Alléger la ville : l’intervention urbaine en kit

Après les plateformes de crowdfunding urbain, le groupe de travail « Alléger la ville » de la Fing poursuit la publication de ses conclusions sous forme de pistes d’innovation

Préparez-vous au déploiement des kits d’intervention urbaine !

Une ville, qui sait ouvrir ses systèmes et espaces urbains, ne les pense plus comme des éléments terminés, mais comme des objets actionnables, espaces de proposition par et pour les citadins ; cela signifie rendre possible, faciliter ces interventions, mais aussi savoir se laisser surprendre tout en se dotant d’une certaine souplesse de réaction. Plus globalement, il s’agit de faire évoluer la participation dans l’espace public.

L’outillage de ces interventions urbaines, pour qu’elles concernent le plus grand nombre, pour qu’elles se démocratisent, est essentiel ; c’est à ces enjeux que se proposent de répondre les kits d’intervention urbaine.

Les kits d’intervention urbaine sont un ensemble d’outils pour les interventions des citadins dans l’espace urbain physique et numérique, permettant de faire émerger des propositions diverses et originales pour co-construire une ville adaptée à tous.


Image : les cuisines mobiles utilisables par les riverains du collectif d’intervention urbaine Cotchenko dans le cadre du projet Da-ta-place.

En quoi ça consiste ?

Pour une ville / un opérateur de service urbain ou tout autre acteur urbain, les kits d’intervention urbaine, sont des ensembles d’informations, d’outils et de ressources qui s’adressent aux habitants, pour :

  • identifier les espaces et dispositifs urbains qui peuvent être modifiés, transformés, embellis, voire temporairement privatisés par les citadins, grâce à des interventions diverses.
  • documenter les conditions dans lesquelles les citadins peuvent intervenir sur ces espaces et dispositifs ainsi que les interventions elles mêmes.
  • outiller les citadins pour qu’ils interviennent sur ces espaces et dispositifs
    urbains et fassent partager leur intervention, en fournissant les manuels, y compris l’éventuel outillage administratif nécessaire.
  • contribuer à une ville adaptée à tous, à atteindre des objectifs communs.
  • S’enrichir à leur tour à mesure que les citadins s’en emparent.


Vidéo : la cabine téléphonique de recharge électrique, l’une des interventions dans l’espace public du collectif Fabrique Hacktion.

Et concrètement

A la fois manuel, mode d’emploi, boîte à outils, un kit d’intervention urbaine vise à outiller les citadins pour qu’ils transforment, améliorent l’espace urbain physique et numérique.

Le kit permet des transformations autour de quatre axes : les espaces et dispositifs physiques (« le dur »), l’usage des espaces et des dispositifs, le « soft » de la ville (les aspects serviciels) et l’infostructure urbaine.

Il permet des interventions individuelles comme collectives. Il peut outiller des interventions temporaires, ou plus pérennes, occasionnelles ou régulières.

Quelques exemples “d’interventions” qui pourraient faire l’objet de kits
– Végétalisation de l’espace urbain
– Intervention sur les voies de circulation (sécurisation, confort, signalisation)
– Événements légers dans l’espace public
– Enrichissement de bases de données, de cartographies
– Amélioration, réparation d’éléments du mobilier urbain (bancs, abris de bus)
– Proposition d’améliorations ou d’animations à caractère temporaire ou plus durable dans l’espace public (terrasse, intervention artistique, food truck…)
– Exploitation « légère » de l’espace dédié aux véhicules pour en proposer des utilisations alternatives et répondre à certains besoins (ajout d’équipement cyclable, piétonnisation…)
– Proposition de services, d’applications permettant d’améliorer le fonctionnement des systèmes urbains…
– Proposition d’événements directement via le système d’information de la ville…


Image : les 4 axes d’actions des kits sur l’espace public.

Les citadins et associations (voire entreprises) disposent (à l’initiative des acteurs urbains tels la ville, des opérateurs de services urbains, d’autres acteurs associatifs) de modes d’emploi, de guides, de boîtes à outils, d’éléments de signalétique leur permettant de :

  • Repérer les sphères urbaines transformables.
  • Savoir ce qu’ils ont le droit de faire, de modifier, d’embellir, « d’augmenter » dans la ville et sur les outils numériques (de la ville et des opérateurs), comprendre le fonctionnement des objets ou systèmes sur lesquels ils peuvent intervenir.
  • Connaître facilement les démarches éventuellement nécessaires : qui aller voir, quel formulaire remplir, etc.
  • Accéder à des outils leur permettant d’intervenir eux-mêmes.
  • Discuter de leurs marges de manoeuvre dans l’espace urbain, de les questionner, de proposer des extensions du cadre réglementaire, de nouveaux lieux à rendre « actionnables »…


Images : 5 exemples d’interventions urbaines… Les assises éphémères d’Arno Piroud, le réseau d’échange anonyme deaddrops, le parking day, cet événement annuel de réappropriation de l’espace urbain, les Kabllom, ces bombes de semences nées de la guerilla du jardinage et Waze, une application mobile de navigation GPS qui s’appuye sur une cartographie collaborative et temps réel.

