Le développement du livre électronique, sous divers formats et divers appareils, comme celui de l’édition en ligne et des bibliothèques numériques, peuvent le laisser croire. Les initiatives d’auteurs souhaitant s’affranchir de leurs éditeurs, comme Stephen King, ou publiant sous forme de feuilleton en ligne sur le site de leur éditeur, comme l’oulipien Jacques Jouet chez POL (http://www.pol-editeur.fr), apparaissent comme autant de signes avant-coureurs. Pourtant, même parmi les plus audacieux, personne ne parle de généralisation, et rares sont ceux qui s’aventurent à prédire au livre électronique une part de marché à cinq ans supérieure à 10 % par rapport au livre « traditionnel » ; et c’est déjà beaucoup pour ce qui reste, et de loin, la première industrie culturelle. Les premières embuscades entre formats propriétaires au sein même du standard open e-book laissent redouter de rapides désillusions pour le livre-produit électronique grand public. Éditeurs et libraires peuvent-ils continuer de dormir à poings fermés, ou doivent-ils anticiper le réveil et l’émancipation des auteurs, stimulés par de nouvelles approches et de nouveaux entrants  ?
Cette industrie fondée sur les coûts de fabrication et de diffusion-distribution et le financement des stocks connaît en tout cas un début de remise en cause, à un moment où son vrai métier, la relation à l’auteur, à l’œuvre et au public, semble parfois s’estomper jusqu’à la marginalisation. La vigueur relative des librairies dans les pays qui, comme la France, les ont protégées, comme l’attachement au papier et à l’objet, limitent l’analogie avec le MP3 : il faudra probablement que l’impression à la demande invente ses modalités pratiques et ses lieux de commerce pour qu’il y ait, véritablement, révolution. D’ici là, le livre électronique sous toutes ses formes aura trouvé mille applications, prévues ou imprévues, si du moins ses promoteurs laissent la place, par des standards ouverts, à l’imagination des publics, des éditeurs et des auteurs.