119 « idées dangereuses » pour 2006 et après

Comme chaque année, la fondation américaine Edge, qui « rassemble de manière informelle certains des esprits les plus intéressants de la planète », pose une question difficile à une centaine de penseurs. La question de 2006 était : « Quelle est votre idée dangereuse ? »

Une « idée dangereuse » se définit par le fait (1) qu’elle est a priori considérée comme inacceptable d’un point de vue social, moral, éthique, etc. et (2) qu’elle pourrait être juste. Les idées de Copernic ou celles de Darwin, dit la Fondation, étaient à leur époque des exemples d' »idées dangereuses ».

119 penseurs, presque tous américains (notons cependant l’intervention de Dan Sperber, chercheur en sciences sociales et cognitives au CNRS), scientifiques (avec une bonne dose de psychologues) pour la plupart, ont présenté, dans des textes personnels, leurs « idées dangereuses ». Florilège :

  • Il y a tant d’idées en circulation au regard du nombre d’êtres humains, qu’il faudra créer des esprits artificiels pour les maintenir en vie ;
  • La simulation deviendra une pratique naturelle, l’authenticité au sens traditionnel sera une idée du passé ;
  • L’anonymat doit être préservé mais minimisé, comme un métal rare dont l’absence, comme l’excès, tue la cellule ;
  • Il faut supprimer l’Ecole et transformer les écoles en appartements ;
  • Les parents n’ont aucune influence sur la personnalité, l’intelligence ou le comportement de leurs enfants ;
  • Nous verrons émerger une monnaie complémentaire « open source », exprimée en heures de travail ;
  • Revisiter de manière radicale les notions de libre arbitre et d’égalité des chances au regard des avancées des neurosciences et de la génomique ;
  • Il faut créer une journée annuelle d’absolue solitude ;
  • Le but de la vie est de dissiper de l’énergie pour la remettre à disposition, de manière cumulative, de la vie qui s’ensuit ;
  • L’esprit humain est suffisamment flexible pour s’accomoder à des mutations artificielles majeures de nos corps et de nos perceptions ;
  • Aucune avancée scientifique ne permettra de se débarrasser de l’idée de Dieu ; ou encore, science et religion se nourrissent l’une de l’autre ;
  • Admettons que nos vies n’ont de sens que pour nous-mêmes ; ou encore, que la seule mesure du bien-être est relative et consiste à nous comparer aux autres, qu’il n’existe pas de mesure absolue ;
  • La démocratie se dissoudra dans la globalisation ;
  • L’internet désactive certains de nos « circuits d’inhibitions » et nous ne savons pas y faire face ;
  • La mort naturelle pourrait disparaître… ou bien, la possibilité de sa disparition pourrait nous contraindre à discuter collectivement de quand elle doit advenir ;
  • L’internet prendra conscience de lui-même (à moins qu’il ne l’ait déjà fait : nous ne disposons pas des moyens de le savoir) ;
  • Nous commencerons par choisir le sexe de nos enfants et finirons par nous clôner ;
  • Les extra-terrestres existent peut-être, mais s’ils sont plus avancés que nous, ils vivent déjà dans un monde virtuel et sont donc, faute de prendre le temps de se reproduire, en voie d’auto-extinction. Sur la terre, le même phénomène pourrait prendre la forme de la victoire des fondamentalistes et des environnementalistes sur les « classes créatives » ;
  • La bataille contre le réchauffement planétaire est perdue et ce n’est pas si grave, du moins si l’on parvient à déplacer quelques centaines de millions de personnes en un ou deux siècles. En revanche, le trou d’ozone, la disparition des forêts tropicales et la pollution des océans peuvent avoir des effets beaucoup plus graves ; à moins que ce ne soit pas la planète qui soit en danger – elle s’en sortira toujours – mais juste les milliards d’humains que les habitants des pays développés empêcheront d’une manière ou d’une autre d’accéder à leur niveau de vie ;
  • Viendra un jour où nous ne saurons plus ce que nous ne savons pas ;
  • … Et parce que nous sommes en Amérique, un rappel – qu’on a peine à considérer en Europe comme une idée aussi « dangereuse » que celles de Galillée – de la nécessité de penser comme s’il n’y avait pas d’au-delà, voire tout simplement d’accepter la théorie de l’évolution…

Enfin, une dernière idée dangereuse (et donc contestable), également émise par l’un des contributeurs : dans le monde dangereux où nous vivons, il est dangereux de demander des idées dangereuses à des scientifiques. On obtiendrait peut-être des résultats plus surprenants, et moins inquiétants, en leur demandant des bonnes idées applicables tout de suite.

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  1. Le tabou de l’industrialisation de la mort (génocide) et celui de l’industrialisation de la vie humaine (clônage) doivent tomber afin de permettre aux thèses scientifiques des économistes financiers de se vérifier sans interférances aléatoires. De toute façon, on sait que la machine financière n’a besoin, pour fonctionner, que de 20% du stock humain actif actuel.