Les acteurs publics entament en amont de cela un important travail pour :

  • Identifier
    – les systèmes, espaces et objets urbains sur lesquels il y a déjà une marge de manoeuvre pour que les citadins fassent des choses de façon légère, qu’ils peuvent modifier.
    – les sphères urbaines encore fermées, dans lesquelles on pourrait demain
    imaginer plus de latitude.
  • Documenter clairement ces sphères de latitude, expliciter les processus et les systèmes et objets urbains, afin de décrire les démarches que peuvent entreprendre les citadins, et les cadres règlementaires.

    Ils construisent à destination des citadins des kits, à la fois guides, boîtes à outils et modes d’emplois, diffusés largement, afin que les transformations dans l’espace urbain soient le fait du plus grand nombre.

    Cette diffusion peut notamment passer par une plateforme donnant accès à tous les kits de la ville.

  • Faciliter la création d’un kit par tout autre acteur qui repèrerait des marges de manoeuvre non exploitées en lui expliquant la démarche à suivre, et lui permettre de le rendre visible, par exemple en l’inscrivant sur la plateforme ou la cartographie de kits de la ville.

Les acteurs à l’origine des kits prévoient et animent des espaces de documentation et de discussion avec les citadins autour des marges de manoeuvre, afin de faire émerger des questionnements, des idées, des projets, des propositions d’interventions supplémentaires.

Ces espaces peuvent être :

  • un « journal des intervenants » blog animé, permettant à tout intervenant de présenter son intervention, la soumettre à débat et à discussion, en décrire le process et l’évolution.
  • des réseaux sociaux clairement identifiés permettant de signaler en temps réel une intervention, de la relayer, de réagir…
  • une carte permanente à l’échelle de la ville ou du quartier des lieux ou objets disponibles pour des interventions et leurs usages possibles, la nature et la source des interventions en cours…
  • des espaces de discussion et de propositions à partir de la plateforme.

SF Better Streets : un guide pour “améliorer les rues” à l’adresse des citadins
SF Better Streets est un dispositif en ligne mis en place par la ville de San Francisco. Il vise à outiller les citadins (individus, associations, commerçants…) afin qu’ils proposent des améliorations dans leur quartier ou leur ville, un pas de plus vers la conception de rues “pour tous” ; des rues répondant mieux aux besoins de tous les citadins, agissant sur les piétons, cyclistes, véhicules, les équipements et le mobilier urbain, la qualité de vie, la circulation…

« Une rue meilleure répond avant tout aux besoins des gens, en prenant en compte les piétons, les cyclistes, les déplacements, les arbres situés dans les rues, la gestion des eaux pluviales, les aménités, et le cadre de vie aussi bien que la circulation automobile et le stationnement. »

Le site fournit des informations sur les types de projets pouvant être menés dans l’espace public, les démarches à effectuer auprès de la ville pour obtenir des permis lorsque c’est nécessaire, les responsabilités en termes de maintenance, les règles qui s’appliquent, des orientations en terme de design (type de matériau, localisation des équipements…) afin de conserver une harmonie dans l’espace public.

SF Better streets permet aux citadins d’agir seuls, mais encourage fortement la mobilisation de collectifs, pour assurer des améliorations allant dans le sens de l’intérêt collectif.

Quels sont les types de projets pouvant trouver un outillage sur le site ?
– L’utilisation et l’animation des rues et de l’espace public (piétonnisation
temporaire, food truck…) ;
– Le verdissement et la gestion des eaux pluviales ;
– Sécurité des piétons et apaisement de la circulation ;
– Appropriation de l’espace dédié aux véhicules (cf. Parking Day) ;
– Autres éléments du mobilier urbain.

Au-delà de la qualité du cadre de vie, l’amélioration des rues vise notamment à rendre le territoire plus attractif, améliorer l’expérience de la mobilité, l’accessibilité et la sécurité des rues, soutenir les petits commerces de proximité, réduire l’impact écologique de la ville, stimuler la vie de quartier et le lien social, etc.

