Un GFU éducatif dans le Tarn

E-téra, société d’économie mixte créée par le Conseil Général du Tarn, a inauguré son réseau de fibre optique à haut débit en novembre 2001. Le conseil général du Tarn, qui a financé entièrement cette boucle à haut débit, a demandé à la SAEM e-téra chargée de l’exploitation de cette fibre de monter un GFU éducatif. Interview de Marc Gauché, directeur général d’e-téra.

E-téra, société d’économie mixte créée par le Conseil Général du Tarn, a inauguré son réseau de fibre optique à haut débit en novembre 2001. Huit mois plus tard, les projets commencent sérieusement à se mettre en place et devraient se concrétiser à la rentrée scolaire prochaine. En effet, outre l’arrivée de l’opérateur privé Cegetel qui connecte à haut débit une quarantaine d’entreprises sur le département, le conseil général du Tarn, qui a financé entièrement cette boucle à haut débit, a demandé à la SAEM e-téra chargée de l’exploitation de cette fibre de monter un GFU éducatif.  » E-téra est simplement le prestataire de service autorisé par l’ART (Autorité de régulation des Télécoms) pour exploiter un réseau indépendant, explique Marc Gauché, directeur général de la SAEM. Le souhait de Thierry Carcenac, président du Conseil Général du Tarn et de la SAEM (société anonyme d’économie mixte) e-téra était de faire un GFU (Groupement fermé d’utilisateurs) éducatif complètement public, de bout en bout, avec une interconnexion au réseau Renater à l’université Paul Sabatier (Toulouse). Nous travaillons en partenariat avec le rectorat, au sein d’un groupe de travail, pour mettre en place la diffusion de contenus haut débit.  »

Quels seraient ces contenus ?

Ils vont certainement venir du GIP (Groupement d’intérêt public) Renater via une offre qui est en train de se développer sur une boucle de contenus haut débit, monté par Renater et le ministère de l’Education en partenariat avec la Cité des sciences, le musée du Louvre, etc. Par ailleurs un groupe de travail avec le rectorat s’est constitué pour associer plusieurs partenaires disposant de ressources pédagogiques, essentiellement les CRDP (Centres Régionaux de Documentation Pédagogique). Une réflexion est également conduite avec l’INA (Institut National de l’Audiovisuel) Ce GFU sera opérationnel fin septembre et sera interconnecté avec la plate-forme satellite mise en place avec UdCast.

Quel est le rôle de cette plate-forme satellite ?
Tous les établissements éducatifs qui ne sont pas situés à proximité de la fibre sont tous équipés de récepteurs satellites qui ont la particularité d’être tous inclus dans le plan d’adressage Renater. Autrement dit la communauté éducative aura accès aux contenus quel que soit l’endroit où elle se trouve sur le territoire. Il était très important d’avoir une homogénéité d’accès sur l’ensemble du territoire. Même si nous n’avons pas tout à fait les mêmes services d’un lieu à l’autre, c’est relativement voisin.

Pourquoi un GFU totalement public ?

C’est en effet le seul GFU public qu’il y aura sur la boucle du Tarn. Même le conseil général du Tarn, pour ses besoins propres, fait appel au marché (alors qu’il a construit son propre réseau.) Pourquoi ça ? Parce que nous considérons qu’il ne doit pas y avoir de distorsion territoriale dans l’accès au savoir en matière éducative et que l’accès au savoir ne doit pas se faire en fonction du niveau budgétaire des collectivités locales. Il faut savoir que sur les 324 communes du département du Tarn, très peu dépassent les 2000 habitants. Dans ce contexte, si nous laissions faire les choses les inégalités territoriales deviendraient très vite intolérables. Il existe aussi une contrainte dynamique : le risque qu’un gamin qui fait ses études dans le Tarn passe d’une école peu équipée à un collège suréquipé pour se retrouver ensuite dans un lycée au ralenti en matière d’accès à l’Internet et aux contenus éducatifs. Nous aurions alors créé une fracture dynamique dans les cursus.

Combien d’établissements scolaires ce GFU va-t-il toucher ?

