La montée du « crowdsourcing »

Après la mode de l’externalisation (outsourcing), voici venu le temps du crowdsourcing. Le principe de fonctionnement de ces nouvelles entreprises est simple : utiliser le temps disponible des gens pour créer du contenu, résoudre des problèmes, voire même faire de la R&D, en transformant radicalement le management et l’économie du monde du travail. Un seuil qui pourrait déstabiliser l’équilibre des marchés existants…

Après la mode de l’externalisation (outsourcing) qui, pour beaucoup d’entreprises high-tech a consisté à faire réaliser leur travail en Inde et en Chine à coûts réduits, voici venu le temps du crowdsourcing, qu’on pourrait traduire par « l’approvisionnement par la foule ». Le principe de fonctionnement de ces nouvelles entreprises est simple : utiliser le temps disponible des gens pour créer du contenu, résoudre des problèmes, voire même faire de la R&D, explique Jeff Howe pour Wired. Au travers de quatre exemples, il montre comment le monde du travail se transforme à l’heure des réseaux et se redessine, en partie, dans son management et son économie.

Jeff Howe raconte comment Claudia Menashe, qui préparait une exposition photo pour le Musée national de la santé américain, a trouvé son bonheur dans une place de marché en ligne. iStockphoto, lui a permis en effet d’exploiter les photos de centaines d’amateurs, à un dollar pièce, plutôt que celles d’un photographe professionnel, Mark Harmel, avec lequel elle s’apprêtait à travailler, et qui était pourtant près à lui faire une ristourne pour participer au projet. « Pour le photographe professionnel, la leçon d’économie est claire : son travail n’est plus rare. Avec un ordinateur et une licence de Photoshop, n’importe quel enthousiaste peut créer des photographies rivalisant avec celles de professionnels. Ajoutez l’internet et les puissantes technologies de recherche, et partager ces images avec le monde entier devient enfantin. »

Le succès est au rendez-vous : les revenus d’iStockphoto augmentent de 14 % par mois et le service indexe déjà quelques 10 millions d’images. Le principe est simple : les amateurs arrondissent leurs fins de mois et les clients arrondissent leurs marges en payant moins cher les photos qu’ils utilisent.

Jeff Howe remarque que ce qui était un phénomène marginal, cantonné au monde du logiciel open source ou de l’encyclopédie collaborative, est en train de conquérir l’attention du monde des affaires. Après avoir cherché des travailleurs bon marché, par-delà les mers, voici que les entreprises sont en train de les trouver n’importe où, pourvu qu’ils soient connectés à un réseau. « Le travail n’est pas encore gratuit, mais il coûte beaucoup moins cher que de payer des salariés ». Et Mark Harmel d’expliquer qu’en 2000 il avait gagné 69 000 dollars avec une centaine de photos : en 2005, avec plus de 1000 photos, il a gagné 10 000 dollars de moins !

Le papier de Jeff Howe continue en racontant la guerre que se livrent différentes chaînes américaines pour mettre la main sur le pactole des productions vidéo amateur pour développer des émissions, voire des programmes entiers, plutôt dédiés aujourd’hui à des émissions du style vidéo gag, mais, demain, à des sujets plus diversifiés.

Puis il évoque YourEncore, NineSigma ou InnoCentive, la version scientifique d’iStockphoto, dont nous vous avions déjà parlé. Ed Melcarek, un scientifique de 57 ans, a ainsi gagné 25 000 dollars en aidant la R&D de Colgate-Palmolive à trouver une nouvelle solution pour injecter de la poudre fluorée dans un tube de dentifrice. « La force d’un réseau comme InnoCentive provient de la diversité des profils intellectuels qu’il recrute », affirme Karim Lakhani qui a étudié le phénomène et qui souligne, à la suite des théories du sociologue Mark Granovetter, que « les réseaux les plus efficaces sont ceux qui lient à la plus large gamme d’information, de connaissance, et d’expérience ».

« Chaque année, les budgets de recherche augmentent plus vite que les ventes. Notre modèle de R&D traditionnel est épuisé », explique Larry Huston qui a récemment bouleversé le département R&D de Procter & Gamble, en développant l’acquisition d’innovation (passée de 15 à 50 % du budget R&D de P&G).

