La fracture numérique des collectivités rurales

Marsouin, le Môle armoricain de recherche sur la société de l’information et les usages d’internet, vient de publier la synthèse de la troisième édition de son étude sur les communes bretonnes et les TIC. Son enseignement principal est de montrer qu’il existe une fracture numérique entre collectivités locales bretonnes, au détriment des communes rurales de moins de 2000 habitants. Une fracture liée à des éléments objectifs et irrémédiables (manque de moyens…), qui ne sont pas forcément insurmontables, mais surtout à un manque de compréhension des TIC par une partie des décideurs publics (personnels administratifs et élus) qui sont aux commandes de ces communes.

Si l’étude montre que presque toutes les mairies bretonnes (98 %) ont une connexion permanente à haut débit, et que l’équipement a progressé (90 % des communes ont équipé la totalité de leur personnel administratif d’ordinateur, 87 % leur donnant aussi un accès à l’internet), reste que l’accès à cette connexion est inégalement réparti : tous les élus ou les employés ne sont pas connectés. Les usages ne sont pas non plus très homogènes. Si les services administratifs profitent le plus d’internet, ils communiquent peu entre eux par courrier électronique par exemple (2 mairies sur trois ne l’utilisent pas en interne). Ainsi, les documents préparatoires aux réunions restent peu diffusés par mail (la pratique n’a pas vraiment progressé depuis l’enquête de 2005). L’une des raisons avancée tient au fait que le personnel comme les élus ne sont pas assurés de la bonne réception d’un dossier, car maires, élus ou personnels lisent trop irrégulièrement leurs mails.

Les maires utilisent-ils l'internet ?

Forcément, la mise en commun de l’information est à peine ébauchée : seulement 9 % des mairies utilisent des agendas partagés, une mairie sur quatre dispose d’un espace de travail collaboratif ou d’un intranet pour y stocker des données. Là encore, Jocelyne Trémembert et son équipe soulignent l’existence d’un effet de taille des communes dans les usages : les communes de moins de 1000 habitants, les communes appartenant à une zone rurale, celles dont les revenus sont les plus faibles ont tendance, en moyenne, à avoir des usages faibles des nouvelles technologies. Les résultats de l’étude relatifs aux relations entre la mairie et ses autres partenaires montre l’existence d’usages parfois plus avancés. Mais dans l’ensemble, concluent les chercheurs, « beaucoup de maires n’ont pas acquis une perception des opportunités que leur offrent les TIC, dont le maniement n’est pourtant pas plus abstrait ou complexe qu’un règlement administratif spécifique, un schéma électrique ou de canalisation, ou encore un contentieux juridique délicat. Ce manque d’appétence vis-à-vis des TIC peut résulter d’une faible perception des avantages que procurent les TIC face aux coûts qu’elles représentent. Il est clair que dans les petites communes, la circulation informelle de l’information, qui implique peu de personnes, peut sembler suffisante. » Ces élus ne perçoivent pas le handicap que peut représenter le faible usage des TIC, d’où le fait que les communes qui n’utilisent pas les TIC n’aient pas non plus le projet de s’y intéresser.

En ce qui concerne les relations et les services aux citoyens, l’échange électronique n’est pas toujours perçu par les collectivités comme ayant la même valeur qu’un échange traditionnel (par écrit notamment). Si presque toutes les communes ont une adresse électronique, cela ne signifie pas « que les adresses soient actives » ou que les messages arrivent au bon destinataire. 40 % des communes bretonnes ont leur site web (contre 37 % en 2005 et 35 % en 2003), mais peu l’actualisent. Si depuis 2005, date de la précédente enquête, la nature des informations qu’on y trouve a évolué, c’est souvent sans politique éditoriale définie, avec de grandes variations d’un site à l’autre. Les informations pratiques et l’agenda sont les éléments que l’on trouve le plus couramment sur les sites municipaux bretons, loin devant l’accès au journal municipal téléchargeable. Selon les chercheurs, les raisons qui expliquent pourquoi certaines communes sont plus avancées en matière de web que d’autres reposent d’abord sur la taille de la commune, la présence de ressources humaines dédiées aux TIC et sur le fait que la commune soit une destination touristique.

Dans la typologie des communes qu’ont mis en place les chercheurs – une typologie qui tient compte des usages internes ou externes qui sont faits des technologies de l’information -, on voit bien que l’implication des élus demeure le premier moteur, qu’ils donnent l’élan qui permet de combler la fracture numérique qui touche plus facilement les communes les plus rurales – laissant de côté, à ce jour, presque 50 % des communes bretonnes.

À lire aussi sur internetactu.net

0 commentaires

  1. Fracture numérique (bas débit/haut débit) ou gouffre numérique (haut débit/très haut débit) ?
    Notre principal risque aujourd’hui est de sous évaluer nos besoins de demain
    Or ,pour peu que l’on anticipe, ces besoins ne pourront etre pris en compte que par la fibre optique
    « Pour la France, la fibre optique sera un enjeu aussi important que l’électrification du territoire » déclarait Gabrielle Gauthey de l’Arcep en février dernier

    Le citoyen des champs n’aurait-il pas les mêmes droits que le citoyen des villes ?
    Je suis surpris qu’alors que l’on compare le fibrage du territoire à ce que l’on a fait pour l’électricité personne ou presque ne parle de la création d’un FACé Télécoms

    Pour électrifier la France on a créé le FACE ( Fonds d’Amortissement des Charges d’Électrification )pour permettre aux zones peu denses de profiter des ressources des zones denses et d’alléger ainsi la charge des collectivités territoriales et d’accélérer leurs investissements.
    On ne fibrera pas l’« autre » France ,celle non intéressante pour les opérateurs,celle où vit 50 % de la population sur 80% du territoire sans la création d’un fonds de ce type quelle que soit son appellation : Fonds d’Amortissement des Charges Télécom (FACT) ? Fond d’Amortissement Fibre (FAF) ?

    Les citoyens ruraux doivent se mobiliser pour demander un « droit à la fibre » !

  2. Tu pointes quelque chose de capital, le problème n’est pas tant l’équipement, ni même les moyens, mais la compréhension des enjeux… Alors, OK, va pour la fracture institutionnelle, même si je n’abandonne pas mon idée de fracture générationelle, cette fracture ci à le mérite d’être un peu plus facile à résoudre – ne serait-ce, au niveau de collectivité locale, que par la pression que pourrait exercer les citoyens.

    @pierre Fibrer les campagne ? Ca me semble hors de prix à priori. Un bon adsl très haut débit, ce serait un bon début, non ?