Le satellite, une étape nécessaire

Le satellite a tout contre lui. Ressource rare contrôlée par un petit nombre d’acteurs dominants, adaptée à des usages profondément asymétriques comme la distribution de la télévision, il semble aux antipodes d’un « internet nouvelle génération » fondé sur l’appropriation par les acteurs d’infrastructures ouvertes, sur les dynamiques de « premier kilomètre » et permettant de libérer les très hauts débits. Depuis des années, il est l’Arlésienne du développement du réseau, et ne trouve grâce aux yeux de la communauté TIC que par ses applications de téléphonie, et ses fonctions de géolocalisation (qui n’utilisent pas les mêmes satellites).

Pourtant, divers projets territoriaux ambitieux l’intègrent ; des acteurs locaux se l’approprient ; des PME le choisissent ; l’offre évolue, devient moins chère, moins asymétrique, moins techniciste. Des promesses nouvelles, en somme, qui semblent faire du satellite une solution réaliste dans certains cas de figure, pour pallier les carences en débit des « zones noires ». C’est qu’entreprises et collectivités sont pressées. Pour certaines, la connectivité est un enjeu vital.
Un exemple emblématique est l’installation déployée pour les Rencontres d’Autrans 2003 (http://www.autrans2003.net), début janvier. Enclavé autant qu’il est possible, le massif du Vercors peut attendre longtemps les hauts débits. Ses chambres d’hôtel vieillottes n’ont guère de prises de téléphone. L’an dernier, le réseau Wi-Fi butait sur la difficulté de connexion vers le Net, via une poussive connexion Numéris. Cette année, les possesseurs de cartes de réseau sans fil ont été interconnectés à haut débit, localement ; et raccordés à l’extérieur par satellite (http://www.fing.org/index.php?num=3368,2). Solution transitoire ou d’exception, peut-être ; à expérimenter en tout cas, et il est urgent d’expérimenter pour démêler l’illusoire du réaliste.

Le gouvernement français, lors du CIADT du 13 décembre (http://www.internet.gouv.fr) a notamment choisi de stimuler le développement de l’offre satellite à des conditions tarifaires acceptables. La Côte-d’Or vient d’annoncer un projet de grande envergure, reliant par satellite des espaces publics numériques au réseau. L’Aquitaine, Mégalis en Bretagne-Pays de Loire, et quelques autres se préparent à intégrer un zeste de satellite dans le déploiement de leurs infrastructures. Les « cyberkiosques » de la Poste commencent leurs implantations en communes rurales, et utilisent le satellite pour leur connexion. La réunion de notre communauté « Collectivités territoriales » de décembre (http://www.fing.org/index.php?rubrique=ct) a montré l’intérêt élevé de différents acteurs pour cette question. Le continent africain, déjà expérimenté, attend de bénéficier des innovations, des simplifications et des baisses de coûts.
Mais cette vitalité ne doit pas masquer les limites de la solution : le satellite, c’est mieux que rien, et c’est tout ; le pire serait de s’en satisfaire. Peut-on parler d’offres haut débit avec des solutions satellites qui rendent difficiles voire impossibles tous les usages synchrones (P2P, chat, visio), et limitent parfois fortement le surf ? Les usages internet du satellite sont particuliers : envois de fichiers, streaming, mails,… Le satellite peut s’avérer compétitif lorsqu’il s’agit de relier deux sites fixes, ou pour des usages passifs (bornes de consultation d’information…). Pour le reste, prenons-le pour ce qu’il est : l’unique issue des usagers isolés, la sonnette d’alarme des territoires oubliés. Dans l’immédiat, ces solutions permettent d’amorcer la pompe, de relier le village local au village mondial, de traiter l’urgence. Pour le haut débit, misons pour l’instant sur les infrastructures locales ; et pour la connexion à moyen débit, n’attendons pas la fibre dans chaque chalet des Alpes ou dans chaque case de Lifou. Quand les usages seront là, quand les acteurs locaux seront connectés et actifs, même s’ils ne sont que 50 ou 100, ils intéresseront les exploitants d’infrastructures « filaires ». Et s’il s’agit de démonter les antennes paraboliques et de les installer dans de nouveaux territoires prénumériques, pourquoi pas…

Hubert Guillaud et Jacques-François Marchandise

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