Jeff Howe, qui a d’ailleurs ouvert un blog sur le sujet, termine son tour d’horizon par le Mechanical Turk d’Amazon, la « place de marché du pauvre », conçue pour ceux qui n’ont aucun talent particulier et qui propose de réaliser des petites tâches comme identifier ce qui est photographié sur une image contre quelques centimes. iConclude utilise notamment les « turcs » d’Amazon pour faire réaliser des bouts de programmes ou des graphiques.

Wired pointe encore quelques sociétés qui « crowdsourcent » – comme Zazzle dans le design ou marketocracy dans les services financiers – et conclut en proposant 5 règles de ce nouveau principe d’organisation du travail :

1. La foule est dispersée ;
2. La foule a peu de temps à vous accorder ;
3. La foule est pleine de spécialistes ;
4. La foule produit la plupart du temps de la merde ;
5. Mais elle sait aussi trouver la matière la plus appropriée.

Qu’en conclure ? Au-delà de la nouveauté lexicale, le fait que des individus publient en ligne des contenus qui se trouvent avoir de la valeur n’est évidemment pas nouveau et c’est un phénomène que nous décrivons depuis longtemps. Cela fait également quelque temps que des médiateurs proposent de rémunérer (assez peu) ces contenus (Revver pour la vidéo, par exemple), ou encore l’apport d’expertise (Google answer par exemple). Mais les prix pratiqués par ces services sont bien souvent en-dehors de ceux du marché, déstabilisant leur équilibre. Ce modèle peut-il se généraliser et remettre en cause celui où les utilisateurs génèrent un contenu qui fonctionne en parallèle de l’économie traditionnelle, avec ses passerelles, entre bénévolat et activité économique, telles que celle qui consiste à monnayer la reconnaissance et l’expertise acquises en participant à un projet « libre », sous forme de conseils et de services à façon ?

Dans la vision que propose Jeff Howe, semble-t-il, on franchit un seuil : celui qui consiste, pour une entreprise, à remplacer la rémunération d’un salarié ou d’un professionnel indépendant par l’achat ponctuel d’un morceau de contenu ou d’une réponse, après recherche de ce qui est disponible sur le réseau. Pour le photographe amateur ou l’expert qui répond le soir depuis chez lui, il s’agit d’argent de poche, toujours bienvenu, certes. Mais au fait : De quoi vit ledit photographe amateur ? Comment développer son expertise quand celle-ci n’est plus vraiment monnayable ?

Il reste, bien sûr, à vérifier que le « crowdsourcing » peut devenir un phénomène significatif, au-delà de quelques exemples ou de quelques niches. Mais supposons que ce soit le cas et posons-nous quelques questions : et quand tout le monde réalisera des économies en payant des clopinettes l’expertise de professionnels dispersés ou les productions d’amateurs, qui paiera ces gens-là pour qu’ils vivent, produisent, se forment, réfléchissent et consomment ? Quand toutes les entreprises réduiront leur R&D interne pour acheter l’innovation ailleurs, qui investira le temps nécessaire à la recherche, à l’essai-erreur ? Salarier quelqu’un, payer un professionnel, c’est aussi reconnaître la valeur du temps et accepter un risque – autrement dit : investir, ce qui reste l’un des fondements de l’acte d’entreprendre. Tout le monde peut-il indéfiniment externaliser le risque et l’investissement ? Il y a des économies qui peuvent finir par coûter cher…

Hubert Guillaud

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0 commentaires

  1. Le photographe professionnel que je suis est effectivement confronté chaque jour ou presque à ce phenomène: le stock-photo d’agence, mais aussi le beau-frère du PDG de PME, l’imprimeur qui connait quelqu’un ou le graphiste qui « fait » de la photo etc..
    Le crowdsourcing, le dumping, la gratuité et l’amateurisme sont très liés.
    Ce matin j’ai lu une info pour faire faire son logo en ligne par des graphistes indé !
    Il faut être plus professionnel et connecté sur les besoins réels des utilisateurs, trouver des niches où le besoin de professionnalisme fera la différence avec son concurrent.

  2. c’est malheureux mais moi effectivement je passais des heures à faire des recherches sur les cd achetées en banque d’images getty de mon agence. puis un jour j’ai decouvert fotolia et depuis j’avoue on ne fait bosser les photographes que sur des couvertures pour lesquels le client veut une grosse différence. il restera toujours des gens prets à payer. mais bon je peux comprendre que cela fasse mal au coeur.

