Le futur du jeu : l’innovation sera-t-elle encore dans l’écran ?

L'évolution de Lara Croft entre 1996 et 2006 Des avatars qui auront l’air aussi réels que nous ? C’est ce que nous promet l’industrie du jeu vidéo, avec l’arrivée, d’ici 2 ans, de jeux ultra-réalistes, qui ne permettront plus de faire la différence entre un personnage de synthèse et une personne réelle, explique la BBC. L’ultra-réalisme, quand les personnages humains auront l’air totalement convaincants, devrait être la prochaine étape du jeu vidéo. Les méthodes de capture de mouvement, grâce auxquelles les ordinateurs analysent le mouvement d’acteurs équipés de capteurs et les reproduisent, jusqu’aux expressions faciales, ont beaucoup progressé. « Nous en sommes au point où nous allons pouvoir instiller le doute dans l’esprit du joueur, ce qui va nous permettre d’ajouter du contenu émotionnel aux jeux », explique David Kunkler, producteur pour Obsidian Entertainment, le studio qui a développé Neverwinter Nights 2. Une évolution qui devrait amener une nouvelle dimension au jeu : l’émotion. « Nous serons capable de jouer avec les émotions des gens – nous pourrons les faire rire, les faire pleurer, les faire se sentir tristes », affirme Ian Livingstone d’Eidos.

La Wiimote en actionPour Chris Anderson, l’innovation dans le jeu n’est plus dans le jeu justement, mais dans les objets qui se connectent aux consoles et autorisent de nouvelles interactions. Et d’évoquer bien sur la Wiimote, tout autant que les webcams ou les tapis de danse. « Alors que l’industrie du jeu a du mal à innover avec de nouveaux gameplays à l’écran, la diffusion de contrôleurs dédiés qui vous font vous lever de votre siège et bouger, est en train de réinventer le medium et de créer un engouement autour du jeu que je n’avais pas vu depuis des années. » Le jeu semble franchir de nouvelles frontières, comme l’évoquait récemment le Chicago Tribune en racontant comment l’arrivée d’une console Wii a bouleversé le calme d’une maison de retraite des environs de Chicago.

Wired douche tout de même un peu cet enthousiasme, en rappelant que les 82 millions d’adeptes des fort mal nommés « jeux occasionnels » en ligne (casual games, tels que le Solitaire, les échecs ou les jeux de cartes), souvent âgés, qui peuvent y passer jusqu’à 8 heures par jour, demeurent beaucoup plus nombreux que les joueurs d’EverQuest ou les possesseurs de Wii.

la création d'une créature dans SporePour Will Wright, le concepteur des Sims qui travaille maintenant sur le projet Spore, les tendances pour l’avenir du jeu sont radicalement différentes, mais tout aussi intéressantes, confie-t-il à Popular Science. La première repose sur un mouvement de fond : les contenus générés par l’utilisateur, comme dans Second Life, ou tout un chacun peut créer des objets, des bâtiments, etc. Reste à comprendre comment un tel contrôle sur l’environnement peut permettre de construire des histoires. Pour Spore, lui et son équipe ont imaginé des mécanismes permettant aux utilisateurs d’évaluer les contenus créés. Une autre tendance selon lui repose sur la sociabilité augmentée, basée sur le contenu, et qui dépasse l’univers du jeu lui-même. « C’est ce que l’on voit dans la communauté web des Sims par exemple. D’énormes communautés se constituent autour de quelques individus bien connus, créées avec des contenus fabriqué par ses membres, et autour desquels les gens discutent et racontent des histoires ». Troisième tendance, le brouillage des distinctions entre jeux ludiques et éducatifs : « Les jeux vidéo sont entre autres choses un outil essentiel au service de notre imagination. Si nous permettons aux joueurs de créer eux-mêmes des mondes complexes, il faut qu’ils y consacrent beaucoup de réflexion en termes d’architecture, de résolution de problèmes, d’expression, pour créer ce qu’ils veulent (…) Dans les écoles d’ingénieur on vous apprend à ne pas échouer. Alors qu’un enfant qui joue va tenter quelque chose cinq ou six fois avant d’y parvenir et, sur le chemin, apprendre quelque chose d’une manière à la fois profonde, et différente. »

