Les cybercarnets (weblogs) et webzines : création de nouveaux genres ?

Qu’est-ce qu’un cybercarnet ? Quel est leur « utilité » ? Que disent les carnets de la représentation de soi ? Que sont les Swapie’s (sites web d’auto-publication d’information éthique) ? Et en quoi ce type de weblogs est emblématique de la pratique carnetière ? Telles sont quelques-unes des questions qui guident Florence Le Cam (http://www.flecam.com), Valérie Jeanne-Perrier (Celsa) et Nicolas Pélissier (Université de Nice), les auteurs de cette communication présentée lors du colloque « Nouvelles pratiques d’information », à Strasbourg, en octobre 2003.

Par Valérie Jeanne-Perrier, Florence Le Cam, Nicolas Pélissier.

Notes pour la présentation d’une communication au colloque « Nouvelles pratiques d’information : extension ou dérive du journalisme ? » d’octobre 2003 sous la responsabilité scientifique de Jean-Michel Utard, Maître de conférences, IUT-Université Robert Schuman (CRAPE) et Roselyne Ringoot, Maître de conférences , IUT Lannion-Université Rennes 1 (CRAPE). Ces notes ont été publiées sur le site de Florence Le Cam : http://www.flecam.com/article.php?id_article=14

Le phénomène des carnets ou weblogs intrigue. Il est même prétexte à de nombreux articles dans les médias traditionnels : Télérama, le Nouvel observateur, La Presse à Montréal, même le magazine Epok de la FNAC s’y met… Dernière nouveauté à la mode, les weblogs/blogues/blogs/carnets font office de benjamins de la publication en ligne.

Ils côtoient à présent les webzines, ces sites d’information davantage reliés à une volonté politique, militante, sociale, que Franck Rebillard avait d’ailleurs bien décrit dans son article Webzines, e-zines : quels nouveaux médias ?.

Cette communication propose une description du phénomène de ces sites d’auto-publication individuels ou collectifs, phénomène qui a déjà une histoire, des marques de fabrique, des repères énonciatifs et de mise en page spécifiques.

Une première précision : je suis plus à l’aise avec la présentation du phénomène des carnets car mon étude a porté sur le Québec et les webzines y sont de plus en plus minoritaires.

Cette description permettra par la suite de problématiser le phénomène en lien avec la formation discursive journalistique et de voir en quoi ce phénomène joue entre les frontières des territoires du journalisme, de la littérature et de la science.

1- Qu’est-ce qu’un carnet ?

Petite histoire des carnets .

Très rapidement, les premiers carnets étaient perçus comme des filtres d’Internet, ils sélectionnaient les informations les plus pertinentes et les complétaient par des commentaires de leur cru (Mortensen, Walker, 2002 : 249). Ils auraient été réalisés, au départ, par des designers web ou des développeurs de logiciels (Paquet, 2002).

Le premier carnet aurait été créé par Tim Berners Lee et intitulé What’s new (Meatball Wiki, 2003 ). Son site lui permettait de recenser et de répertorier les sites.

Le nom de « weblogs » traduit ici par le terme de carnet, souvent employé sous la forme de blogues, blogs, ou cybercarnet, vient de la contraction de to log the web = se connecter au web.

Seuls 23 carnets étaient répertoriés au début de 1999 (Blood, 2000 :1). Mais rapidement, le nombre de sites de ce type a explosé. Cet engouement rapide coïncide avec l’arrivée vers 1999 de plusieurs logiciels de création et de mise en page, relativement simples d’utilisation et surtout gratuit (ou quasiment gratuit). Actuellement, il y aurait plus de 4 millions de carnets référencés dans le monde, dont une moitié réellement actifs (Perseus, 2003).

Pour camper le sujet, les carnets (traduction francophone du terme weblog , défendue notamment par Dolorès Tam sur son site www.francopee.com/carnet sont généralement des sites mis à jour régulièrement (le plus souvent quotidiennement), sorte de publications personnelles agrémentées de commentaires (publiés par les lecteurs) et de liens vers l’extérieur du site. Les carnets ne sont pas de simples répertoires de liens, mais diffusent de courts billets ( posts ), habituellement datés (jour et heure), et publiés dans l’ordre chronologique inversé (du plus récent au plus ancien).

Les webzines sont des sites d’information publiés à intervalle plus ou moins réguliers et qui ne sont pas rattachés à un média dit traditionnel. Nous verrons plus en avant les différences qui existent (ou pas) entre les carnets et les webzines et les problèmes que cela pose dans les recherches et le repérage de ces sites.