  3. D’autant qu’il n’y a pas QUE de la merde dans ces photos… Il y a aussi des beaux-frères de PDG, des imprimeurs et même des graphistes qui ont un réel talent photographique et qui fournissent ces sites…
    Hormis ce clin d’œil, le problème est où cela commence et où cela s’arrête…
    Comme le résume Hubert, Il y a des économies qui peuvent finir par coûter cher…

  4. Va-t-on assister à un découpage de nos revenus en micro-revenus correspondant à autant de micro-collaborations ? Je suis fréquemment sollicité par des collaborateurs internes pour des tâches assez courtes, et je suis sensé, normalement, fonctionner sur la base de cahiers des charges (de plusieurs Keuros). Je pense qu’ à l’avenir, sous réserve de mettre en place des outils de tracking adaptés, je pourrai dire qu’aujourd’hui j’ai travaillé 20 minutes pour untel, 40 minutes pour untel, etc… Ce sera plus flexible et permettra de s’adapter mieux à l’évolution des demandes.

  5. La R&D est un domaine très complexe pour les entreprises et la littérature montre de plus en plus que non seulement la recherche d’innovation devient une obligation pour les entreprises, mais que l’exploitation d’une innovation requiert des stratégies de plus en plus fouillées.

    Par conséquent, si des entreprises peuvent faire des « achats » de recherche ponctuels sur InnoCentive pour résoudre un problème technique particulier, elles ne peuvent pas se passer d’un département de R&D consistent et élaborant des concepts et des idées qui vont dans le sens de la stratégie élaborée par l’entreprise.

    Mais effectivement, certains métiers (ou leur produit) risquent devenir des commodités, c’est notamment le cas des photographes.

  6. Je suis un de ces graphistes qui «fait» de la photo. Les graphistes ont été confrontés à l’informatique au début des années 90. Il a fallu basculer tous nos savoirs vers l’informatique et au passage, apprendre à maitriser un grand nombre de technologies qui étaient auparavant prises en charge par d’autres professions, comme l’imagerie, la typo, la reprographie, etc. Certaines de ces professions ont été profondément modifiées, voire gravement sinistrées. Parallèlement les logiciels de PAO ont été largement diffusés et tout le monde a cru qu’il suffisait de posséder ces outils pour devenir un pro. (Certains le croient encore!) Cette concurence de la part d’amateurs, a aussi tiré vers le bas certains standards qualitatifs. J’ai bien peur que le même schéma ne se reproduise pour les photographes, avec une plus grande violence encore.

  7. Je partage le point de vue de Béat qui a vécu comme moi la crise de l’édition et de l’imprimerie… Il nous a fallu tout intégrer, je remplace à moi seul aujourd’hui une dizaine d’emplois (maquettiste, compositeur, correcteur, chromiste, DA, coursier, commercial, secretaire, compta, etc.) Nous avons déjà remplacé parfois les photographes… Cela fait 20 ans que notre profession est en mutation et nous sommes des survivants avec Béat…!

  8. La photo numérique a commencé à débouler sur le monde et je pense que toutes les conséquences ne sont pas encore visibles. Les mutations dans le «paysage» photographique sont déjà profondes. Pour nous graphistes, ça va un peu mieux, car on a eu le temps de s’habituer! En passant, nous nous sommes attribué les outils des photographes et avons pris un peu d’avance sur eux de ce point de vue. Ils sont des pros de l’image et les meilleurs s’en sortiront… mais il faut qu’ils se bougent! Non seulement du point de vue informatique, mais aussi pour se repositionner en s’affirmant en tant qu’auteurs et pour imaginer de nouveaux canaux de distribution.

  9. Mille fois raison, Béat, cette révolution nous est déjà passée sur le corps ces vingt dernières années et il a fallu innover, apprendre ou disparaître… Ce ne sont pas les plus talentueux qui ont automatiquement survécus mais les plus flexibles, adaptables… le talent en sus quand il y en avait…
    Mais la leçon pour Béat comme pour moi est claire… Une remise en question permanente comme une veille continuelle pour résister à un monde dont les repères changent chaque jour.