Enfin, Wright souligne l’interaction entre les environnements physiques et numériques : comment générer des données dans le monde réel qui auront des incidences sur le jeu pour enrichir la jouabilité (via Nicolas Nova). Nicolas Nova comme Julian Bleecker évoquent d’ailleurs l’exemple d’objets qui servent de connecteurs entre la « première » et la « seconde vie » (les mondes réels et virtuels) : comme Teku Teku Angel, un podomètre pour la Nintendo DS qui mesure votre activité quotidienne et s’en sert pour faire évoluer une créature type Tamagotchi ou Otoizm, un autre Tamagotchi qui grandit selon le genre de musique que vous écoutez avec votre baladeur mp3.

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  1. “Nous en sommes au point où nous allons pouvoir instiller le doute dans l’esprit du joueur, ce qui va nous permettre d’ajouter du contenu émotionnel aux jeux”

    Non, ils n’en sont pas à ce point là.

    J’ai personnellement lu et entendu une telle annonce de nombreuses fois. Qu’un screenshot de jeu puisse amener à douter, effectivement c’est déjà le cas (cf certains jeux de course auto). Cependant, le gap qui existe encore avec la réalité est immense, j’imagine même mal comment il pourrait être comblé en 2, 3 ou 5 ans.

    Un exemple concret parmi d’autres. Quand vous parlez à quelqu’un, le moindre mouvement des yeux compte. L’intonation de la voix est très représentative des émotions de celui qui parle. De même, un mouvement de quelques millimètres sur les lèvres, et une phrase devient ironique. Toutes ces subtilités qui font de nos relations ce qu’elles sont, et qui changent d’un pays à l’autre, d’une région à l’autre, sont loin, loin d’être implémentées. On ne résoudra pas tout en améliorant la précision de la motion capture : plus la précision augmentera plus on aura un résultat visuel proche de celui du cinéma ; or le jeu est interactif et devrait réagir en temps réel à ce que fait le joueur. Si les séquences de motion capture sont bonnes actuellement, c’est leur enchainement qui est très artificiel.

    Ensuite, même si un jour le réalisme parfait est atteint, il y a fort à parier qu’il n’aura que peu à voir avec l’émotion.
    Celui qui a frissonné, pleuré de joie ou de tristesse en jouant à un Final Fantasy ou n’importe quel autre jeu en 2D pixelisé (c’est mon cas) sait bien que le réalisme n’est pas nécessaire à l’émotion.

    Il est même intéressant de noter que le réalisme des jeux est souvent inversement proportionnel à la quantité d’émotion qu’il apporte (sans considérer que l’adrénaline est une émotion). La plupart des jeux de course ou les FPS qui sont en très bonne place concernant le réalisme, sont des jeux que l’on « consomme » entre amis, on peut y jouer de temps en temps pour se détendre.

    Au contraire, un jeu comme Shadow of the Colossus qui ne cherche pas spécialement le réalisme, se joue beaucoup plus comme on lit un livre (seul et concentré), et de ce fait constitue une expérience émotive riche, et inoubliable.

    Quels jeux vous sont entrés dans la peau, si bien que plusieurs années après, vous ressentez encore certains moments particulièrement forts ? (et peut-être même si vous êtes un peu sensible comme moi, vous donnent la chair de poule !)
    J’ai ma liste personnelle et elle n’a rien à voir, ni avec le réalisme visuel, ni avec la richesse de l’interface.

    Cependant, même si elles en font pas tout, les interfaces auront quand même de l’impact à mon avis.

    Il va devenir aussi difficile de se poser la question de l’avenir du jeu vidéo, que de celui de la musique, du cinéma ou du livre.
    Le jeu vidéo se scinde aujourd’hui entre la quête aux polygones qui devrait encore continuer quelques années, et le jeu vidéo alternatif ( http://www.experimentalgameplay.com/ , http://intihuatani.usc.edu/cloud/flowing/) qui réfléchit depuis un moment aux émotions, bien avant que Eidos ne sorte Tomb Raider 8.
    Comme on peut aller voir des films gros budgets pour leurs effets spéciaux, on peut acheter le dernier jeu au top de la course aux polygones, mais on ne peut pas limiter le jeu à ça.

