Philippe Parmantier – Vote en ligne

Depuis la première élection officielle sur Internet, organisée par le parti démocrate d’Arizona pour les primaires aux présidentielles en mars 2000, le vote électronique acquiert une crédibilité nouvelle, qui n’est pas sans soulever quelques interrogations.
On peut raisonnablement penser que ce système va se répandre dans nos démocraties, mais avec quelles conséquences ?
Les expérimentations se focalisent beaucoup sur l’élection de la représentation nationale et locale. De ce point de vue le vote a un effet positif puisqu’il contribue à faire chuter le taux des abstentions de façon très significative. Les primaires démocrates ont connu une progression de plus de 600 % de la participation. En outre les économies et la simplification des procédures sont également spectaculaires. Mais on objectera, dans nos vieilles démocraties, que le vote est un geste dont la charge symbolique « nécessite un minimum d’efforts ».
Réduire cet acte essentiel à l’envoi d’un simple signal virtuel est certes perturbant mais tout de même pas inconcevable.
Tous les électeurs pratiquant le vote par correspondance seront satisfaits de trouver une solution de substitution sur Internet. Quant aux autres, ils auront le choix entre le bureau de vote électronique et le vote à domicile en accès sécurisé. Mais il est vrai que l’avantage, en France, du vote électronique restera limité en raison des taux de participation élevés que connaît notre pays pour ses grands rendez-vous et du coût relativement marginal d’une élection nationale étant donné sa fréquence.
Le vote électronique pourrait aussi favoriser le développement de la consultation directe des citoyens, notamment dans le cadre des référendums d’initiative populaire au niveau local. L’effet de ces référendums ne sera pas sans conséquences sur le mode de gestion des instititutions.
Jusqu’à présent dans un système de consultation traditionnel, de tels référendums étaient rares, généralement organisés dans le cadre de décisions sensibles à prendre au niveau d’un territoire : augmentation des impôts, installation de la télésurveillance, d’une usine d’incinération, choix entre le métro ou le tramway dans une ville… Un internet généralisé et sécurisé simplifiera l’organisation de telles consultations et favorisera leur multiplication. Les risques d’abus de nature à bloquer les capacités de gestion des élus sont à redouter. Même si cela fait un peu peur, on doit s’attendre, via Internet, à une plus grande réactivité de la part des citoyens et peut-être aussi à l’apparition de  » référendums sauvages  » pour exercer un maximum de pressions sur certaines décisions.
Rappelons que 80 % des citoyens internautes seraient prêts à envoyer un message de protestation par e-mail à une personnalité publique et 85 % à signer une pétition (cf opinion-way). Dans un tel contexte il sera nécessaire d’imaginer de nouvelles formes de  » gouvernance  » intégrant ces formes de consultations directes. Elles devront à la fois être crédibles (pour désamorcer les initiatives sauvages) sans obliger les élus à s’en remettre au suffrage populaire pour n’importe quelle décision, ce qui serait la négation de notre système démocratique. Le dossier de cette semaine esquisse ces débats de fond tout en apportant un éclairage concret sur les premières expérimentations et leurs effets secondaires….

Philippe Parmantier

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