L’ensemble des collèges du Tarn seront raccordés au réseau Renater fin septembre, soit par la fibre, soit par le satellite. Pour les autres type d’téablissements, cela se fera au fur et à mesure que les communes le demanderont. Albi par exemple va le demander.
Et afin de rendre plus simple le raccordement des écoles au GFU nous avons fait part à l’ART de notre souhait de lancer des expérimentations Wi Fi afin d’étendre, sur un ou deux points expérimentaux, le GFU, des collèges aux écoles. L’objectif est d’en faire bénéficier les écoles rurales, situées à proximité des collèges du réseau éducatif, l’intérêt étant de ne pas payer de génie civil et d’être dans des coûts très faibles de raccordement.

Donc vous observez Wi-Fi de près ?

De très près. Cette technologie est très importante dans la gestion des derniers mètres pour de l’internet. Ensuite, bien sûr, il faudra voir les problèmes de sécurité, de communication, le niveau de service, de qualité, etc.
Nous n’avons jamais cru que la fibre optique allait résoudre toutes les équations, pas plus que le satellite ou Wi-Fi. En revanche nous sommes certains qu’en jouant la complémentarité entre les mode d’accès nous allons dégager des synergies très fortes. Prenons le cas du GFU : le fait qu’il soit connecté à Renater, connecté la fibre optique et que nous ayons créé une passerelle fibre optique-satellite, veut dire que les flux montants sur le satellite peuvent venir du réseau Renater. En gros, n’importe quelle visioconférence diffusée sur le Mbone multicast de Renater peut arriver sur notre pied d’antenne, à très haut débit. Nous pouvons ensuite le diffuser par le satellite en multicast. Avec la technologie UdCast nous avons fait en sorte que tous les sites qui ont des antennes de réception satellite peuvent recevoir ces flux multicast sans être connectés à l’internet : un cours diffusé depuis le Nord Pas de Calais, pourra être suivi en direct par des élèves du Tarn pendant deux heures sans passer par l’Internet. Comme de la télé, mais c’est de l’IP, ce qui permet, dans un même collège, d’avoir deux élèves qui suivent, sur un ordinateur, deux programmes différents.

Quels en seront les usages ?

La question est de savoir ce que vous allez pouvoir distribuer comme contenus, comment et à qui. Lorsque vous dites à l’Education Nationale que chaque élève est susceptible de suivre un flux de programme différent, les usages émergent. Il existe beaucoup de ressources pédagogiques, à travers les CRDP, l’INA, etc. Mais le problème est toujours de trouver un moyen de les diffuser et de savoir vers qui. Les nouveaux contenus ne sont pas des services web complémentaires, mais des services complètements adressables, ciblés sur des populations données : éducatives, entreprises, etc. Or ces solutions-là passent nécessairement par des techniques de type multicast et c’est là dessus qu’on a porté l’effort.
Tout le monde sait ce que c’est qu’un DVD, avec plusieurs langues que l’on peut choisir. Si vous mettez ce DVD sur un serveur et que ce serveur fait de la diffusion multicast en intégrant dans le flux vidéo la totalité des langues inscrites dans le DVD, cela signifie que chaque élève peut choisir la langue dans laquelle il va visionner le DVD. Lorsque nous avons montré ça à l’Education Nationale, ça leur a donné pleins d’idées. Ils ont tout de suite compris ce qu’ils pouvaient faire avec.
Les usages et les NTIC c’est l’histoire de l’œuf et de la poule. Tant que les producteurs de contenus éducatifs et l’Education Nationale n’ont pas vu les intérêts qu’il y a pour eux dans les nouvelles façons de diffuser l’information, ils ont énormément de mal à définir leur commande publique.

Mais les élèves ne doivent pas non plus se retrouver uniquement en position de consommateurs ?