C’est un phénomène multi-facettes. Et les styles des carnetiers sont aussi hétéroclites que leurs auteurs. Les styles varient des :

. Carnets spécialisés : Les coups de langue de la grande rousse  ; Carnet techno (SRC)  ; Seb’s open Research .
. Carnets intimes : Les carnets rouges .
. Carnets institutionnels : ESC Pau
. Carnets politiques : Paul Martin
. Carnets sur les carnets : Mediatic
. Carnets individuels ou collectifs : Slashdot.com (Certains carnets ne relèvent pas de la publication personnelle mais bien davantage collective. Certains carnets sont en effet rédigés à plusieurs mains : Metafilter , KuroShin sont quelques exemples. (Il existe même certains carnets ‘maisons’ écrits par des colocataires.)
. Carnets hybrides : Karl

Des formes évoluées de pages personnelles

Les carnets sont des formes évoluées des pages personnelles. Évoluées car ils ne se composent pas d’une simple page, mais souvent de plusieurs pages, liées entre elles et qui donnent au carnet cet aspect de site.

Quelques pratiques des carnetiers :

. Le carnetier est souvent auteur et metteur en page de son site.

. Souvent quotidiennement, il choisit le contenu, le met en mots, en ligne et répond à ses commentaires ou aux courriers qui lui sont adressés.

. Ses textes, ou billets tels que nommés dans le milieu, sont publiés par ordre chronologique inversé (du plus récent au plus ancien) et truffés de liens vers d’autres sites. Le contenu est construit à partir et autour d’hyperliens, remarqués, recommandés, critiqués, commentés par le carnetier. La présence de ces liens hypertextes est ce qui distinguerait le carnet d’un journal en ligne (au sens de journal intime) (Paquet, 2002).

. Enfin, la liste des sites-amis est une pratique coutumière qui marque dès la page d’accueil les affiliations ou les réseaux du carnetier.

. La gratuité du contenu est un aspect quasiment jamais remis en question. Pour l’instant, elle est vécue comme une fin en soi, un principe.

. Le nombre de citations que le carnetier peut avoir sur d’autres sites est un indicateur de qualité du site pour la communauté (Paquet, 2002). Les citations ont un impact d’une part sur la connaissance du site par l’extérieur, mais sur le carnetier lui-même, qui écrit tout de même pour être lu.

Qui sont-ils ?

. De part la diversité des formes de carnets : il n’y a pas de profil : sont des étudiants, des chercheurs, des professionnels, des techniciens, des non-techniciens…

. Par contre, ont en commun un certain jeu de devinettes concernant leur identité. A titre d’exemple, Les coups de langue de la Grande Rousse– nulle mention de son identité réelle, par contre, on sait ses intérêts, et elle montre ces points forts professionnels et ses centres d’intérêt : la langue française, la traduction, le fait qu’elle écrive dans le magazine informatique Virus.

Quelle est l’utilité d’un carnet ? (Paquet, 2002)

. La sélection du matériel. Les gens veulent que le contenu diffusé sur le web soit filtré pour avoir le matériel le plus pertinent. Et ce n’est pas qu’une question de filtre, mais de commentaires. Cela permet au lecteur de juger de la pertinence des documents. C’est un filtre post-production du contenu au contraire des publications traditionnelles.

. Gestion de ses connaissances personnelles. Le site permet une trace chronologique de ce que l’auteur a pensé, repéré et noté. Il peut rechercher dans son matériel grâce à un moteur de recherche ou chronologiquement.

. La conversation. Le carnet est devenu un médium pour des discussions publiques.

. Réseau social. Tissage de liens entre les lecteurs et les auteurs. Les carnetiers demandent parfois de l’aide aux lecteurs.

2- Quelles sont les différences entre un carnet et un webzine ?

Comme nous l’avons dit, le carnet est une forme évoluée de la page personnelle. Alors que la page personnelle est une page parfois multimedia qui vise à répondre à la question : qui je suis ? (Chandler, 1998), les carnets ressemblent davantage à des sites, car ils sont composés de plusieurs pages et permettent un niveau d’interaction avec le lecteur guère atteint par la page personnelle.

Différences carnets-webzines :

> La question de la forme. Le carnet est publié par ordre chronologique inversé et habituellement composé de courts billets. Le webzine quant à lui est davantage hiérarchisé par thématiques et la possibilité d’envoyer des commentaires regroupés dans un forum. Les billets sont souvent plus longs.

