David Rose : Les objets enchantés

David Rose est le président fondateur d’Ambient Device, la célèbre société qui intègre les technologies internet dans les des objets du quotidien comme des ampoules, des miroirs ou même des parapluies, ainsi que de Vitaly, une société qui réinvente l’emballage des médicaments via les technologies sans fil. A Lift, la conférence sur les l’impact des nouvelles technologies sur la société, il a présenté ces « objets enchantés » comme il les appelle.

David Rose à Lift par MRTNK
Image : CC. David Rose à Lift par MRTNK.

Pour David Rose, la technologie permet désormais de donner vie aux fictions que nous imaginons, que ce soit le miroir magique de la reine dans Blanche Neige ou l’épée magique de Frodon dans le Seigneur des Anneaux qui scintille pour prévenir d’un danger…

Ainsi, nos objets peuvent être utilisés pour nous apporter une plus grande clairvoyance, à la manière d’une boule de cristal. L’Orb, d’Ambient Device, connecté à des services internet, est ainsi capable de nous informer du temps qu’il va faire ou de l’évolution du risque d’allergie aux pollens, simplement en changeant de couleur. Dès à présent, l’informatique ambiante permet que nos objets « s’enchantent », répondent à nos attentes avant même que nous les sollicitions. Nos horloges peuvent nous dire où sont nos proches. L’ambient Dashboard permet lui d’insérer des cartes dans un tableau de bord pour programmer les informations que l’on veut faire apparaître (le trafic, la météo, les pollens…), selon les critères de son choix. « L’information est devenue un matériau physique », explique David Rose. Les objets sont capables d’afficher seuls des informations qui nous sont utiles, sans nécessiter de navigation, comme le montre le Weather Watcher ou le Weather Glass, de petits cadres connectés qui affichent l’information météo de manière colorée ou lisible. « La possibilité de naviguer dans l’information n’est pas toujours nécessaire. L’important parfois est aussi d’apporter l’information, même sans interaction possible. »

EnergyJoule d'Ambient DevicesL'Orb d'Ambient DevicesLe parapluie lumineux d'Ambient Devices
Images : c. Ambient Devices..

L’important également est d’utiliser des techniques capables de résumer l’information, parce qu’ainsi elles nécessitent moins de temps et d’attention. Pour cela, il faut utiliser le mouvement, la couleur, l’angle, montrer une tendance, voir présenter du texte… Autant de façon de faire ressentir l’information dans l’instant, adaptée à des besoins différents, à des rythmes différents. Le compteur électrique par exemple donne des informations très intéressantes, mais il n’est pas placé au bon endroit dans nos maisons, suggère David Rose. D’où l’idée d’utiliser les objets ambiants pour montrer autrement nos consommations électriques. L’Orb peut afficher simplement, juste par une indication de couleur, le niveau de consommation électrique de notre maison. L’EnergyJoule également. Avec Orange, Ambient Device a imaginé un écran capable de plusieurs niveaux de lectures selon la distance à laquelle nous sommes de lui : quand nous sommes loin, il utilise la couleur et affiche de très gros caractères pour indiquer la température par exemple. Quand on s’approche, il affiche en plus petit la température extérieure par exemple, et quand on le touche, on peut lire plus en détail l’information. Plus on s’approche de l’écran, et plus l’information est précise, écrite, complète… Dommage que ce beau projet ne soit jamais sorti des laboratoires.

L'écran imaginé pour Orange quand il donne une information pour quelqu'un d'éloigné, par Lucamascaro
Image : L’écran imaginé pour Orange quand il donne une information pour quelqu’un d’éloigné, cc. Lucamascaro.

Les objets enchantés posent la question de notre désir à communiquer. Ils vont nous permettre d’être plus sensible à la communication, avec une fréquence d’interaction et une richesse qui s’adapte aux outils que nous utilisons, à la manière du LumiTouch, un cadre photo interactif qui s’illumine quand deux personnes en sont proches, chacune de l’autre, et que l’on peut presser pour envoyer une pensée matérialisée sous forme de lumière ou de vibration. Les objets ambiants permettent de partager un sentiment de présence sans nécessiter d’actes de communication délibérés.

