Bruno Simon : « La voiture n’est plus une bulle fermée »

En janvier 2001, Renault a ouvert une direction de projet e-véhicule. Bruno Simon, directeur de ce projet, précise que le constructeur ne vient pas seulement de se pencher sur la question. Depuis 3 ans, dans les laboratoires de R&D ainsi que dans les cabinets d’études les chercheurs travaillent sur la voiture de demain et prévoient les usages des conducteurs à l’horizon 2003, 2005 , 2010…Mais motus sur ces dernières études. En revanche, Brunon Simon nous livre quelques pistes concernant le e-véhicule. Car, comme il l’affirme :  » L’idée de e-véhicule chez Renault est loin d’être nouvelle. Mais aujourd’hui nous savons où nous voulons aller.  » Suivez le guide.
A lire : Voiture et Internet, par Gérard Ségara : http://www.prism.uvsq.fr/network/confs/dnac/proceedings/Session8.2.html

Le site :
http://www.experts.renault.com/

Dans cinq ou dix ans, quels sont les usages qui vont changer ou être bouleversé ?

Nous n’avons pas la prétention de modifier les comportements des usagers. En revanche, ces comportements se modifient, de toute évidence. La voiture n’est plus une bulle fermée à l’extérieur. Ce phénomène a d’ailleurs débuté avec l’arrivée de la radio, le premier élément intrusif dans l’automobile. Elle a conduit les gens à utiliser leur voiture de manière différente en écoutant les informations sur la route du au bureau. Pour ma part, depuis quelques temps, je travaille dans mon auto. Donc je n’écoute plus la radio et cela a engendré un manque personnel d’accès à l’information. Il faut donc que je trouve une autre façon d’accéder à cette information.
Et aujourd’hui, ces informations ne sont plus uniquement des données qui vous arrivent de l’extérieur (comme la radio) : vous pouvez commencer à interagir depuis l’auto vers l’extérieur, à envoyer vous-même des données.

La voiture de demain est donc un univers moins clos qu’aujourd’hui ?

Elle est davantage inscrite dans un maillage général, en tant que prolongation naturelle d’un certain nombre de lieux : de la maison, du bureau.

Vous dites « aujourd’hui nous savons où nous voulons aller ». Quelles sont les directions ?

Rien de très révolutionnaire au sens où on se positionne d’abord en constructeur et ensuite en fournisseur de services. Un certain nombre de services d’assistance au quotidien sont associés à notre responsabilité de constructeur.
Concrètement : vous avez une révision à faire. Généralement vous y pensez lorsque vous êtes au volant, pas lorsque vous êtes chez vous à côté de votre téléphone. Il est judicieux de pouvoir prendre ce type de rendez-vous à partir de son auto. Et nous n’excluons pas de faire certaines révisions à distance. A partir du moment où on interconnecte le système d’information de la voiture avec le système d’information du dispositif commercial et d’assistance, on peut, à terme, faire un certain nombre de choses à distance.
Il y a un deuxième niveau de service qui touche l’aide au trajet. Ces services en route sont assez différents si on va de Boulogne-Billancourt au centre de Paris ou de Toulouse à Brest. Dans le premier cas, vous serez plus préoccupé du trafic et des questions de parking à l’arrivée. Dans le second cas de figure vous aurez davantage besoin d’infos qui jalonnent la route, comme les emplacements des relais bébé, des aires de repos… Il faut ajuster l’information en fonction des besoins, au moment où on en a besoin. Le but est que l’usage de l’automobile soit non seulement de plus en plus simple, mais aussi de plus en plus convivial.

Vous vous penchez également sur les micro-applications ?

La connexion sans fil entre différents dispositifs est pratique quand il s’agit d’échanger des informations entre un pneu, objet mobile, et la caisse, objet fixe par rapport au pneu. Mais à l’intérieur de la caisse, pouvoir installer des petits éléments qui ne sont pas raccordés via des câbles entre eux, a énormément de sens. A partir du moment où vous avez des systèmes qui communiquent entre eux par voie hertzienne, vous vous affranchissez du caractère câblé (donc coûteux) et fixe de ces systèmes. Si, pour une raison quelconque, vous avez besoin de déplacer un élément de dix centimètres à gauche ou à droite, ça ne pose plus de problème majeur. De plus, les applications électroniques des technologies connaissent un renouvellement technique beaucoup plus rapide que le temps de conception et la durée de vie d’une voiture. Nous imaginons donc très bien de pouvoir mettre à jour des systèmes électroniques automobiles sans avoir à désosser toute la voiture. Un peu comme l’approche plug and play des cartes d’ordinateur.

Lorsqu’on évoque la mobilité, on pense souvent à l’UMTS. Attendez-vous son déploiement ?

D’une manière générale, on est toujours en attente de quelque chose de nouveau, de la version qui va faire plus que celle que vous avez. On le vit d’ailleurs de manière domestique. La décision d’acheter un ordinateur pour la maison est toujours freinée par la crainte d’acheter quelque chose de dépassé. Dans ce type de logique, in fine, on ne fait jamais rien. D’autre part l’expérience que j’ai dans les systèmes d’information tend à prouver qu’à partir du moment ou vous agrandissez la taille du tuyau, la taille d’un disque dur, le surlendemain le tuyau est plein ainsi que le disque dur ! Ce n’est donc pas la taille du tuyau qui va résoudre les problèmes d’engorgement. Plus le tuyau est gros, plus on pourra faire passer les infos, plus des infos passeront et donc il y aura de nouveaux embouteillages.
Nous observons quand même l’évolution avec beaucoup d’intérêts et quelques inquiétudes, dues à une certaine frilosité liée au prix de la technologie. On pourrait craindre que le déploiement prévu pour 2004 soit retardé. Il serait donc relativement irresponsable de notre part d’associer de développement de nos services au déploiement d’une technologie. Il semble plus raisonnable de concevoir de nouveaux services avec les technologies existantes. Il ne faut pas confondre le contenant et le contenu et il est important de ne pas confondre un mirage technologique avec ce qu’on peut en faire réellement.

Propos recueillis par Cécile Plet

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