  10. Les «dinosaures» ont parlé et c’est le consensus, l’accord parfait 😉 Que dire de plus?

  11. Pas beaucoup d’exemple en France, ni dans le secteur public… Cette remarque est elle totalement incongrue ?

  12. Excellent article qu’il pourrait etre interessant de mettre en parallele avec l’outsourcing bien evidement mais aussi le developpement de la precarite et je pense en particulier au phenomene des « intellos precaires » qui ont d’une certaine maniere deja cree un tel reseau dans le monde de l’ecriture d’articles par exemple et ceci de maniere quasi invisible.
    Entre l’eclatement total de la tache (externalisation du tout) et l’entree sur le marche du travail de tous ces nouveaux acteurs (pays emergeants, retraites ne touchant pas leur retraite, intellos precaires, amateur passionne quasi-professionnel, …) comprendre comment va s’etablir la stabilisation me semble aussi difficile qu’important.

    L’action va devoir etre immediate sous peine de voir la precarite devenir une norme …

  13. Pour revenir au modèle Recherche et Développement qui s’ouvre ici avec le crowedsourcing, on peut citer le projet de consortium « Overcrowded » initié par France Télécom R&D, sous l’impulsion de Dominique Cardon et Christophe Aguiton.
    Après une première observation des échanges,des manifestes, des projets déposés pour quêter des subventions publiques (Forges, Autograph…) – premières observations qui donneront lieu à une étude en cours de rédaction sur ce « nouveau capitalisme du partage, il s’agit bien de canaliser une communauté de développeurs open source et d’innovateurs autour de FT R&D, communauté que l’on peut « crowedsourcer » à volonté. De l’externalisation de la recherche et développement à la prédation d’externalités positives, c’est le visage du nouvel esprit du capitalisme à l’ère de l’immatériel comme diraient les spécialistes de Luc Boltanski et Eve Chiapello.

  14. Cet article est passionnant, ainsi que nombre de commentaires qui vont avec. Cet ensemble montre qu’une politique entrepreuriale de R&D mais aussi une politique d’achat ou de sous-traitance systématiquement « externalisée, au plus bas prix » ne développe que peu de sens au niveau « macro », entre autres raisons parce que le retour sur investissement est pensé comme immédiat dans les flux d’une consommation immatérielle, instantanée et accélérée, sans vision à long terme, au niveau des entreprises comme au niveau sociétal.

    J’aurais tendance à répondre à Vincent, qui se questionne sur le point de savoir si on va « assister à un découpage de nos revenus en micro-revenus correspondant à autant de micro-collaborations », par l’affirmative.

    Mais le danger qui guette une société de l’incertitude qui en découle inévitablement au niveau des individus, c’est une perte fondamentale de confiance en l’avenir économique, à laquelle on assiste déjà, perte qui fait inévitablement augmenter le sentiment d’insécurité économique global. Ce sentiment d’insécurité économique global, outre la baisse inévitable de la consommation et du crédit qu’il engendre, risque de contribuer à un repli sur soi généralisé, ou sur la cellule tribale ou familiale, où il est aisé de développer une méfiance globlale de l’Autre, identifié non pas comme un membre de la société, comme un partenaire humain, mais comme un concurrent potentiel qu’il faut éliminer si l’on veut survivre.

  15. Hello !

    On peut voir le côté pessimiste des choses : le professionalisme n’existe plus, les tarifs tirés vers le bas de façon inconsidérée, etc…

    On peut aussi voir le côté positif des choses : le travail collaboratif peut être plus efficace/productif/imaginatif car émulsion/confrontation d’idées avec coordination, etc…

    Se pose alors la question de la juste rémunération, des droits, etc… : là c’est aux politiques de répondre, et donc aux citoyens via leur bulletin de vote !

    Des révolutions il y en a eu, et il y en aura d’autres… Il y aura certainement des perdants et des gagnants, mais de façon optimiste je dirai que la société va s’adapter à ce changement d’une façon ou d’une autre. De toutes façons, si les citoyens n’ont plus de revenus, les entreprises ne pourront plus vendre, les magazines photos n’auront plus de clients, et tout le monde se fichera de savoir si c’est un photographe amateur ou professionnel qui a pris les photos, on ne les verra pas…

    Suis-je trop optimiste ?

    Chris

  16. Bonjour à tous,

    C’est bien de précarité dont il s’agit. Les technologies de l’information ont toujours visé à « casser » les compétences (ouvriers remplacés par des robots, typographes et secrétaires remplacés par des traitements de texte, opérateurs remplacés par des boîtes vocales…), et je suis bien placé pour le savoir : je suis informaticien.