Scénario

Cocité, une appli de la ville de Paris
Clémence utilise régulièrement l’application CoCité de la ville de Paris, pour signaler des problèmes dans l’espace urbain : nid de poule, feux défectueux, ordures sur la voix publique… Aujourd’hui, elle l’utilise pour signaler un Vélib défectueux.

Armoire de bricolage à proximité
L’application signale à Clémence l’armoire de bricolage située à proximité, afin de réparer elle-même le vélo si elle le souhaite, et lui donne un lien vers le kit de maintenance, de réparation et de customisation des vélos en libre-service. Elle lui signale aussi que le buraliste du coin de la rue met à disposition un « microkit » de bricolage si ses besoins sont légers.

Comme elle a un peu de temps, elle décide de se lancer ; elle n’y connaît pas grand chose, mais elle sait que le kit lui explique également le fonctionnement du Vélib. L’application lui transmet un code pour ouvrir l’armoire de bricolage, repérable via une signalétique spécifique.

Réparer et/ou Customiser « son » vélib
En plus de réparer les freins et de revisser certains éléments du guidon, Clémence décide de customiser le Vélib, afin de le rendre un peu plus « joyeux ». L’opération est rapide cette fois, pas de démarche particulière à effectuer. Clémence sait aussi qu’elle pourra s’amuser à suivre « son » vélo à travers la ville, si elle inscrit sa transformation sur la cartographie des dispositifs.

De futures responsabilités
Clémence sait que tout un ensemble d’autres kits existent, accessibles en ligne via La-Boit’aKit de la ville ; elle a déjà utilisé le kit de cartographie urbaine, qui lui a permis d’ajouter de nombreux éléments à la carte de la ville sur Open Street Map, grâce aux explications « pas à pas ».

Cette fois-ci, c’était une amélioration plus légère que lorsqu’elle a, avec des amis, créé un potager urbain ; elle avait du effectuer les démarches – très documentées ! indiquées dans le kit du jardinier urbain auprès de la ville. Elle n’avait aucune idée de la façon dont fonctionnaient les espaces verts à Paris ! Elle a aussi appris que c’est désormais elle et ses amis qui allaient être en charge de l’entretien du potager ainsi créé.

C’est à un autre kit qu’elle a fait appel, la fois où elle souhaitait savoir comment disposer de la salle des fêtes du quartier !

Clémence participe depuis peu aux discussions autour des kits et des espaces transformables, régulièrement organisées et animées par la ville et des associations locales, en ligne et hors ligne ; c’est qu’elle a très envie de faire avancer la réglementation autour du verdissement des trottoirs, afin de pouvoir enlever des carrés d’asphalte et d’y planter des fleurs.

Comment cette piste peut-elle contribuer à alléger la ville ?

Ouvrir les espaces et les systèmes urbains à l’intervention des habitants
Pour des raisons techniques, juridiques ou économiques, les citadins sont de plus en plus considérés comme des “consommateurs” des espaces et des dispositifs urbains. Même quand, en réalité, il leur est possible d’intervenir dans ces espaces (pour s’y exprimer, organiser un événement, créer un jardin partagé, installer un stand…), l’information sur cette possibilité est éparse, difficile d’accès, peu intelligible.

Les Kits d’Intervention Urbaine invitent les citadins à se saisir des possibilités qui leur sont offertes. Ils valorisent leurs interventions. Ils suscitent des vocations. Ainsi, ils contribuent à faire émerger des propositions nouvelles tout en créant du lien social.

Améliorer la qualité des espaces urbains
Alors qu’il est difficile pour les grands acteurs urbains de proposer des réponses légères et véritablement fines à certains besoins ou aspirations du territoire, les kits encouragent les microprojets, les petites interventions venant répondre à des besoins très locaux, en faisant des citadins de véritables coproducteurs de la ville.

La qualité et l’utilité des espaces urbains (physiques ou numériques)s’améliorent grâce à la mobilisation d’une « expertise d’usage » des citadins, qui sont familiers des objets ou dispositifs sur lesquels ils interviennent.

Des modes d’intervention légers pour une ville plus frugale
Les kits d’intervention urbaine donnent la possibilité d’imaginer une ville agile, évolutive et surprenante, qui « ferait mieux » que ne le font déjà les acteurs urbains : en inventant de nouvelles fonctions et de nouveaux services, en prolongeant la durée de vie d’objets urbains ou leur donnant une seconde vie, en exploitant certains espaces délaissés…

Des transformations par et pour le plus grand nombre
Les kits d’intervention urbaine s’adressent au plus grand nombre : individus, acteurs collectifs (associations), commerçants, entreprises… Ils facilitent tant l’intervention individuelle que l’initiative collective. Ils baissent les barrières entre experts et citadins. Ils sont un chaînon clé de l’appropriation des espaces publics urbains physiques comme numériques, les citadins participant à définir ou à répondre à des usages qui sont les leurs.