Le Glow Caps de VitalityLes objets enchantés interrogent également notre désir de guérir. 25 % des Américains ont une maladie chronique qui les oblige à se soigner, mais les gens oublient souvent de prendre leurs médicaments. GlowCaps de Vitality est une boîte qui contient les médicaments à prendre, qui clignote, vibre ou joue une musique pour que vous pensiez à les prendre, vérifie qu’ils sont pris, communique avec le médecin ou les proches, émet des rapports sur votre prise de médicament. Demain il faudra embarquer la technologie dans la maison elle-même pour faciliter une plus grande transparence dans l’accès à l’information, comme le montre le projet de balance intégrée dans le carrelage d’une salle de bain.

Ils interrogent bien sûr notre désir de nous protéger. A la manière de l’épée de Frodon, Ambient Device a imaginé des parapluies qui nous disent, par une indication lumineuse, s’il est utile de les prendre avant de sortir de chez soi, grâce à une connexion sans fil aux informations météorologiques. Et David Rose d’insister sur le besoin de faire sortir l’informatique du navigateur et des téléphones mobiles pour l’insérer dans les objets du quotidien.

Ils interrogent notre désir de créer, en libérant du temps créatif et en prenant en charge pour nous les tâches pénibles comme le fait Roomba, le célèbre robot aspirateur d’iRobot. Mais également, ils développent notre créativité, comme l’IO/Brush du MIT, ce pinceau qui grâce à une caméra capte les couleurs, les images pour nous permettre de peindre avec (vidéo). « La créativité du futur doit nous permettre d’avoir les outils pour la libérer ».

Ils interrogent également notre désir de mobilité. Le GPS de Dash Networks, qui inclut des informations de trafic, nous permet d’avancer un peu plus vers le déplacement sans effort, en nous permettant d’éviter les embouteillages. A San Francisco, Next Bus permet de localiser les bus et de prendre une décision adaptée au trafic. L’Ambient Bus Pole, imaginée par Ambient Design est un panneau de bus qui affiche de manière visible et de loin, à quelle distance se trouve le prochain bus, permettant de presser le pas ou pas, afin de nous éviter « la douleur d’attendre » de nos vies modernes.

Telles étaient quelques-unes des perspectives dressées par David Rose, sur l’avenir de l’internet des objets, qui sait montrer par des exemples concrets, leur potentiel définitivement « magique ».

Hubert Guillaud et Daniel Kaplan

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0 commentaires

  1. Ce qui est intéressant ce que l’on passe d’objet bavard « blogjet » (ambiant device) a des objets de confort avec le distributeur de médicament. David est un prototype de chercheur entrepreneur assez étonnant et sa conf était remarquable. Best of lift09

  2. Ca me semble être déjà être un grand pas en avant par rapport à ce que fait violet par exemple, violet est le témoin que l’on peut technologiquement amener internet dans un objet et ainsi intéragir tangiblement avec le web.

    David Rose, et Ambient Design, vont plus loin en réussissant à tourner l’infobésité qui nous entoure en une représentation flou, mais juste, de l’information qui nous est amené.

    Cette idée de l’information entre Push et Pull, presque sans navigation, je pense que c’est une des idées qui m’aura le plus inspiré de tout le Lift.
    Malgrès tout, comme violet, ça reste encore du beta- design, des objets manifestes d’une future génération d’objets mais qui pour le moment montrent plus les capacités et les représentations de l’objet que son usage.

    Mais bon rien de plus normal, on en est au balbutiement de l’internet des objets et la vision qu’en a David Rose est passionante.

  3. @Aymeric:

    Le lien entre la conférence de David Rose sur les objets enchantés et la mienne (ainsi que celle de Patrick Gyger) n’est nullement fortuit. C’était mon choix (en tant que de responsable du programme de Lift) de montrer différentes facettes du changement et de l’innovation 😉

  4. C’est bien comme ça que je croyais avoir compris ; je surlignai simplement, un peu lourdement sans doute.

  5. C’est moi qui suis coupable alors d’avoir scindé le compte rendu des interventions de cette session sur InternetActu. Désolé Nicolas.