    Ce mécanisme à pour conséquence de niveler les prétentions économiques vers le bas, rendant chacun susceptible d’être remplacé par son voisin.
    Tandis que l’écart riches/pauvres se creuse (un PDG américain gagnait 20x plus qu’un ouvrier au début des années 80, aujourd’hui c’est autour de 100x plus), on s’éloigne bien vite des utopies ou les machines devaient nous assurer une société de loisirs.

    Mais comme cela a été dit, le moment où les laissés pour compte seront trop nombreux approche. Le problème étant de deviner QUI fera les frais des prochaines émeutes…

  17. Un point important non mis en évidence: sur de nombreux sujets y compris en ce qui concerne certaines compétences, la méthodologie de recherche ou la conception artistique, la « production » d’experts est passée par un travail collectif ou dans le sein d’entreprises ou de laboratoires.

    La tendance décrite dans l’article, si elle se développe exagérement, va ressembler à de la culture sur brulis. Les premières années les récoltes sont bonnes, la cendre (les retraités et les licenciés économiques, les indépendants qui en veulent) sont là pour répondre. Mais où grandit et s’aguerrit la génération suivante ? Ou se fait la recherche fondamentale ? Les infrastructures de support ? La transmission du savoir faire ?

    Peut-être dans des écoles et des institutions qui crowdsource leurs enseignants et leurs élèves.

  18. Excellent papier. On est confronté à ce grave problème tous les jours. Le graphiste qui s’improvise photographe, la présidente d’une association touristique qui se découvre photographe, les concours photos d’amateurs…avec comme objectif la constitution d’un stock d’images. Oui il faut se battre : mais comment sur le terrain ?

  19. excellent papier et commentaires
    c’est effectivement la précarité qui fleurira sur ce brûlis. C’est l’exploitation économique, l’intégration de ces travaux « d’amateurs/experts » dans le système libéral actuel qui est inquiétant et dangereux car ce crowdsourcing est une tendance lourde à mon avis. Car le travail collaboratif, lui, au contraire est plutôt stimulant/créatif/inépuisable si bien pensé…Il me semble que la « seule » alternative (en tout cas la plus adéquate à mon avis) possible qui permette de régler ce problème du « crowdsourcing » tout en valorisant justement ces types de travaux collaboratifs est le revenu social garanti, inconditionnel, universel, individuel, du berceau au cercueil. C’est une idée qui fait son chemin, car sans aucun dogmatisme il me semble que c’est la place du travail dans notre société capitaliste productiviste et sa valorisation qui est à repenser et qui est questionné (entre autre) par le « crowdsourcing ».
    Aurons-nous besoin « d’émeutes » pour le réclamer?…ça c’est une autre question mais le contraire m’étonnerait…

  20. jchris a dit « Il nous a fallu tout intégrer, je remplace à moi seul aujourd’hui une dizaine d’emplois (maquettiste, compositeur, correcteur, chromiste, DA, coursier, commercial, secretaire, compta, etc.) »
    en fait, tout cela n’est qu’illusion puisque la fragmentation du travail est un fait relativement nouveau dans l’économie; specialisation apparaissant avec la taylorisation et la constitution des « firmes ». l’intégration toujours plus poussée de spécialistes a
    a) rendu aveugles les non spécialistes
    b) compléxifié le rapport au travail
    le net rend à tous la possibilité de faire tout. je trouve cela mieux. l’amateur devient professionnel, selon un processus d’apprentissage antédiluvien.
    après, s’il faut parler de talent, c’est une autre histoire 😉

  21. Bonjour,

    Passionnant débat, et vertigineuses perspectives…

    Mieux que l’entreprise sans usine, l’entreprise sans salariés ! Tous à la pige ! Car c’est bien de cela qu’il s’agit: la généralisation d’un modèle que connaît déjà bien la presse, surtout la presse magazine. Et l’on en voit tous les jours les conséquences dans la prolétarisation du métier de journaliste…

    La réflexion de Matthieu Picano sur la généralisation d’une société de l’incertitude, de « l’insécurité économique globale » me glace, mais me paraît malheureusement bien prémonitoire…
    Cette réflexion rejoint celles d’intellectuels tels que Jean Baudrillard et Paull Virilio: une telle société ne vit plus plus que dans la hantise permanente du gigantesque accident. Une société où il n’y a plus ni statuts, ni institutions, mais des réseaux infinis d’interconnexions pourrait-elle s’effondrer d’un coup, dans une gigantesque panne générale ?

