécile Plet.

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