Cytale va sortir son Cybook. Mode d’emploi avec Joël Bauer, directeur commercial.

Fin novembre, début décembre, le premier livre électronique sera bel et bien disponible dans les rayons. Plusieurs modèles existent déjà aux États-Unis, mais pour l’hexagone, c’est le Cybook, créé par la société Cytale fondée en France en 1998 par Olivier Pujol, qui sera le premier sur le marché. L’occasion de découvrir ce nouveau terminal, entièrement dédié à la lecture ( ?) et de se poser les questions de son avenir. Joël Bauer, directeur commercial de Cytale a accepté de nous montrer le prototype et nous lui avons posé des questions très pratique. En clair : le livre électronique, comment ça marche ? Ce qui n’est pas sans soulever des questions beaucoup plus larges sur le futur de la liberté de lecture. Interview.

Tout d’abord, pouvez-vous nous décrire le Cybook ?

Le livre électronique, ressemble à un livre. Il est composé d’un écran couleur rétroéclairé et tactile recouvert d’une couverture en cuir. Ce livre peut permettre de stocker 20 000 pages, soit 50 livres de 400 pages. C’est une véritable bibliothèque portable. Tout est tactile. Il suffit en fait d’appuyer sur un des livres de l’étagère (représentée par une illustration) pour entrer à l’intérieur. Une fois qu’on est dans le livre, on peut lire, c’est fait pour ça. On a simplement quatre boutons sur le côté qui permettent d’avoir accès aux fonctions, de faire défiler le texte. Parmi les fonctions, l’une des plus intéressantes est la possibilité d’agrandir la police de caractères. Ce qui permet à des gens qui ne peuvent plus lire de petits caractères de retrouver le plaisir de la lecture, tout en préservant la mise en page d’origine de l’éditeur. Vous avez également la possibilité de faire des annotations sur des sélections de textes, de mettre un marque-page, de l’enlever. Un moteur de recherche pour trouver un mot dans le livre. Ça peut être très intéressant dans un roman, s’il y a beaucoup de personnages et que vous ne savez plus qui est qui, ça permet de retrouver la première fois que le personnage apparaît. Enfin, un dictionnaire intégré permet d’avoir des définitions, en temps réel. Dans un premier temps en français, mais bientôt dans d’autres langues  : anglais, allemand, espagnol.
Mais c’est aussi un véritable outil multimédia qui permet d’avoir du texte, de l’image, et du son. Enfin, ce n’est pas un chaîne hi-fi, mais il permet d’écouter la radio en ligne. Seul problème  : la question des débits. Aujourd’hui, le Cybook est connecté à Internet via un modem 56 K. La radio sera vraiment valable quand il y aura le GPRS et l’UMTS. Dès lors, le livre électronique pourra être une télévision, un écran sur lequel on pourra aussi bien lire des livres que des DVD. Les données ne passeront plus plus par un cordon mais par un système radio, déjà mis au point.

Pour en revenir à ce qu’on voit sur l’écran aujourd’hui, vous avec une icône « Librairie », qui vous permet de vous connecter au site de Cytale, là où se trouve l’ensemble du contenu que vous pouvez lire sur le Cybook.

Donc, sur le Cybook, on ne peut lire que du contenu issu du site Cytale ?

Oui.
Et vous trouverez également, sur le site, votre bibliothèque, où sont stockés tous les livres que vous avez achetés, une fois pour toutes. Enfin, vous avez une rubrique « Autres », qui vous permet de surfer sur Internet, de recevoir vos e-mails, d’avoir des jeux, type mots croisés. Toutefois, surfer n’est pas la fonction première de l’outil.

Concrètement, comment fait-on pour utiliser ce livre électronique ?

D’abord, il faut que vous achetiez le livre. Son prix de vente a été fixé à 5700 francs. Ensuite, vous vous branchez, par une simple prise téléphonique et vous arrivez sur le site Cytale. Là, vous choisissez votre livre ou votre journal, vous payez, vous téléchargez et vous lisez, 2 minutes après. Il télécharge 300 pages en 2 minutes.