  22.  » Tous à la pige !  »

    C’est exactement le modèle préconisé par Amazon: le premier pas étant réalisé avec les fiches de lectures réalisées par les lecteurs/utilisateurs.

    le second pas est Amazon Mechanical Turk qui propose aux gens de réaliser des petites taches (non automatisables par des machines et qui nécessitent un apport humain) pour de petites sommes d’argent

  23. Article très instructif.

    J’y vois pour ma part une évolution générale vers la création de richesse par l’assemblage de composants plutot que par la création de ces composants.
    Le mouvement est très visible dans l’informatique. Des centaines de briques sont maintenant disponibles en open source, mais juger de leur qualité ou créer une application finale composée de multiples briques reste très difficile. L’économie de l’open source est un exemple de nouvel équilibre ou la valeur est crée par l’assemblage.

    Je ne crois pas à l’entreprise sans salarié. La R&D (informatique, chimique, …) ne va pas disparaitre. Elle va évoluer. Il faudra toujours des experts pour exprimer les besoins, juger les résultats et assembler les composants élémentaires et créer de nouvelles richesses. On le voit bien dans les limites et les échecs des politiques d’outsourcing. Dans l’édition, il faudra toujours des gens compétents pour assembler et intégrer les différents contenus, et en faire des revues ou des journaux intéressants.

    Deux remarques plus pessimistes:
    1) Vivre de la création de « composants » devient de plus en plus dur, sauf à se spécialiser sur des éléments à forte valeur ajoutée, à forte créativité ou évènementiels. Conséquence : moins de gens en vivrons.
    2) Dans 10 ans, sera t’on encore capable en France d’assembler des programmes informatique, ou juger de la qualité de composants outsourcés s’ils n’y a plus personne qui aura été programmeurs avant ?

  24. Passionnant débat!

    Ne pouvons-nous pas rapprocher ce phénomène à la première vague de création de sites web: les outils étaient faciles d’utilisation, les webmasters de tous poils se sont autoproclamés informaticiens-graphistes-communicateurs, et une première génération de sites web ont été lancés … souvent pas de manière très professionnelle.
    Avec le temps, le métier s’est écrémé, le meilleur est resté.

    Le crowdsourcing existe effectivement déjà dans le monde des logiciels libres. La participation patchée a des projets fonctionne certes mais est limitée par un paramètre: le temps. En effet, ces micro rémunérations ne permettent pas de vivre correctement, à moins d’en faire son métier en s’installant à son compte … ce qui, d’une part ne convient pas à la majorité, d’autre part ne garantie pas la continuité aux entreprises. Je pense donc que ce phénomène restera minoritaire.

    Du côté des entreprises, un équilibre va s’installer, entre appel au crowdsourcing pour des problématiques précises, et développement en interne d’une R&D de réflexion macro économique. Car c’est bien là le problème de la participation d’amateurs: cela nécessite un gros travail d’encadrement, de tri et de contrôle qualitatif.

    Bref, une révolution certes, mais à laquelle nous nous adapterons comme toujours!

  25. Cher Monsieur,

    Toutes mes félicitations pour cet excellent papier aussi clair dans sa forme que pertinent sur le fond.
    Permettez-moi néanmoins d’interroger votre conclusion ?
    Vous craignez à juste titre que le dévoiement de l’expertise ne conduise finalement à un appauvrissement généralisé. Je suis d’accord qu’interroger le risque est justifié mais vos hypothèses me paraissent finalement trop pessimistes.

    1. Accepter de nouvelles ressources financières pour les professions intellecuelles
    J’aime citer l’exemple du Professeur américain Cornell West (Tragicomique Amérique chez Payot) qui raconte que les conférences de Professeurs d’Université sont devenues payantes et les salles sont pleines. Depuis le lancement de l’Université des Savoirs en l’an 2000 le succès des Conférences ne se dément pas en France.
    Pour éviter la paupérisation (le risque est réel) de ces professions (les intellectuels précaires) l’expression du savoir devient moins rémunératrice que son échange. Dans une profession que je connais un peu, les sociétés d’étude de marché, l’accompagnement du client et la validation progressive des hypothèses émises représente l’avenir par rapport aux études de marché traditionnelles qui apportaient à un instant T une vérité sur les attentes des consommateurs. La rapidité du cycle du changement a un impact évident sur ces professions.