> La question de la temporalité de la production. Un webzine est rarement mis à jour tout au long de la journée ce qui peut arriver fréquemment sur un carnet.

> Les webzines sont souvent davantage reliés à une volonté politique, militante, sociale. Les carnets sont davantage liés à des considérations personnelles. (ce qu’avait d’ailleurs bien montré Franck Rebillard dans son article : Webzines, e-zines : quels nouveaux médias ? : : en expliquant que deux grands types d’expérimentation ont eu lieu au sein des e-zines : d’une part, l’attachement à un idéal d’indépendance (en empruntant au modèle du journalisme d’opinion) et d’autre part, une dérive à contre-cœur vers des formules proches de la presse magazine). On ne peut pas dire cela des carnets.

> Le sentiment d’appartenance. Les auteurs de webzines se réclament souvent de la presse alternative, des modes de diffusion hors du circuit des médias traditionnels. Malgré une certaine influence de ce discours dans le milieu des carnets, les carnetiers se définissent avant tout par rapport à leur appartenance à ce qu’ils nomment la blogosphère.

> Un point commun cependant : Cf : Franck R. le fondement des différentes démarches des webzines et des carnets est clairement une attitude d’opposition aux modèles des médias de masse.

> Mais mélange des genres de plus en plus fréquents. En effet, carnets et webzines sont de plus en plus difficiles à distinguer. Ainsi, un site La tribu du verbe* qui se définissait au mois d’octobre 2002 en tant que webzine s’est rapproché de la communauté des carnetiers – il fait d’ailleurs partie à présent du YULBlog, le regroupement des carnetiers montréalais.

>> Et sur le terrain, les différences sont ténues et de plus en plus difficiles à distinguer. Parce que sa publication est hebdomadaire, peut-on dire qu’un carnet est alors un webzine ? Ou inversement ?

3- La représentation de soi et de ses pratiques.

Des thèmes fédérateurs.

Le partage des connaissances. = Accroître son ‘érudition’ et bénéficier des expériences d’autrui semble, pour certains, une démarche exponentielle grâce aux sites d’auto-publication.

La liberté d’expression. Ces sites seraient un moyen de démocratiser la diffusion de contenu. La facilité d’accès et d’utilisation des moyens de publication (les différents logiciels), et la non-nécessité de connaissances approfondies en informatique se combinent à la maîtrise par le carnetier du processus éditorial de son site.

Les Mémoires. La conservation de la narration d’événements, de réflexions, d’opinions concernant la vie publique ou privée du carnetier permet à l’auteur, mais aussi au lecteur, de conserver, de fouiller et de retrouver des traces, des souvenirs et des informations.

La plume. La passion de l’écriture, le besoin d’écrire, l’exercice de style sont des récurrences dans les discours des carnetiers. Elles se couplent avec un réel exercice de choix éditorial.

Finalement, un jeu du ‘Je’ et de ‘l’autre’. Le jeu du carnet est de trouver un moyen d’expression de soi. Le carnet va parfois jusqu’au dévoilement intime. Mais simultanément la publicisation de contenu renvoie à un public, à des lecteurs-internautes. Le carnetier étend son réseau de connaissances, de contacts. Après tout, les carnetiers écrivent pour être lus…

Ces sites d’auto-publication questionnent différents thèmes :

> Le site dans la communauté des carnetiers

> Le site comme plate-forme d’échanges professionnels et spécialisés

> Le site comme déprivatisation du journal intime

> Le site comme support de diffusion d’information et comme territoire partagé entre journalistes et carnetiers.

4- Objet de l’étude : Sites d’auto-publication d’information éthique (SAPIE)

Parmi ces différentes formes de sites, notre recherche s’est concentrée sur : Les sites d’auto-publication d’information éthique :

. car ces sites Internet impliquent, de la part de leurs concepteurs et animateurs, une démarche active, intentionnelle, rationalisée, construite de contributions à l’espace public.

. Il s’agit de diffuser des informations, de donner une opinion, de susciter les débats et discussions, d’inciter les lecteurs et co-animateurs potentiels à faire usage de leur raison.

. Le souci essentiel des auteurs de sites demeure le partage et la diffusion la plus libre possible d’une information éthique, c’est-à-dire diffusée dans une perspective de participation, individuelle ou collective, à la définition et la recomposition de la chose publique.