    Heureusement, les outils de développement se multiplient et l’accès à la création de jeux se démocratise grâce à des frameworks de plus en plus facile d’accès. On peut donc attendre du jeu vidéo alternatif autant de richesse que dans la musique ou le cinéma alternatifs.

  2. Je suis assez d’accord avec vous Tom, c’est pour cela que j’ai cherché à contrebalancer l’article de la BBC par d’autres approches. Mais comme vous le reconnaissez vous-même, la quête aux polygones est bien là. Et elle déclenche parfois de belles déclarations d’amour.

    Ce qui est plus difficile à observer, aujourd’hui, pour un observateur extérieur, c’est les questions autour de l’évolution du gameplay justement. Comment est-ce qu’on jouera différemment demain, pas forcément avec de nouveaux objets, ou par des extensions de l’univers du jeu…, mais bien avec de nouvelles approches du jeu lui-même, de nouvelles façon de jouer et de concevoir le jeu – très différent de là où l’on amené les consoles ? Comment on renouvelle le jeu d’aventure, le shoot’em-up, le jeu de rôle… ? Et là, il faut plutôt observer quelques créateurs comme Jenova Chen que vous citez.

    Si vous avez d’autres pistes, elles m’intéressent ou si vous avez connaissance de textes qui évoquent ces questions, n’hésitez pas à nous les signaler. Merci en tout cas de votre contribution, elle est riche et intéressante.

  3. En fait, on sent bien qu’il est en train de se passer quelque chose, cette scission se fait sentir je trouve.
    Sans pouvoir tout analyser objectivement (ce sera le travail des historiens du jeu vidéo dans quelques années !), je sens bien que « Flow », au delà d’un petit jeu en flash qui techniquement était faisable y’a 5 ans, a quelque chose de très nouveau.

    Ico (http://en.wikipedia.org/wiki/Ico), jeu dans lequel tout le gameplay est motivé par la compassion et la volonté de protéger une personne faible que l’on aime a aussi quelque chose de révolutionnaire. Ses créateurs ont ensuite fait Shadow of the Colossus (http://en.wikipedia.org/wiki/Shadow_of_the_Colossus). Je n’y ai pas joué, mais les témoignages que j’en ai eu décrivent une osmose très forte entre le joueur et son cheval qui réagit très naturellement et qui a sa propre personnalité. De même,l’affrontement avec ces colosses n’a rien à voir avec le combat contre l’éternel « boss ».

    Je suis aussi à la recherche de nouveautés dans le jeu, et je pense qu’il faut aussi regarder du côté des jeux indépendants, les « indie games » :
    http://www.igf.com/02finalists.html

  4. J’ai trouvé votre article très intéressant, je suis actuellement en master II recherche en géographie et travaille sur les espaces dans l’activité vidéo ludique et les mondes numériques ainsi que leur relation avec l’espace « réel », personnellement je pense que la course vers aux polygones va continuer, car elle apporte quand même des résultats assez bluffant, voir le cry-engine-2.
    En ce qui consterne le passage d’émotion, à mon avis elles passeront avant par la communication et non par le réalisme. Ces nouveau espace tel que « second life », « entropia » et le « home » pour ps3 sont précurseur de nouveau espace vidéo ludique dans les quels la communication sera la clés, plus besoin de développer une IA folle…. L’ultra réalisme se coulera ensuite. Parce que ça sert à rien de pouvoir avoir des effets directx 10 si 9/10 eme des gens n’ont pas de carte 3d pouvant les supporter…

    Tout ça pour dire, que je serait ravi d’échanger sur ces concepts avec vous, voici mon mail si vous avez des questions sur mes travaux ou des sujets sur les quels vous voudriez discuter

  5. Le jeu vidéo est arrivé à une nouvelle étape importante de son évolution, d’où partent plusieurs chemins conduisant vers de nouveaux domaines, des expériences alternatives, de nouveaux modes de communication.