    2. Remettre en cause le processus de création de nouveaux produits
    Le premier producteur de biens de consommation, l’américain Procter & Gamble annonce avoir augmenté la part des acquisitions dans son budget R&D de 15 à 50%.
    Cette orientation, corroborée par les nouvelles plate-formes d’échanges on line, consolide cette interrogation qui est liée à l’interrogation initiée il y a quelques années à propos du droit d’auteur. Finalement le principal attribut de la société de consommation n’est-ce pas le droit d’auteur et la vente de marques ou de produits est son prolongement naturel. Les premiers peer to peer ont élargi leur sphère d’influence et par capillarité en viennent à remettre en cause le modèle économique de toutes les activités construites à partir du droit d’auteur et de propriété plutôt que fondé sur la richesse de l’échange.
    A ce propos je me permets de vous signaler un excellent papier dans Le Monde cet hiver (note 1°) à propos de l’histoire du droit d’auteur, né au XVII° siècle pour protéger les imprimeurs puis les auteurs et qui est peut-être amené à se transformer avec l’avènement de la société digitale.

    Un exemple personnel pour conclure. Je termine un livre sur le passage que je commence à entrevoir de la société de la consommation vers ce que j’ai appelé la société de la participation. L’avènement de la Génération P valorise justement la connexion et l’échange plus que la possession. L’éditeur a assis mes revenus futurs tant traditionnellement sur la vente du livre qu’un pourcentage sur les recette publicitaires à venir de la plate-forme digitale qui soutient le livre ( http://www.cluster21.com) et au sein de laquelle j’ai un blog que je dois bien sûr animer régulièrement. Mon activité intellectuelle ne s’arrête pas à la publication de mon livre mais au contraire commence avec l’accompagnement de sa diffusion. Il en va de même dans le cadre de la relation commerciale traditionnelle qui ne s’arrête plus à la vente d’un produit. Et n’est-ce pas souhaitable ? Combien de livres sortent chaque année qui ont demandé des années d’effort à leurs auteurs et qui ne resteront sur les linéaires qu’un petit mois avant d’être retourné pour finir au mieux sur les quais, au pire au pilon.
    Déjà les consommateurs jugent leurs fournisseurs sur la qualité de la relation dans la durée plutôt qu’au moment de l’acte d’achat puisqu’ils y sont liés (carte de fidélité, financement, garantie, assurance perte/bris/vols, ect …). Certains verront dans la rémanence de cette relation un asservissement ou une aliénation pour reprendre le terme des années 70. J’y vois plutôt une relation naturelle dont il est aussi de plus en plus facile de s’extraire grâce à la société du don que vous évoquiez.
    L’entreprise ne doit plus faire rêver, elle doit faciliter et devient concurrente grâce à ses services des offres gratuites qui ne sont pas dotées de prolongement. Le produit/service peut devenir gratuit (comme c’est déjà le cas du téléphone portable avec le forfait ou de nombreux médias) mais l’accompagnement devient payant. Les consommations immédiates diminuent et sont valorisées les relations dans le temps.

    Finalement, votre interrogation légitime et particulièrement pertinente ouvre un champ d’investigation qui déborde la création intellectuelle et oblige à trouver effectivement de nouvelles modalités de rémunération. Ainsi c’est l’apprentissage qui est aussi concerné puisque l’éducation étant fondée sur l’idée de droit de propriété individuelle et de droit d’auteur. Si celui venait à être interrogé, l’enseignement devra apporter sa contribution.

    La création collective devient-elle crédible ou est-ce un phénomène passager ?
    Comment s’y préparer si cela venait à être le cas ?
    Question aussi intéressante que complexe.

    Bien à vous,

    Thierry Maillet
    + 33 1 46 34 01 28. Mobile + 33 6 07 21 70 35
    skype: thierrymaillet. http://mailletonmarketing.typepad.com/

    NB : vous trouverez aussi mon commentaire sur mon blog et je serai ravi de poursuivre cet échange

    Note 1 :
    ROGER CHARTIER « Le droit d’auteur est-il une parenthèse dans l’histoire ? »
    Article publié le 18 Décembre 2005
    Propos recueillis Nathaniel Herzberg
    Source : LE MONDE
    Taille de l’article : 1425 mots
    Extrait : L’historien du livre rappelle la naissance au XVIIIe siècle de la propriété littéraire et artistique. Deux siècles plus tard, les technologies numériques et Internet facilitent la reproduction, mais aussi la transformation des oeuvres, au point que la notion même d’auteur tend à s’effacer. Une réflexion juridique et intellectuelle s’impose. Le droit d’auteur apparaît aujourd’hui comme une évidence. Mais comment s’est-il imposé ? La première véritable législation en France est la législation révolutionnaire de 1791, reprise en 1 793. C’est un compromis qui traduit la préhistoire de la propriété littéraire.