>> Cette définition inclut donc dans notre champ d’investigation : les carnets et les webzines qui inscrivent leur projet éditorial (et surtout leur mode réel de fonctionnement) dans cette perspective.

>> En revanche, elle nous amène à exclure : les sites internet d’information stratégique, destinés à la promotion et à la défense des intérêts particuliers des institutions (commerciales, administratives, politiques…). La question reste posée par contre au sujet des sites d’information intime, qui errent entre journal intime et tentative d’écriture.

. Notre projet initial était de nous intéresser à l’ensemble des sites en ligne d’information n’existant que sur Internet.

La restriction de notre champ d’étude présente cependant un double avantage :

. D’une part, cela nous permet de nous concentrer sur les sites Internet dont la finalité nous semble la plus proche de la démarche journalistique, qu’elle soit davantage tournée vers le magistère ou le service rendu à un public.

. Et d’autre part, de focaliser notre attention sur une frontière professionnelle particulière, a priori peu étudiée par les autres équipes du programme : celle qui sépare le journalisme de la littérature et vice-versa.

5- Les SAPIE, un phénomène aux frontières du journalisme, de la science et de la littérature

Une première exploration de l’univers des SAPIE, menée depuis plus d’un an, permet de proposer différentes pistes de réflexion :

> les sites sont l’expression d’un retour en force, bien que sous une forme différente liée aux pratiques en ligne, du modèle historique de la presse d’opinion, un modèle très marqué par le fonctionnement du champ littéraire. La création de ces sites démocratise une pratique qui est aujourd’hui essentiellement le fait d’une élite professionnelle dotée d’un fort capital social et symbolique. Dans les entreprises de presse, on lui « réservera » ainsi les genres d’opinion « nobles » (tels que le billet, l’éditorial, la chronique…) liés au journalisme politique et culturel.

> Seconde piste : Au-delà de cette frontière entre champ journalistique et littéraire, il nous semble intéressant de mettre en valeur l’impact du modèle de fonctionnement du champ scientifique (voir notamment Bourdieu, 2002). La communauté des sites étudiés présente ainsi des caractéristiques très voisines de celles de la communauté scientifique.

La communauté est :

– relativement cloisonnée sur elle-même, puisqu’on observe une forte identification entre sources, producteurs d’informations et lecteurs. Bien qu’ils sélectionnent, lisent, commentent des informations publiées hors de la communauté, ceux qui produisent, lisent et alimentent en informations les SAPIE sont le plus souvent les mêmes (ce qui entraîne aussi une certaine circularité de l’information).

– ce cloisonnement confère à la communauté un niveau élevé d’autonomie fonctionnelle, et permet des pratiques alternatives au fonctionnement traditionnel des communications de masse.

– La communauté fonctionne sur des processus d’inter-reconnaissance et de co-validation des informations par les pairs, des processus qui font l’objet d’enjeux de l’ordre du social et du symbolique.

– Enfin, à notre sens, les carnets et webzines étudiés s’inscrivent cependant davantage dans le champ du journalisme que dans celui de la littérature et leurs pratiques d’écriture relèvent davantage de la formation discursive journalistique.

Le terme ‘davantage’ est important car il mesure cette idée et permet d’une part de prendre en compte les influences revendiquées ou perceptibles sur les sites, des influences parfois bien plus hétéroclites. Et d’autre part, il encourage à prendre en considération l’idée unanimement partagée qui vise à se démarquer de l’industrie médiatique traditionnelle.

Cette hypothèse doit cependant être validée : cinq niveaux du phénomène devront être analysés de manière plus approfondie.

6- Liens avec la formation discursive

Les produits éditoriaux.

Selon la définition proposée par Jean-Michel Utard (Utard, 2003), il s’agira d’aller à la rencontre des genres, c’est-à-dire des « régularités observables dans les productions discursives » des sites d’auto-publication.

. L’idée est de chercher à savoir si les produits rédactionnels analysés peuvent entrer dans la classification « classique » de la formation discursive journalistique, notamment celle que l’on peut retrouver dans les manuels.

. Deux hypothèses peuvent d’ailleurs être posées : la première est que prédominent pour une part des formats d’opinion hérités de pratiques littéraires : billets, éditos, carnets, chroniques, de préférence plus courts que dans la presse-papier. Et pour une autre part, des brèves de diffusion d’information courte (des références, des annonces d’événements, des informations pratiques)

. Au-delà des textes, on s’interrogera aussi sur le genre de journalisme repérable dans les sites : investigation, politique, débat d’idées, financier, magazine, people, technique, etc.

