Et si les robots de compagnie étaient une mauvaise réponse à notre mélancolie ?

Psychologue, sociologue et clinicienne Sherry Turkle n’est pas connue pour être technophobe, comme le rappellent ses livres qui ont exploré les relations entre l’humain et la machine. Dans une récente conférence organisée au MIT, elle était invitée à parler de ses craintes à propos des « objets relationnels ». L’occasion pour elle de reconnaître que certains aspects de ses recherches lui ont fait froid dans le dos. Et de citer ainsi un petit garçon de 6 ans, parlant de son Furby : « Il est vivant pour un Furby. Tu sais, quelque chose d’aussi intelligent devrait avoir des bras. Il pourrait avoir envie de prendre des choses ou me tenir dans ses bras. »

Le robot Paro dans une maison de retraite japonaise, via Vie ArtificielleDes Furbys aux chiens Aïbo, des Tamagotchis aux Paro (un bébé phoque robotique), enfant et adultes tissent des liens avec les machines. Au lieu que l’ordinateur prenne soin de nous, rapidement, nous prenons alors soin de l’ordinateur. Avec des robots de plus en plus sophistiqués – avec des grands yeux qui suivent nos visages ou qui répondent à nos voix ou à notre contact -, des réponses « darwiniennes » se déclenchent en nous. La force des robots sociaux qui se multiplient autour de nous est qu’ils savent obtenir l’attention humaine parce qu’ils sont justement conçus pour cela.

Sherry Turkle cite un autre exemple édifiant, celui d’un poupée interactive qu’elle avait oubliée dans une maison de repos. Quelque temps plus tard, elle a constaté que le personnel avait acheté 25 poupées en raison de leur effet calmant sur les résidants, au grand contentement des patients comme du personnel – mais pas de la sociologue.

« Nous sommes conçus pour réagir aux objets qui dépistent nos mouvements », explique Sherry Turkle : la question n’est pas de construire des intelligences artificielles encore plus intelligentes, mais de mieux mesurer l’impact de ces robots sur le comportement de leurs utilisateurs ou leur perception d’eux-mêmes.

« Oui, mais pourquoi une telle liaison avec un robot serait-elle plus « mauvaise » qu’avec un animal par exemple ? », a demandé quelqu’un dans le public, « alors qu’un chien non plus ne parle pas, ne dit pas « je t’aime » ? »

« Je ne sais pas si le chien peut ressentir des choses, peut-être. Ce que je sais c’est que « mon vrai bébé » de Hasbro ne ressent rien », constate la chercheuse. « Notre apaisement nait d’un objet vide. »

Signalons que MIT Press publiera en avril 2007 un ouvrage collectif, dirigé par Sherry Turkle, sur le sujet des objets relationnels (Evocative Objects).

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  1.  » “mon vrai bébé” de Hasbro ne ressent rien”, constate la chercheuse. “Notre apaisement nait d’un objet vide.” »
    on peut vraiment considérer que les robots de compagnie ne ressente rien ?

  2. Bien entendu qu’ils ne ressentent rien ! Enfin pour l’instant, leurs « sentiments » et réactions ne sont le fait que d’un programme informatique dénué de totue sensibilité, au mieux y’a-t-il une certaine dose de hasard dans l’algorythme afin de faire croire à un semblant de naturel.

  3. Il ne faudrait pas oublier l’énorme différence qui persiste entre les êtres vivants et les machines: les machines n’ont pas une fonction reproductrice, elles sont dépendantes de l’Homme et sont le fruit de son imagination. Les choses et les objets ne sont pas vivants en soi, ils existent par les hommes qui les utilisent.
    Cependant si un objet est capable d’apaiser, de rassurer, d’aider certaines personnes dans leur quotidien, où est le mal?
    Leurs valeurs et leurs fonctions correspondent au sens qu’on leur donne, à la mission qu’on leur attribue, volontairement ou de façon inconsciente.
    Je pense qu’il est important de ne pas confondre un vrai animal à un chien robot par exemple, parce qu’ils sont différents, toutefois le chien robot peut apporter du plaisir dans sa compagnie, il peut donc être utile à certaines personnes.