Mais c’est un outil complètement fermé. Tout est crypté pour éviter le piratage. On ne pourra pas imprimer.
En fait Cytale a trois métiers. Le premier de concevoir, fabriquer et distribuer le produit Cybook. La deuxième activité, c’est l’animation du site de contenu grâce à des accords de partenariat avec les éditeurs pour qu’ils nous cèdent du contenu. Et une des clauses de ces accords, c’est le cryptage et la sécurisation des transactions. Cytale n’est pas du tout éditeur. Il n’est, en aucun cas, propriétaire des droits numériques. Il n’est que diffuseur. Il n’est donc pas en relation avec les auteurs. Ce qui veut dire que le prix des oeuvres sur notre site est fixé par l’éditeur. Nous touchons des commissions de diffuseur numérique. Le troisième métier de Cytale est de numériser les ouvrages pour qu’ils soient lisibles sur le Cybook. Nous avons développé une expertise dans ce domaine et nous pouvons numériser des oeuvres pour les éditeurs. C’est notre troisième source de revenus.

Vous parlez de système fermé. Si je veux prêter un livre que j’aime à quelqu’un, je ne peux pas le faire ?

Non. C’est comme quand vous prêtez un livre papier, vous pouvez le faire parce que c’est du papier, or ce n’est pas légal. Les droits ne sont pas payés. Stricto sensu, ça fait perdre des droits aux auteurs. D’une certaine façon, nous sommes le MP3 de la lecture et nous n’avons pas envie qu’il se passe la même chose pour les éditeurs que pour les maisons de disques. Le système fermé est la condition sine qua non pour avoir du contenu de la part des éditeurs.

Supposons que j’ai un Cybook et que je veuille passer sur un Rocket e-book. Comment est-il possible de récupérer tous mes livres achetés sur Cytale et qui ne sont lisibles QUE par le Cybook ?

Pour l’instant, vous ne pouvez pas passer de l’un à l’autre. Il faut qu’on trouve des conditions d’ouvertures et nous passerons sûrement des accords avec eux, si nous trouvons des conditions intéressantes au niveau commercial et si nous jugeons que leur plate-forme est sécurisée. Rocket e-book par exemple passe par un PC. Pour nous, cela est un possible car un PC n’est pas une plate-forme sécurisée. Selon nous, une plate-forme est sécurisée à partir du moment où elle ne permet pas d’ouvrir n’importe quel exécutable, ce qui n’est pas le cas d’un PC.

Et si je dois lire un rapport de cinquante pages, imprimé sur feuilles volantes, est ce que je peux le télécharger sur mon Cybook pour éviter de transporter les 50 pages ?

Ce n’est pas prévu. Pour le moment ce n’est qu’un outil de consultation et pas un outil sur lequel on peut exporter ses propres données. Toujours pour les même raisons de sécurisation. Les données viennent de votre PC, donc on ne sait pas d’où ça vient. Il peut y avoir un virus, le fichier peut être endommagé…

Et on ne pourrait pas l’imaginer ?

Si, par un système de licence. Mais ce n’est pas fait pour. C’est un outil de lecture de livre ou de presse.

Et si on m’envoie le rapport par mail, en fichier attaché ?

Vous ne pourrez pas non plus l’ouvrir. Tout ce qui vient de l’extérieur ne peut pas être ouvert.

Donc pas de rôle professionnel. A qui s’adresse le Cybook ?

A des personnes qui ne sont pas du tout férues d’informatique et encore moins d’Internet. Nous nous adressons à ceux qui ont peur de ça. Nous avons testé nos cibles et nous en avons défini quatre pour lesquelles le Cybook répond à des besoins immédiats  :

Première cible : Les gros lecteurs, qui voient dans le livre électronique une bibliothèque portable de 50 titres.

…mais si ma bibliothèque contient 80 livres alors que le Cybook n’a de mémoire que pour cinquante, que deviennent les autres livres  ?

Dans votre bibliothèque en ligne, vous avez tous les livres qui vous appartiennent. Il suffit d’effacer ceux qui sont dans la mémoire du Cybook et de la recharger avec d’autres. Les livres que vous avez acheté une fois vous appartiennent pour toujours (à condition de les lire sur SON Cybook-ndlr). Et vous pouvez les télécharger de n’importe où dans le monde, à condition qu’il y ait une prise téléphonique.

Les trois autres cibles donc ?

La deuxième concerne les personnes qui ne peuvent plus lire les petits caractères : mals voyants, personnes âgées qui ainsi pourront lire à nouveau. Il y a plusieurs millions de personnes dans ce cas en France.

Troisième cible : les expatriés, les grands voyageurs, car le livre électronique répond à une accessibilité immédiate à des contenus français. Et l’expatrié en Australie n’a pas forcément accès aux nouveautés lorsqu’elles sortent, ni une bonne librairie près de chez lui. Là, il peut télécharger un livre, à n’importe quelle heure et tout de suite. Il peut être abonné au Monde. Pour la presse, l’utilisateur achètera son journal, dans une version spécifique au Cybook.