Les conditions de réussite

S’assurer de la visibilité et de l’accessibilité des dispositifs
Les kits urbains sont des outils précieux, s’ils sont réellement visibles et accessibles pour le plus grand nombre. La relative confidentialité de l’open data et de ses usages, encore aujourd’hui, témoigne de la nécessité non seulement de documenter ce que la ville ouvre à l’intervention citoyenne, mais aussi de réfléchir aux « prises » à offrir aux citadins et à l’explication des systèmes urbains tant de leur fonctionnement et de leurs enjeux, que de ce que les citadins peuvent faire avec.

Des formes de signalétique et des outils doivent être mis en place pour répondre à plusieurs objectifs :

  • Identifier « sur site » les objets et dispositifs urbains sur lesquels les citadins peuvent intervenir, ainsi que les dispositifs faisant l’objet d’une transformation, à travers une signalétique générale.
  • Caractériser chaque dispositif transformable, via une signalétique spécifique à chacun, indiquant combien de personnes peuvent intervenir, si le dispositif est ouvert aux acteurs privés, le niveau d’expertise requis, ce dont il s’agit, l’historique des transformations, etc.
  • Donner la possibilité de documenter au fil de l’eau les interventions sur le territoire, mais aussi de suivre ses propres modifications dans la durée, via un journal en ligne, des espaces dédiés sur des réseaux sociaux.
  • Rendre visible les dispositifs transformables et les interventions des citadins sur le territoire grâce à des cartes du territoire.


Image : quelques pistes pour une signalétique urbaine imaginées lors d’un workshop organisé par Ruedi Baur pour le centre d’art et de design La Cuisine et un prototype de dispositif en réalité augmenté.

Ouvrir des espaces de discussion et de débat
Des espaces de discussion autour des kits doivent également être prévus afin que les citadins se les approprient et les utilisent réellement : forums, fils Twitter, espaces de discussion animés à partir des blogs « au fil de l’eau », microévénements…

Ces espaces doivent être ouverts aux échanges entre les citadins, mais aussi au dialogue entre les citadins et la ville.

Ils portent tant sur les interventions, les kits et leur usabilité, que sur les marges de manoeuvre des citadins et les limites des interventions :

Pourquoi certains dispositifs sont ouverts et d’autres non, comment définir les limites des interventions, sous quelles conditions, pourrait-on étendre certaines possibilités d’interventions ? Certains équipements urbains doivent-ils être conçus exprès pour l’intervention, avec des prises, des dispositifs assurant une sécurité minimale ?

Cette mise en discussion signifie que les kits doivent être pensés comme des dispositifs appropriables et évolutifs, de manière itérative.

Construire une culture de l’espace public partagé de façon agile

La démarche de mise en place de ces kits passe bien sûr par des échanges internes aux acteurs publics, dans lesquels les services concernés s’impliquent. Pour ces derniers, cela signifie de nouveaux intervenants dans des sphères où ils étaient jusqu’alors seuls maîtres à bord. Cette culture de l’espace public partagé s’apprendra progressivement, et les acteurs urbains pourront procéder par étapes :

1. Des espaces et dispositifs déjà ouverts, dans lesquels les citadins peuvent proposer des interventions (salle des fêtes, cartographies…), à documenter et rendre plus accessibles.
2. Des interventions, des productions citadines, qui se déroulent sans l’intervention de l’acteur public, à recenser, outiller, auxquelles donner des possibilités de faire plus de choses.
3. Des espaces et dispositifs fermés, mais que les acteurs publics pourraient “ouvrir” aisément.
4. Des défis urbains, qui pourraient trouver des réponses grâce à l’intervention des citadins outillés par des kits dans l’espace urbain physique ou numérique, selon des modalités diverses : campagnes de collecte de données, mapping parties, opération de végétalisation…

Définir les cadres de responsabilité
Donner aux citadins des capacités d’intervenir dans l’espace urbain ne se fera pas sans évoquer le jeu des responsabilités, qui deviennent partagées. Cette question des responsabilités ne doit pas être un obstacle à l’engagement des acteurs urbains dans cette voie, ni de l’engagement des citadins dans l’utilisation des kits, et elle doit être traitée de façon « légère ».

  • Des chartes doivent définir les cadres de responsabilités lors d’interventions, applicables à l’espace ou au dispositif modifié ;
  • Du côté des individus, des systèmes de réputation ou de qualification (des
    statuts de super-utilisateurs, super-intervenants) permettent de réduire les risques ;
  • De nouveaux modèles d’assurance doivent être imaginés du côté des grands acteurs urbains, prenant en compte l’intervention possible des citadins sur ses espaces et dispositifs.


