Le silence, pas l’agneau

Depuis quelque temps, la Fing se voit sollicitée, voire sommée de prendre parti dans quelques-uns des importants débats qui secouent la « société de l’information ». Faut-il signer la pétition en faveur du « très haut débit pour tous » ? Qu’avons-nous à dire contre la loi sur les droits d’auteurs et les droits voisins dans la société de l’information ? Et à propos de la régulation de l’internet et du Sommet mondial de la société de l’information ?

Au moment où ces sujets apparaissent en « Une », l’absence de prise de position officielle de la Fing apparaît, pour beaucoup, difficilement compréhensible. Il nous faut donc l’expliquer.

En commençant par ceci : la Fing ne dispose, délibérément, d’aucun mécanisme qui lui permettrait de définir une « position officielle ». Sa vocation est d’explorer l’avenir, de promouvoir l’innovation, de faire circuler les idées – mais pas de représenter l’extrême diversité de ses adhérents, ni de porter leur parole collective. D’autres syndicats et associations, avec lesquels nous travaillons, jouent ce rôle. En ce qui nous concerne, nous affranchir des enjeux de représentation libère la parole et permet à ceux qui participent à nos échanges de s’abstraire de leurs positions institutionnelles. Sans cela, nous ne pourrions tout simplement pas remplir notre mission.

Cela ne nous contraint nullement à la tiédeur. Bien avant les pétitions d’aujourd’hui, la Fing publiait des textes rien moins que tièdes sur l’échange de contenus numériques, les hauts et les plus hauts débits, les « fractures numériques« , etc., qui ont contribué à enrichir le débat, voire à en déplacer un peu le terrain. Pour qui sait lire, ces textes ne constituent certes pas des « positions », mais ils expriment à tout le moins des idées et des valeurs. Ils explorent aussi d’autres voies, d’autres questionnements : peut-on dépasser certains conflits par l’innovation – technique, commerciale, de service, d’usage ? Peut-on en exprimer autrement les termes en observant la réalité des pratiques numériques ?…

En revanche, quand arrivent sur la table le projet de loi ou le brouillon de déclaration officielle, d’autres modes de débat et d’action s’imposent. Il faut se focaliser sur un seul thème et y passer tout son temps. Il faut choisir ses amis et ses alliés, connaître ses adversaires, négocier et ferrailler. Plusieurs associations et groupes en font leur vocation et accomplissent un travail remarquable. En revanche, à ce moment-là, la petite équipe de la Fing est depuis longtemps investie sur d’autres sujets. Faut-il absolument qu’elle vienne refaire le travail que d’autres accomplissent ?

D’autant que nous sommes convaincus qu’après les confrontations législatives – ou bien (de préférence !) longtemps avant elles, des lieux d’échange plus libres (et la Fing n’est pas le seul lieu de ce type !) sont et demeureront indispensables.

D’une part, la radicalisation inévitable lors des batailles d’amendements cèdera souvent la place, un peu plus tard, à des coopérations nouvelles en vue de reconstruire des dispositifs équilibrés, par exemple, d’accès aux oeuvres de l’esprit. On voit mal, dans ces domaines émergents et instables, comment la Loi pourrait en réalité poser les bases de l’avenir. Elle peut, certes, parfois insulter l’avenir ; mais alors celui-ci se vengera en rendant la loi caduque avant même sa promulgation.

D’autre part, d’autres débats se profilent à l’horizon, au moins aussi essentiels et aujourd’hui beaucoup moins instruits : sur l’informatique « ambiante », sa présence et sa maîtrise ; le droit à la déconnexion ; l’identité numérique, le droit à la discretion, voire au mensonge ; la biométrie dans ses usages publics et privés ; l’innovation, son potentiel et son éthique ; le principe de précaution, sa nécessité et ses dangers… On en passe.

Avec d’autres, nous nous efforçons de défricher ces terrains-là. Pour préparer les débats de demain. Au fond nous aurons accompli notre mission, si, dans peu d’années, ces nouveaux territoires sont devenus suffisamment importants pour qu’on en vienne à nous reprocher de parler déjà d’autre chose.

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