    Dans le cas de Second Life, peut-on vraiment encore parler de jeu ? Le sujet fait débat, mais certains y voient tout simplement l’Internet de demain, en 3D.

    Il arrivera bien un jour où ces domaines, suffisamment distincts les uns des autres, porteront leur propre nom, en délaissant le substantif « jeu », évocateur juvénile. Ils garderont un socle commun : l’interface entre l’homme et la machine, l’interactivité en temps réel, et l’immersion dans un univers par ce que Coleridge appelait la suspension librement consentie de l’incrédulité.

    Mais il y aura toujours des jeux. Ils existent depuis des siècles. Et concernant les jeux vidéo d’aujourd’hui, le terme « vidéo » ne traduit qu’une étape de plus. Et les jeux de demain seront ceux qui ne prendront pas la vidéo pour une cible, mais pour un acquis : Des jeux qui se parodieront eux-mêmes, des jeux différents mais qui se connecteront entre eux et se partageront leurs décors, des jeux qui subsisteront même quand le joueur n’est pas là. C’est déjà le cas. Les jeux massivement multi joueurs en lignes (MMO) sont en passe d’établir une nouvelle norme de jeux, vidéo bien sûr, mais MMO avant tout.

    Il y aura de plus en plus de différences, entre ces jeux qui se jouent comme se lisent les livres, ces jeux d’aventure où le joueur est celui qui a le choix plutôt que celui qui regarde ou qui imagine, et dont le but est de découvrir, et ces autres jeux qui se jouent comme on joue au football, jeux de combat, de course ou de stratégie, au coeur des compétitions, ces jeux dont le but est de gagner.

    Ce que fait la Wii aujourd’hui, c’est répondre à la demande croissante de joueurs qui ne veulent pas forcément que le jeu soit plus beau ou réaliste, mais qu’il soit plus près de nous, tout autour de nous, voire que l’on puisse rentrer à l’intérieur.

    Et pourtant, le jeu de demain sera plus beau, nécessairement. Plus riche visuellement, non pas pour être réaliste systématiquement, mais pour bluffer et immerger perpétuellement un joueur qui n’a pas l’habitude d’un tel effet de persuasion, réaliste ou pas. Le gameplay seul ne suffira pas. On n’avait pas 10 millions de joueurs sur les RPGs des années 80, quand ceux-ci se jouaient en mode texte sous DOS.

    Ce que le jeu de demain promet, c’est une ouverture sur un espace dont on n’aperçoit pas les limites. Le jeu sort d’une période de maturation, devient majeur, et va peut-être rentrer dans son âge d’or. Charge aux concepteurs de relever le défi.

  6. Le photo-réalisme semble tout de même en bonne voie, si l’on regarde certaines productions actuelles. Ainsi par exemple, S.T.A.L.K.E.R. (shadow of Tchernobyl) reproduit de manière (quasi?) photo-réaliste des éléments de la fameuse zone qui entoure Tchernobyl.
    Et le plus impressionnant reste la reconstitution de Pripiat, ville fantôme qui a été modélisée et intégrée dans le jeu. Certains blogs ont dénoncé la course au réalisme, mais dans ce cas ça me semble donner une force immense au jeu ; Stalker bénéficie d’une ambiance qui scotche le joueur à son écran et le fait suer sur sa souris. Au point où des joueurs finissent par se demander ce qui existe ou non dans la réalité, par rapport à ce qu’ils trouvent dans Shadow of Tchernobyl. Le jeu vidéo devient ainsi un medium de la réalité, alors qu’il se base lui-même dessus.

    Si les développeurs continuent à soigner le réalisme, il risque d’y avoir de plus gros problèmes d’immersion et une toxicomanie ludique! Mais en somme, ça peut être un moyen d’établir un imaginaire parallèle à la réalité, un peu comme dans l’antiquité, où l’on peine à séparer la réalité et la mythologie… Qui sait si un jour le cinéma lui-même (en tant que générateur de mythologies et de symboles) ne cédera pas la place à un univers intéractif virtuel intégré au quotidien des individus!