. On étudiera aussi le rôle décisif joué par l’intertextualité, par le nombre et la nature des liens hypertextes proposés. Ces liens étant fonction des « affinités électives » du concepteur-animateur.

Le processus de production de l’information.

. Suite à notre exploration, il nous est vite apparu que les schémas traditionnels de la production et la circulation de l’information n’étaient plus valides lorsque l’on se penche de près sur les circuits production d’informations des sites d’auto-publication. A titre d’exemple,

1- le « bouclage » du système ne peut intervenir en fonction d’une deadline de publication définitive ;

2- ensuite l’émetteur, le canal, le récepteur et la source sont souvent les mêmes.

. Le concept même de processus de production pourrait être transformé en processus de création. La dimension de la créativité étant très présente.

. Nous interrogerons les concepteurs-animateurs sur leurs pratiques, mais aussi, dans une démarche ethnographique d’auto-analyse en observation participante sur un carnet.

La communauté de pratiques

. Il est pour le moment difficile d’évoquer un « groupe professionnel » concernant les SAPIE. Cependant, peut-on réduire leur existence à celle d’une communauté axée autour d’un loisir ou un engagement militant ? C’est tout aussi difficile. On notera d’abord que, chez les carnetiers par exemple, la distinction amateur/professionnel ne fait guère sens, même si certains chercheurs évoquent un phénomène de « mass amateurization » au sujet des SAPIE.

. Pour autant on perçoit certains indices de construction d’un groupe : charte de déontologie, glossaire des termes utilisés dans le milieu, guide à l’intention des néophytes, etc. Cela peut renvoyer à priori au modèle de la profession libérale, mais surtout aux prémices des formes « d’associations professionnelles » de la fin du XIXème siècle, formes souples de représentations collectives. Ce terrain sera à explorer.

. On pourrait même distinguer des catégories à l’intérieur du groupe : les concepteurs de logiciel, les auteurs, etc.

Les relations aux sources

De nombreuses questions se posent :

. Quelle est la place des sources numériques par rapport aux sources « de terrain » ?

. Au sein des sources numériques, quelle est la place des sources produites par la communauté des SAPIE ?

. Quelles sont les conséquences en matière de traitement et de réception de l’information ?

. Comment se gèrent les questions de légitimité et de crédibilité des sources-producteurs d’information, de vérification des sources, etc.

. Enfin, puisque les sources sont aussi souvent productrices d’information et lectrices, comment se produit et se gère ce brouillage des frontières puisque le rôle de source-producteur-lecteur devient souvent la norme.

Les relations au public

. Dans le cas des SAPIE, le public des lecteurs semble se confondre avec la communauté des producteurs, mais est ce vraiment le cas ?

. Quel est ce public ? Est-il si nombreux ? voire est-il proportionnel au nombre de sites créés. On peut d’ailleurs rappeler que malgré la popularité acquise par les carnets durant le conflit en Irak, seulement 4 % des internautes américains auraient consulté régulièrement ces carnets de guerre lors du conflit [enquête intitulée ‘The Internet and the Iraq war’ publiée par Pew Internet (http://www.pewwinternet.org).]

. On peut développer l’hypothèse d’un public très informé, au fait des NTIC, et doté d’un fort degré de réflexivité (laquelle, selon Dayan, est le critère numéro un de la construction d’un public).

>>>> Suites des recherches de terrain sur les SAPIE

• Observation participante sur un site collectif (VJP-FLC-NP)

• Analyse de l’énonciation des dispositifs des logiciels de publication SPIP et Movable Type. (VJP)

• Analyse des produits éditoriaux (VJP)

• Recherche sur les représentations des journalistes envers les auteurs de SAPIE (entrevues avec 10 journalistes travaillant à l’IUT de Nice), et celles des auteurs envers les journalistes (entrevues avec 10 auteurs) (FLC-NP)

• Recherche sur les journalistes-carnetiers (FLC)

• Analyse des réponses à un questionnaire adressé à un groupe de 25 étudiants de l’IUT de journalisme de Nice concernant leur perception des SAPIE (NP).

À lire aussi sur internetactu.net

0 commentaires

  1. Non, pas tant que ça Yann, puisqu’il parvient plutôt à endiguer très bien le Spam, même s’il prend parfois certains commentaires dans ses filets, comme ça a été le cas de plusieurs des votres.