  6. Il est intéressant de constater que beaucoup de designers ne font pas transparaitre les recherches en amont de leurs propositions.
    « Les objets enchantés » est un très joli terme pour qualifier les objets que présente David Rose (Cela me rappelle « Les machines apprivoisées » de Frédéric Kaplan). A l’évidence, cela donne à ces projets une nouvelle forme de considération de l’innovation, moins froide et technologique. Pourtant, ces objets font nettement références aux interfaces tangibles ou à la réalité augmentée. Récemment, le MIT présentait au TED un nouveau concept : les interfaces fluides. Pourtant le principe ressemble fortement à la réalité augmentée. Tout comme les interfaces dites « naturelles » sont des interfaces graphiques fonctionnant sans souris mais avec un écran tactile.
    Le chercheur cite, le designer ne le ferait donc pas?
    Si le design cherche à s’élever comme une discipline scientifique, ne doit-il pas d’une certaine manière jouer le jeu?

  7. @Clément « Le chercheur cite, le designer ne le ferait donc pas?
    Si le design cherche à s’élever comme une discipline scientifique, ne doit-il pas d’une certaine manière jouer le jeu? »

    Pouvez vous précisez votre propos, je ne suis pas sur de comprendre. merci par avance jlF

  8. La recherche fonctionne selon la reconnaissance de ces pairs. Développer un dispositif d’interface tangible et le présenter via un article dans une conférence ne peut se faire sans citer Ishii ou Ullmer. Les relecteurs n’accepteraient sûrement pas le papier. Les valeurs d’une recherche scientifique ne peut s’établir sans une bonne bibliographie qui donne du crédit aux nouvelles hypothèse avancées, aux nouvelles idées. Là est je pense la grande différence avec le design où la reconnaissance passe en premier lieu par le public et les utilisateurs qui sont nullement intéressés que le projet fasse référence à telle ou telle connaissance.
    Certes, mais dans le monde circonscrit du design (expositions, magazines, blog, etc.) la reconnaissance passe aussi par ces pairs en quelque sorte (journalistes spécialisés, critiques, designers, etc.). Pourtant, il n’est nul besoin de citer ces références internes et externes (transdisciplinairité oblige, elles ne se limitent pas au design). Même dans ce milieu, le processus et les références ne sont nullement mises en avant et seuls le résultat et l’intention comptent.

    Le robot Red Ring d’Anthony Dunne et de Fiona Raby qui fuit les champs magnétiques fait selon moi clairement référence aux tortues robotiques de Walter Grey. Pourtant, le catalogue de la dernière Biennale de design de Saint Etienne reste sur la description du projet, par sur sa genèse. L’article montre clairement la volonté qu’on eu les designers de donner un comportement aux robots, tout comme les journalistes qui ont attribué un comportement aux tortures de Grey à leur découverte. Plus récemment, le designer coréen présentait un concept (http://www.trendsnow.net/trends_now_/2009/01/color-picker.html) qui est similaire à I/O Brush cité dans l’article. En aucun cas, il ne fait référence au projet du MIT (le connais-t-il en fait?).

    Une hypothèse peut-être : le design est vue comme une pratique ancrée à la créativité. Or la créativité est réellement vue comme une boite noire qui se doit rester mystérieuse pour favoriser (en France du moins) le mythe du designer-artiste. La France n’est-elle pas le pays des arts décoratifs? Révéler ces références culturelles équivaut à ouvrir un peu cette boite et la créativité commencerait alors à ne plus être si irrationnelle que ça car basée sur la récupération et la transformation d’idées.

    C’est pourquoi si le design veut s’élever (en France du moins) comme une discipline académique, il se devrait d’expliquer plus en profondeur son raisonnement, ne plus se limiter à des intentions. Cela briserait certainement un peu le mythe contemporain du design.

    La vision que je propose ici ne doit pas être pris de manière radicale, beaucoup de designers font exceptions.