Mais ce n’est pas la cas. Il y a toute une série d’applicatifs prévus pour cela. Mais on voit bien qu’aujourd’hui le marché est plutôt positionné sur les applications statiques que sur l’interactif et encore moins sur l’interactif multicast.
Contrairement à ce qu’on dit il n’y a pas d’opposition entre contenu, technique et tuyau. Le tuyau n’a aucun sens, pas plus que le contenu n’en a, pris indépendamment. La question est : Comment on l’utilise, en direction de qui ? Bref, le service. Aujourd’hui on dit :  » Ce n’est pas la peine de développer des tuyaux alors qu’on ne sait pas ce qu’on va faire passer dessus « , donc on ne réalise pas les infrastructures en attendant de se mettre d’accord sur ce qu’on va diffuser. Mais comme on ne sait pas comment et pour qui on va le diffuser… Les réflexions doivent se mener ensemble. Dans le cas d’e-téra, nous réfléchissons à la desserte dans les écoles rurales tout en menant, parallèlement, une réflexion avec l’Education Nationale sur les contenus. Nous sommes alors en mesure de mettre en place très vite des services en direction des écoles avec des produits qui existent déjà, sans avoir à réinventer des contenus tout de suite.

Quelles sont les autres pistes de travail pour utiliser cette boucle ?

Le président de l’association des maires du Tarn nous a soumis un problème  : il y a 324 communes dont seules 14 comptent plus de 2000 habitants. L’association, qui diffuse de l’information à travers une feuille de quatre pages réalisée trois à quatre fois par an, a du mal à avoir un contact direct avec tous ces maires et à offrir service et conseil aux petites mairies rurales. Elle voudrait donc pouvoir envoyer de l’information régulière, mise à jour et que tout le monde puisse en bénéficier. Nous avons alors mis en place une solution de diffusion de site web en multicast et nous avons implanté sur les machines Udcast, des serveurs web et des serveurs vidéo. Ainsi l’association des maires va construire son propre site web, le mettre à jour, faire du push multicast et envoyer ça à la totalité des mairies qui pourront alors se connecter en local  : ils recevront la totalité du site web sans avoir à se connecter à l’Internet. Ceci répond au problème des communes qui ont des faibles moyens. De la même manière avec le serveur vidéo, l’association des maires pourrait faire de la formation pour les élus, à distance : envoyer des fichiers vidéo de formation qui pourraient être consultés autant de fois qu’on veut et en local. Ensuite pour ceux qui souhaitent sortir et aller surfer sur l’Internet il n’y a aucune difficulté.

Quelle est selon vous la place des collectivités locales dans le développement des infrastructures ?

Le marché ne fonctionnant pas et les collectivités ne pouvant pas intervenir, nous allons toujours avoir des poches de territoire qui ne seront absolument pas desservies. Il va falloir réfléchir à cette question sans doute en différenciant mieux les notions de transport et de service. Les collectivités locales pourraient être  » opérateurs d’opérateurs « , c’est à dire s’occuper du transport dans des zones particulières comme elles s’occupent aujourd’hui des réseaux routiers, mais en revanche sans contact direct avec le client car cela relève du niveau de fournisseur de service.
Dans le Tarn, le Conseil Général donne 100 millions de francs par an pour entretenir les routes. Il ne les entretient pas en fonction du nombre de véhicules qui passe par jour sur ces routes. Ce qui est important c’est de desservir des territoires. Je pense que pour les réseaux il peut y avoir des investissements publics relativement forts pour lesquels il n’y a pas systématiquement des retours financiers parvenant à l’équilibre. Dans le domaine des télécoms il y a une tendance particulièrement risquée sur le fond qui est de considérer qu’une collectivité locale investie dans les télécoms doit y trouver un retour d’investissement. Entrer dans cette logique là me paraît relativement dangereux car ce n’est pas le rôle d’un service public d’avoir une rentabilité économique. Et parce qu’on pense qu’il doit y avoir une rentabilité économique évidemment on amène naturellement les collectivités dans le champ de la concurrence. Et ce n’est pas l’objet. Il y a une réflexion profonde à tenir, plutôt que de s’appuyer sur les modes de gestion actuels, sur la manière dont on va distribuer l’information, le regroupement des opérateurs télécoms. On ne peut pas continuer à avoir une réflexion partielle opposant à chaque fois collectivité locale et opérateurs dans une logique de marché.

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