En démarrant les premières « rencontres franco-japonaises autour des robots de nouvelle génération », organisées en mars par Tebaldo, le président de séance, Bruno Rives, expliquait que la robotique japonaise constituait « une lame de fond » et qu’on pouvait regretter le « décalage hallucinant » entre la perception qu’on peut avoir en France et la réalité industrielle qu’elle représente, dès à présent, au Japon.
Pour ceux qui s’intéressent au sujet, la chose n’est pas nouvelle. En France, malgré de multiples voix tentant d’alarmer les pouvoirs publics, les investisseurs ou les médias, la robotique est au mieux ignorée, au pire incomprise – dans ses fondements et dans les enjeux qu’elle sous-tend.
Pourtant, nous vivons bien actuellement une révolution en matière de robotique. Jadis cantonnés dans les usines et prenant souvent la forme de bras manipulateurs, les robots d’aujourd’hui sont mobiles et autonomes. Mais ils sont aussi de toutes tailles, de toutes formes, et conçus pour de multiples usages. Les rovers sur Mars, les robots-chiens de Sony, les robots de reconnaissance tactique militaire PackBot (dont plusieurs dizaines sont utilisées en ce moment en Irak, et dont le premier représentant a été détruit sur le champ de bataille cette semaine), les humanoïdes trompettistes de Toyota ou les robots de surveillance qui arpentaient les couloirs du dernier Symposium international de robotique à Paris ne sont que quelques unes des facettes de ces nouvelles machines.
Et, comme on l’imagine, ces « nouveaux robots » sont en train de donner naissance à un nouveau marché. En schématisant, on a d’un côté les Etats-Unis, qui développent principalement des robots utilitaires (tondeuses ou aspirateurs automatisés, robots à vocation militaires ou destinés à l’exploration spatiale), et de l’autre, l’Asie – Japon en tête – qui fabrique des robots ressemblant à des animaux ou à des hommes mécaniques, destinés au divertissement ou à l’assistance des humains (au sein des foyers, dans les rues ou dans les hôpitaux).
En Europe, quelques tentatives industrielles, notamment en Allemagne pour des robots de surveillance, semblent vouloir endiguer le déferlement – prévisible – de produits américains et asiatiques.
Malgré un effort significatif du côté de la recherche (voir http://www.fing.org/index.php?num=4564,4), la France est pour l’instant totalement absente de ce marché émergent. Le nombre d’entreprises de robotique se compte sur les doigts d’une seule main, et toutes sont spécialisées dans la fourniture de plate-formes destinées à la recherche.
Mais ce décalage n’est pas seulement technique et commercial. Il est aussi culturel. Compte tenu de la réalité d’aujourd’hui (ces robots existent !) et des acteurs déjà fortement présents sur le marché (toutes les plus grandes entreprises japonaises, notamment), il paraît urgent de cesser de considérer les robots comme des avatars d’oeuvres de science fiction ou, pire, comme une incongruité nippone.
Par bien des aspects, cette révolution robotique s’apparente à celle de la micro-informatique. Le Aibo de Sony est à ce nouveau marché ce que fût le Macintosh il y a 20 ans pour le marché de l’informatique personnelle : un déclencheur et un modèle à suivre. On connaît la suite. Et l’on peut craindre qu’il y ait autant de constructeurs de robots personnels français dans les années qui viennent qu’il y a aujourd’hui de constructeurs de PC en France. C’est-à-dire aucun.