  26. Pour info et pour enrichir la panoplie des oversourcrowdeurs français 🙂
    cf la comparaison entre « open source » et « agile methodologies » extraite de l’ouvrage de Ron Goldman and Richard P. Gabriel , Innovation Happens Elsewhere, publié sous Creative Commons (tiens un grand absent de nos débats franco français)
    cf
    http://dreamsongs.com/IHE/IHE-28.html#47470

  27. c’est un peu le même système sous d’autres noms que a fait les ravages que l’ont connais si bien dans d’autres secteurs, comme le textile, les chantier navales, l’automobile…etc.
    la conclusion le mot travail a de moins en moins de valeur voir ou très peu ( et déjà remplace sans aucun complexe par celui d’exploitation .)

  28. Bonjour a tous, venez decouvrir la premiere initiative de crowdsourcing ou design collaboratif de produits electroniques grand public que nous avons initie(http://cecrowdsourcing.blogspot.com/). Nous sommes une petite equipe francaise extremement motivee et nous allons lance un site web dans les prochaines semaines. Bookmarkez le site pour obtenir l’adresse du site. A tres bientot 😉

  29. Merci pour cette discussion !

    Je vous donne un exemple d’une plateforme de crowdsourcing en France :

    La platforme de création publicitaire web 2.0 (au service des entrepreneurs et des PMEs)

    http://www.DesignOnClick.fr met en relation les annonceurs (et leurs projets) et les créatifs pour un design : création d’un logo, carte de visite, etc.

    Les jeunes entreprises, PME et TPE qui n’ont pas encore de relation permanente avec une grande agence, ni un budget conséquent ont la possibilité de faire créer un logo avec un budget raisonnable et une résultat très satisfaisante.

    Pour les graphistes, c’est le moyen de rentrer en contact avec des futurs clients, de détecter des projets.

  30. Si ce phénomène se développe comme vous le supposez et ainsi ne permet plus de payer « ces gens-là pour qu’ils vivent, produisent, se forment, réfléchissent et consomment « , alors on inventera une nouvelle force d’autarcie agricole, de production à des niveau plus bas comme celui d’une région ou d’un village voire même pour vraiment exagérer, une famille.

  31. Le crowdsourcing est certainement la pire chose qui pouvait arriver au milieu du travail
    les sites se basant sur ce système profite du besoin des gens à arrondir leurs fins de mois difficiles, leur permettant de gagner quelques euros
    ces sites aiment à donner des exemples de contributeurs gagnant chaque mois plus de 1000 euros (en effet mais ils sont en moyenne 1/10000 à gagner plus de 100euros/moi)

    il faut savoir que vous offrez votre travail à quelqu’un qui en tirera tous les avantages car dans le meilleur des cas vous ne gagnerez que 40% (net???) (un exemple parmi tant d’autre de ses sois-disant place de marché : http://fr.tuto.com/tarification.html) de ce que rapporte votre travail mais les promoteur de ces site eux se remplissent les poches grassement (partent en voyage 3 fois par mois, roulent en porche, et on 5 villa sur la cote d’azur)

    il faut savoir que pour touché votre argent vous devrez obligatoirement avoir un statut d’indépendant et déclarer bien évidement ces revenus qui vous seront imposé (les promoteur ne payeront quand a eu pas de charge patronal pour vous) si vous ne déclarez pas ces revenus vous êtes dans l’illégalité la plus totale

    que fait la justice pour arrêter l’assassinat du contrat de travail et des sécurités qui lui sont lié
    de plus sur ces sites travaillent bon nombre de mineurs de moins de 16 ans !!! rêvant de gagner des euros en restant dans leur chambre d’ado !!!

    que la France réagisse et que la Justice prenne les chose en main

  32. Bonjour, dans la même ligné, nous venons de sortir un service de crowdsourcing vidéo low cost, pour faire simple, vous transformez vos invités qui filment avec leurs téléphone portable en caméraman.