Image : Livres échanges, une installation de cabanes suspendues pour échanger des livres à l’initiative de Nathalie Faessel et Didier Muller.

Attention, facteurs d’échec !

Se limiter aux marges de manoeuvre établies, un frein à l’innovation urbaine ?
Si les villes sont sans doute les principales pourvoyeuses de kits d’intervention urbaine, elles ne doivent pas être les seules, construisent leurs kits selon des méthodes d’innovation ouverte (c’est-à-dire en associant à la réflexion et à la production d’autres acteurs, dont les citadins), et favorisent même la création de kits par d’autres acteurs (en les outillant, en organisant des concours de kits…).

Limiter les possibilités d’interventions à ce que permettrait ou encouragerait la ville serait un frein considérable à l’innovation urbaine, qui irait à l’encontre de l’esprit du “kit” ; un des enjeux de cette piste est au contraire de redonner place à l’imprévu, à des projets surprenants qui pourraient pourtant bénéficier à un grand nombre, et libérer les vélléités d’interventions d’autres citadins.

Des enjeux plus globaux des kits d’intervention urbaine
Ces kits signifient certes pour l’acteur public accepter de ne plus maîtriser l’ensemble des process urbain ; ils constituent une véritable piste d’évolution par rapport aux politiques participatives actuelles. Mais c’est à cette condition que l’appropriation des kits et l’expression citoyenne au sein des espaces publics physiques et numériques sera réelle, et que l’espace urbain deviendra véritablement coproduit.

Marine Albarède et Thierry Marcou.

Thierry Marcou (@thierrymarcou) est le chef de projet du programme Alléger la ville de la Fing (@la_fing). Marine Albarede (@marinealbarede) est chargée de mission de ce même programme ainsi que du programme MesInfos de la Fing.

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0 commentaires

  1. On est en train de rejouer la dialectique du maître et de l’esclave… en trois actes.
    I. On avait la collectivité (l’esclave) qui travaillait pour l’habitant (le maître). Celui-ci lui avait délégué tout le travail compliqué de fabrication de la ville et vivait en simple consommateur.
    II. Maintenant, grâce à vos kits d’intervention urbaine, l’habitant devient l’esclave, travaille pour la collectivité (devenue le maître) et bricole la ville, dans le cadre délimité qui lui est assigné.
    III. Mais en travaillant ainsi dans la ville, l’habitant s’accomplit, devient un « habiteur » et se libère? Dans le même temps la collectivité se rend dépendante de son habitant travailleur, elle redevient l’esclave de son esclave?

    Je ne suis pas du tout spécialiste d’Hegel et j’en fais probablement une interprétation simpliste (voire erronée). Je trouvais juste ça amusant d’utiliser cette métaphore maître/esclave pour décrire la relation entre l’habitant bricoleur et la collectivité publique.

    Je m’étais d’ailleurs déjà penché sur la question en partant des bricolages urbains spontannés ici (http://www.millenaire3.com/Bricolages-urbains-ils-sont-dans-la-rue.122+M538f8402031.0.html).
    Et si vous voulez lire mon interview de Florian Rivière, un « esclave » fort rebelle, c’est ici : http://www.millenaire3.com/Florian-RIVIERE-Le-parcours-d-un-hacktiviste-ur.122+M567afa7aef2.0.html

    Super travail en tout cas, Marine et Thierry. Bravo !

    Emile

    1. Merci Emile pour cette analyse Hégélienne, qui se pose aussi sans doute lorsque l’on parle de crowdsourcing, voire de certaines formes d’empowerment.
      Mais justement tout l’enjeu de cette piste « Kit » est de ne pas enfermer l’habitant dans son rôle « d’esclave », en acceptant qu’il doit y avoir du jeu, de l’intervention hors des sphères prévues et définies par l’acteur public (et qui seraient par contre « outillées » par des acteurs associatifs, des collectifs…), sans quoi on se prive d’un vrai potentiel d’innovation – ce « lacher prise » est un vrai défi !

  2. Beaucoup d’idées intéressantes, même si je reste un peu dubitative quant à leur application ou même appropriation dans la vie réelle…, entre autre en raison de cette dialectique évoquée par Emile: Pourquoi donc payer des impôts, si je dois finalement tout faire moi-même ?
    Il est vrai que les villes manquent sérieusement de confort (bancs publics, toilettes publiques, espaces verts…), à croire que c’est fait exprès.