Quatrième cible, une micro-cible, les early adopters, fans de nouvelles technologies, de mode, utilisateurs de Palm de DVD, etc…

Au bout du compte, cela fait du monde, et ce sont des cibles qui devraient permettre de rapidement toucher le grand public, sachant qu’au départ toutes ces cibles sont CSP+, le Cybook coûte 5700 francs !

D’autres cibles ont également été définies, dans les domaines professionnels, où le livre électronique répond à une réduction de l’encombrement, avec une remise à jour des données : un médecin avec le Vidal, un avocat avec le Code Civil…

Dernier marché qui nous intéresse et qui est énorme, c’est le marché des scolaires, des écoliers, avec l’idée du cartable électronique. On a des contacts, mais ce sont des marchés tellement énormes qu’ils demandent de mettre en place une structure spécifique.

Et le fonds Gallica de la BNF est accessible au Cybook ?

Non, car il n’est pas dans le bon standard. Il faudrait qu’il soit retraité dans le « open e-book standard », qui est la norme internationale. Un texte doit subir deux traitements, par rapport à un fichier standard, pour être accessible à un livre électronique. Il faut d’une part qu’il soit en « open e book standard » et ensuite nous rajoutons notre format propriétaire, le format Cytale Page. Après, seulement, on peut le lire.

Aujourd’hui Cybook est vraiment un outil pour lire et réintégrer la lecture dans le monde d’aujourd’hui. La lecture est de plus en plus concurrencée par les loisirs d’accès instantané, type Playstation, et le numérique est présent partout, sauf dans le domaine de la lecture. On se positionne comme le chaînon manquant du numérique dans le domaine de la lecture.

Vous travaillez avec l’ensemble des éditeurs ?

Nous sommes en cours de signature avec pas mal d’entre eux. Actuellement, nous avons déjà signé avec Hachette, Albin Michel et notre livre électronique va sortir avec environ mille titres, dont trois cents nouveautés de la rentrée littéraires et la palette la plus large de fonds de catalogue. Puis nous aurons une augmentation de notre fonds de l’ordre de 200 à 500 titres par mois.

Et pour la presse ?

D’abord les utilisateurs pourront avoir le Monde et les autres titres de presse vont suivre. Mais en fait les gens attendent de lire le titre qu’ils lisent habituellement, et non pas d’avoir 100 titres. Donc avec trois quatre titres, on touche pas mal de monde.

Et qu’en est-il du prix unique du livre dans le domaine du livre électronique  ?

Pour le moment c’est le vide juridique. Ce qu’on sait c’est que le Cybook sera taxé à 19,6 %. Nous espérons que les livres numériques seront taxés à 5,5 % et bénéficieront de la loi Lang. Mais rien n’est encore décidé à ce jour.

Quels prix seront alors pratiqués pour les livres numériques  ?

Ce sont les éditeurs qui fixeront les prix. Mais on s’attend à ce que les nouveautés soient au même prix que le papier et nous mettrons à disposition la presse et les fonds de catalogues avec des tarifs entre -15 et -30 % au départ. Mais tout ça va évoluer très vite.

Comment imaginez-vous le livre électronique dans cinq ans ?

Dans cinq ans, il existera toute une gamme de livres électroniques, comme pour les mobiles. Il y aura un contenu disponible énorme et tout sera numérisé. Tout ce qui sera disponible dans une librairie sera disponible pour le livre électronique. Je pense que le livre électronique aura une part de marché de 10 %. Les équipements seront moins chers, nettement amortis par la vente du contenu. Et dès l’année prochaine, le Cybook pourra se connecter sans fils. Tout passera par ondes radio et le Cybook qui recevra directement les mails, les téléchargements. C’est déjà opérationnel et les Cybook qui seront mis en vente fin novembre sont déjà équipés de cette fonction. C’est pratiquement faisable.
Ce qui va changer également, dans 5 ans, ce sont les débits plus importants, donc des possibilités de transformer le livre électronique en un véritable outil multimédia qui permettra de voir des vidéos, d’écouter de la musique, de regarder la télévision, d’avoir des oeuvres en trois dimensions, des jeux, une plate forme qui permette de faire de l’e-commerce. Il deviendra un terminal web multimédia dédié à la lecture. Avec la possibilité de lire des livres dans toutes les langues, d’avoir la traduction en temps réel… Ce sera l’idée de Borges : le dernier livre. Le livre qui contient tous les livres. Dans 100 ou 200 grammes, vous aurez l’ensemble du savoir de l’humanité.

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