  2. Transmission sur Internet : y découvrir une œuvre.

    Un auteur c’est une voix. Il y aura toujours des voix qui se feront entendre, et force est de constater que ces voix choisiront dans un proche avenir, d’autres médias, d’autres supports que le livre et le papier.

    On parle de tablettes de lecture numérique aussi confortables que le support papier ; nul doute que la lecture sur écran concernera une autre lecture pour une autre littérature, le contenu étant indissociable de son support.

    ***

    Son et image : quand tout n’est pas perdu.

    Pensons un instant à ce que le cinéma apporte à l’œuvre de Shakespeare. Le cinéma est un fabuleux moyen de nous faire entendre la parole de cet auteur, dans sa langue et au plus près de l’acteur. Nul doute : le cinéma rend justice au soliloque shakespearien ; l’acteur n’a plus besoin de hurler pour se faire entendre. Et ça tombe plutôt bien : ce qu’il a à nous confier, ne s’y prête pas.

    En ce qui concerne Shakespeare, voilà que c’est le cinéma qui nous restitue la parole, la voix de cet auteur !
    On peut aussi mentionner Proust dans le film de Raoul Ruiz « Le temps retrouvé » et l’édition DVD de ce film.

    Là, maintenant, je pense à Bergman qui est tout simplement un des hommes les plus intelligents de la seconde moitié du XXe siècle. Que le cinéma ait pu rallier à lui un tel esprit, c’est tout à son honneur.

    Et n’oublions pas la peinture et le multimédia pour une meilleure représentation et une meilleure compréhension des oeuvres.

    ***

    Héritage.

    La transmission, c’est encore par les livres qu’elle doit se faire puisque c’est dans les livres que l’on trouve les plus grandes voix de ce siècle et des siècles passés. Et si ces voix sont ignorées, à partir de quoi, de qui, de quelle œuvre, on raisonne, on crée, on fait entendre une autre voix ? A quoi ressembleront les grandes voix de demain, lesquelles auront superbement ignoré les grandes voix d’hier ?

    Est-il possible d’être à la hauteur d’un héritage dont on ne soupçonne pas l’existence ? Peut-on hériter à son issu ? Ou alors, une pensée spontanée, une voix, une œuvre … partie de rien ou bien, de si peu, mais… pour quel résultat ?

    Il n’est pas dit que les besoins de demain soient identiques à ceux d’hier. De quelles voix les générations à venir, de quel espace de réflexion, de quelle conscience de soi, des autres, de la réalité auront-elles besoin ? Jusqu’où l’espèce humaine aura-t-elle besoin qu’on l’élève, qu’on la porte ? Quelle ascension pour elle ? Le mont Ventoux, l’Everest ? Il n’est pas certain que cette humanité de demain ait besoin qu’on l’élève si haut que ça.

    ***

    Il faut bien se résoudre à la conclusion suivante : si aujourd’hui on rencontre des problèmes de transmission d’héritage, Internet, le son et l’image n’y sont pour rien, et la télé non plus.

    La société, c’est de la C(c)ulture, de l’économie et de la politique.
    D’aucuns, alarmistes, se précipitent pour nous pour dire qu’avant, c’était mieux, bien mieux, beaucoup mieux même.

    Comprenez : « Avant, la transmission avait lieu ».

    A tous ces Cassandre, on leur conseillera de regarder du côté de l’économie et de la politique et de cesser de confondre les effets avec les causes, même si cela demandera toujours plus de courage de s’adresser aux causes plutôt qu’aux effets.

    Qui peut douter que seul nous est donné à consommer ce qui est distribué ou diffusé ?

    Les forces de production, qui sont bien évidemment des forces de diffusion, ne raisonnant qu’en terme de consommation ; aussi, nous donne t-on ou pas de la littérature, des auteurs, des oeuvres à consommer… et quelle littérature, quels auteurs et quelles oeuvres ?

    Qui décide de ce qui sera donné à consommer ?

    On ne peut pas tout consommer. Consommer demande du temps ; et l’on manque tous de temps ; et fatalement, consommer une chose, c’est aussi ne pas en consommer une autre. Et si cette autre chose qu’on ne consomme pas, faute de temps et puis, parce qu’on ne nous la donne pas à consommer, s’appelle Proust, Char, Lautréamont… ou Levinas… ou plus simplement Baudelaire, Rimbaud… la réponse s’impose d’elle-même.

    ***

    Se cultiver, c’est être capable de faire des choix. Mais alors, à partir de quel choix, si la panne de transmission d’héritage se confirme ?